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“Sénégal : l’heure des vérités économiques”, Par Cheikh Sène Économiste, Essayiste

La récente dégradation de la note souveraine du Sénégal par Standard & Poor’s ne relève pas d’un simple jugement technique. Elle traduit une inquiétude profonde sur la trajectoire économique du pays et constitue un appel à la lucidité.


Rédigé par leral.net le Samedi 18 Octobre 2025 à 15:54 | | 0 commentaire(s)|

“Sénégal : l’heure des vérités économiques”, Par Cheikh Sène Économiste, Essayiste
“Les chiffres du dernier bulletin de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD) confirment ce diagnostic : les exportations ont reculé de 6 %, tandis que les importations ont chuté de 18 %. Ce double mouvement illustre un affaiblissement simultané de la demande extérieure et intérieure.

L’économie sénégalaise semble entrer dans une phase de ralentissement où la rigueur budgétaire, conjuguée à la contraction du pouvoir d’achat, freine la dynamique de croissance. L’inflation, mesurée à 2,8 %, pourrait laisser croire à une amélioration du cadre macroéconomique. En réalité, cette moyenne cache des disparités fortes.

Les prix des produits de première nécessité demeurent élevés, et pour la majorité des ménages, la pression sur le coût de la vie reste forte. L’apparent retour à la stabilité des prix reflète davantage une baisse de la demande qu’un réel redressement de la production nationale.

La décision de Standard & Poor’s s’explique aussi par la fragilité budgétaire du pays. Avec une dette publique proche de 110% du PIB, les marges de manœuvre se réduisent. Les recettes fiscales stagnent, tandis que les dépenses incompressibles salaires, subventions, service de la dette absorbent une part croissante du budget.

Cette situation limite la capacité de l’État à investir dans les infrastructures productives et à soutenir les secteurs créateurs d’emplois. Au-delà du constat conjoncturel, cette dégradation interroge le modèle de croissance du Sénégal. Les grands projets d’infrastructures et les promesses liées à l’exploitation prochaine du pétrole et du gaz n’ont pas encore permis de transformer structurellement l’économie.

La dépendance aux importations, la faiblesse de la production locale et la lenteur de la diversification industrielle demeurent des handicaps majeurs. Pour restaurer la confiance, le pays doit engager une réorientation stratégique autour de trois priorités :
Une consolidation budgétaire intelligente, privilégiant l’efficacité de la dépense plutôt que l’austérité aveugle ;
Un soutien renforcé à la production nationale, notamment agricole et manufacturière, afin de réduire la dépendance extérieure ;
Une réforme fiscale et institutionnelle, destinée non pas à élargir l’assiette fiscale qui étouffe la reprise économique mais de réduire les niches, renforcer la transparence, et améliorer la gouvernance économique.

La dégradation de la note souveraine ne doit pas être vue comme une sanction, mais comme une opportunité de correction. Elle rappelle qu’aucune stabilité financière n’est durable sans soutenabilité économique et sociale. Le Sénégal dispose d’atouts réels une jeunesse dynamique, un potentiel agricole et énergétique considérable mais il lui faut désormais faire preuve de cohérence et de courage politique pour transformer ces promesses en progrès tangible.”

Cheikh Sène Économiste, Essayiste
Auteur du livre « Économie verte au Sénégal Et dans le monde, Un levier pour un avenir durable »



Ousseynou Wade