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Thierry Wone, chanteur du groupe « French Connexion »: « Mon grand-père Amath Dansokho m’a inculqué la culture du travail, de l’effort et du respect »

Rédigé par leral.net le Mardi 10 Juin 2014 à 23:58 | | 0 commentaire(s)|

Thierry Wone, chanteur du groupe « French Connexion »: « Mon grand-père Amath Dansokho m’a inculqué la culture du travail, de l’effort et du respect »

 

Il n’a pas choisi le même chemin que son grand-père, un certain Amath Dansokho, grande figure de la politique sénégalaise, président du Parti de l’indépendance et du travail (Pit) et ministre d’Etat. Mais, Thierry Wone, lentement mais sûrement, sait où il veut aller. A 26 ans, il est en train de trouver sa voie dans la musique. Etudiant en musicologie à l’Université de Reims, il a déjà son groupe, « French Connexion », qui est une constellation de chanteurs venus d’horizons divers. Un métissage musical à l’image de celui de la peau de Thierry Wone, qui a pris de son grand-père « la culture du travail, de l’effort et du respect ».

Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Je suis chanteur, membre du groupe French Connexion, un groupe qui réunit un guitariste algérien, un bassiste argentin, et un batteur français, et moi qui suis métisse sénégalais. Mon père est métisse franco-vietnamien-sénégalais et ma mère est franco-sénégalaise. J’ai vécu plus de sept ans à Dakar, avant de m’installer en France depuis cinq ans maintenant. Donc forcément, étant sénégalais et français, j’ai la chance moi aussi de vivre et de défendre dans la diversité tous les jours.

Comment est née cette idée de monter un groupe musical qui se caractérise par la diversité de ses membres?

Personnellement, je suis un produit de la diversité. C’est pourquoi dans tout ce que je fais, j’essaye de défendre la diversité. Pour le groupe, on s’est tous rencontré à la fac de musicologie à Reims. On n’a pas tous le même goût musical. Le guitariste aimait le blues, moi le hip-hop, la musique africaine et le jazz, alors que le bassiste est fasciné par le pop. On s’est dit qu’on va essayer et voir ce que cela va donner, parce que même si chacun de nous a son genre préféré, nous avons l’amour de la musique en commun. C’est comme le football : avant d’aimer Barcelone ou Real on aime d’abord le football. On a essayé donc de faire une équipe et ça marché. Aujourd’hui on est à 150 concerts, une soixantaine d’interviews, et on fait des festivals. On a vu que la diversité marche, c’est fédérateur.

 

 

 

Sur quels types de scènes jouez-vous généralement ?

Nous faisons des café- concerts, des festivals et des salles de concert mais nous faisons aussi des évènements à portée social. On va d’ailleurs jouer très bientôt dans une prison. C’est vrai qu’après il faut faire des rentrées d’argent, cependant nous avons une part de social qui est très importante dans notre groupe et nous ne voulons pas l’enlever.

« La musique, elle nous permet de tenir debout dans des moments difficiles et de partager des moments de joie comme les mariages. »

Le but c’est aussi de joindre l’utile à l’agréable ?

C’est bien cela ! Il y en a qui pensent que c’est contradictoire, mais moi je ne crois pas que c’est incompatible de créer de l’argent ou/et des opportunités, tout en créant un projet qui puisse être partagé à la majorité de la population. La musique, elle nous permet de tenir debout dans des moments difficiles et de partager des moments de joie comme les mariages, elle rythme nos vies quel que soit l’endroit du monde ou on se trouve.

Quel est le genre musical de votre groupe ?

On mélange tout, mais la base c’est le hip-hop et le rock. Comme je l’ai déjà dit, les autres musiciens ont une culture rock et moi je suis plutôt influencé par le hip-hop, le jazz et la musique africaine. On a d’ailleurs un morceau qui s’appelle « Ndeysaan », un autre « Défa dof ».

« Quand j’habitais chez lui à Mermoz, il m’a appris par son mode de vie et ses actions qu’il ne faut jamais considérer les gens comme des ennemis. Ce n’est pas parce que quelqu'un n’a pas le même point de vue que toi qu’il ne faut pas lui ouvrir la porte. »

Amath Dansokho, votre grand-père maternel, avait lui aussi très tôt quitté la maison familiale de Kédougou pour aller faire ses études à Saint-Louis puis Dakar, avant de s’exiler plus tard à Prague. Est-ce que son parcours vous a inspiré ?  

On n’a peut-être pas choisi le même corps de métier, mais ce qui est sûr c’est que mon grand-père compte beaucoup dans ma vie. Il m’a inculqué la culture du travail, de l’effort et du respect. Quand j’habitais chez lui à Mermoz, il m’a appris par son mode de vie et ses actions qu’il ne faut jamais considérer les gens comme des ennemis. Ce n’est pas parce que quelqu'un n’a pas le même point de vue que toi qu’il ne faut pas lui ouvrir la porte. Aujourd’hui encore, sa porte est ouverte à tout le monde. Que tu sois son ami, son adversaire politique, tu es la bienvenue chez lui. Cela m’a beaucoup inspiré. La preuve, moi j’ai un penchant pour le hip-hop et le jazz mais cela ne m’empêche pas de composer avec des personnes qui aiment d’autres genres musicaux. Pour cette ouverture, je dois beaucoup à mon grand-père.

 

 

 

Pensez-vous qu’il doit se retirer définitivement de la vie publique et politique pour préserver sa santé ?

C’est vrai qu’il est malade et que c’est la première fois qu’il est hospitalisé aussi longtemps, mais je pense qu’il ne peut arrêter comme ça la politique parce qu’il vit pour le peuple sénégalais, pour l’Afrique. C’est la politique qui le maintient en vie, quelque part. Il peut quand même ralentir un peu, mais il ne peut pas arrêter même s’il le voulait. Il continuera à se battre pour le peuple jusqu’à la fin de sa vie, à défendre l’Afrique et les idéaux auxquels il est attaché.

Comment avez-vous chopé la passion de la musique, alors que vous avez longtemps vécu avec Amath Dansokho qui ne vit que pour la politique ?

C’est par le biais de mon père Mao Otayeck. C’est mon beau-père, l’époux de ma mère, mais je l’appelle mon père parce qu’il m’a éduqué depuis que je suis tout petit. C’est un musicien qui fut notamment chef d’orchestre d’Alpha Blondy pendant plus de vingt ans. Il a aussi joué avec Cheikh Tidiane Seck, Salif keita, Tony Allen, Stevie Wonder. J’ai donc baigné dans cet environnement. Avant, je faisais du sport. Mais je me suis petit à petit intéressé à la musique. Et au fil de mes rencontres, les gens m’ont convaincu que la musique était ma voie et que ma voie serait ma voix.

Quelles sont les perspectives du groupe French Connection ?

Pour l’instant on n’est pas dans une perspective de signer avec un label car nous ne voulons pas brûler les étapes. On nous a fait des propositions, mais aujourd’hui on est plus dans une perspective de se chercher, de se trouver et de partager. Ce qui nous confère une certaine indépendance et liberté pour tourner où l’on veut et quand on veut. On revient d’une tournée de Paris à Bruxelles et on est déjà très pris par les concerts, les conférences et nos autres projets. Nous sommes encore dans une phase d’expansion, et de faire découvrir notre projet au plus grand monde, puis si il faut signer avec un label il faudrait que ce soit un coup de cœur réciproque.

 

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Quel est votre agenda pour les mois à venir ?

On va effectivement jouer en prison très bientôt. L’idée est d’aider ce public à se réintégrer par le biais de la musique. Nous allons également faire une tourne en octobre qui nous mènera en France et en Suisse et la Belgique. Une tournée nationale est prévue l’année prochaine sur la France. On a un agenda très chargé on fait entre cinq et huit concerts par mois. On est également en train de planifier une tournée au Sénégal, courant 2015. C’est un voyage clin d’œil a une grosse partie de mes racines et à la diaspora sénégalaise qui est de plus en plus nombreuse à nous suivre. En marge de cette tournée, nous ferons une conférence sur la diversité avec le cinéaste Mame Daour Wade qui est intéressé par cette initiative. C’est un projet qui est en cours et qui je l’espère aboutira.

Qu’est-ce que cela représente pour vous d’aller à jouer à Dakar ?

C’était très important pour moi de me produire à Dakar. Quand je vivais la- bas j’ai déjà fais des concerts à Mermoz, Ouakam, Thiaroye. Mais ce n’est pas pour aller faire du « khalis », mais c’est juste une façon pour moi de renouer avec Dakar que j’ai quitté il y a cinq ans et où j’ai mes attaches familiales. C’est une manière de montrer que notre communauté se porte très bien en France et qu’il faut s’ouvrir à la diversité. On a prévu de jouer à Dakar et sa banlieue. Je veux aussi montrer aux gens avec qui je fais des concerts, et aux gens qui ne me connaissent pas, à quoi ça ressemble un « boy bou khess » dans un groupe « bou dof ». J’espère faire de la bonne musique et que les gens vont l’aimer au Sénégal.

Propos recueillis par Thierno DIALLO  AFRIQUE CONNECTION