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Un phénomène inédit en pleine saison sèche : Qu’est-ce qui explique l’invasion de moustiques à Dakar ?

Depuis le mois de janvier, Dakar est envahie par les moustiques qui, à la manière des Russes en Ukraine, exercent un siège implacable sur les maisons. Une invasion en pleine saison sèche qui embête et agace les populations, qui ne savent plus à quel insecticide se vouer dans cette lutte contre ces bestioles. Selon l’ancien chef de Brigade régionale de l’hygiène de Dakar, le commandant Rassoul Bâ, ce phénomène inhabituel et inquiétant est dû à la densité des habitations construites dans des zones de captage comme le Technopôle-Pikine, Nord-Foire, Grand-Yoff, etc. Une prolifération de moustiques exacerbée aussi par le défaut d’opérations de saupoudrage périodique de la part des pouvoirs publics. "Le Témoin"


Rédigé par leral.net le Samedi 14 Mai 2022 à 10:08 | | 0 commentaire(s)|

Face à des températures douces de saison sèche et des mois de janvier, février, mars, avril et mai plutôt froids et humides (les températures variaient entre 18° et 22°), la région de Dakar a été paradoxalement envahie par des moustiques. C’est d’autant plus paradoxal que ceux-ci ne sévissent généralement que durant l’hivernage, en période de chaleur donc. Le dérèglement climatique est-il passé par là ?

En tout cas, partout dans la capitale et sa banlieue actuellement, le constat amer et gênant, c’est que les moustiques ont pris leurs quartiers, piquant par rafales, au ras du sol, au ras des jambes… S’ils ne frôlent pas le bout du nez ou ne sifflent pas aux oreilles, empêchant de dormir du sommeil du juste. Et pourtant, lorsque ces bestioles déclenchaient leur assaut sur Dakar, en janvier, on était loin de la saison des pluies où les nombreuses flaques d’eau favorisent leur prolifération. Donc, pourquoi sommes-nous assaillis par les moustiques en cette période ?

Selon l’ancien chef de la Brigade régionale d’Hygiène de Dakar, le commandant Rassoul Bâ, le phénomène des moustiques hors saison des pluies, est exacerbé d’abord par le réchauffement climatique.

« Mais à Dakar, cette prolifération de moustiques est surtout liée à la densité des habitations. Sans oublier la forte croissance démographique. Vous n’êtes pas sans savoir que jusqu’en 2000, les moustiques vivaient dans les zones de captage situées à Nord-Foire, Ouest-Foire, Grand-Yoff, Technopôle-Pikine et autres bassins de rétention, qui servaient à collecter et à stocker les eaux pluviales. Attirés par la chaleur, l’obscurité et les eaux stagnantes, ils y trouvaient refuge. Hélas, aujourd’hui, presque toutes ces zones sont devenues des habitations à forte concentration humaine. Et comme le naturel des moustiques est chassé de sa zone d’habitation, il revient toujours au galop ! », explique notre interlocuteur.

Selon toujours l’officier de l’Hygiène à la retraite, dès lors que les moustiques sont chassés de leur « logis », ils trouvent refuge dans les habitations. Résultat : ces moustiques qui aimaient l’obscurité et se reproduisaient dans les mares et autres flaques d’eau des zones de captage, sont devenus des moustiques « urbains » ou domestiques, puisqu’ils cohabitent désormais avec l’homme chez lui.

« A Dakar, les moustiques égarés sont attirés par la lumière des maisons et des appartements. Sans oublier les égouts, les bacs à ordures, les réservoirs des pots de fleur, les gouttières mal nettoyées et autres qui constituent des endroits parfaits pour se reproduire. Et lorsque le moustique se rapproche, il repère les mouvements caractéristiques au sens large d’une cible potentielle, qu’est la chaleur humaine. Ensuite, il pique pour se nourrir de sang. Et du sang, le moustique en aura toujours à Dakar, une ville victime d’une forte croissance démographique. C’est ce qui explique la prolifération inhabituelle des moustiques hors saison des pluies », nous explique M. Rassoul Ba, l’ancien chef de Brigade régionale de l’Hygiène de Dakar.

Un corps…marginalisé !

Jusque dans les années 80 et 90, le Service national d’Hygiène, dans le cadre de la lutte contre les moustiques, procédait régulièrement à des opérations de saupoudrage d’insecticides dans les zones urbaines. Malheureusement, de nos jours, ce corps semble être « marginalisé » puisqu’il ne dispose pas des moyens pour remplir correctement ses missions, qui consistent à mener des opérations périodiques de démoustication et de désinsectisation.

Chaque année, nous confie-t-on, le budget alloué au Service national d’Hygiène est drastiquement et arbitrairement réduit comme si l’hygiène et la salubrité publique ne sont pas une priorité pour l’Etat. Et surtout, un Service de l’Hygiène regroupant plusieurs brigades régionales et qui souffrent de l’absence — ou en tout cas d’un manque de — moyens financiers et logistiques, afin de lutter contre les moustiques et aussi contre les insectes de manière générale.

Car le phénomène des moustiques envahisseurs auxquels sont confrontées les populations dakaroises, est un réel problème de santé et de salubrité publique, que l’Etat doit prendre au sérieux.

Le moustique femelle ou anophèle n’est-il pas l’agent vecteur du paludisme qui a fait plus de 400 morts l’année dernière dans notre pays ?

« Malheureusement, on constate un manque de considération puisque le Service national de l’Hygiène n’a pas les moyens pour acheter des produits insecticides et de démoustication pour pouvoir mener des opérations de saupoudrage. Et su l’Etat ne met pas des moyens suffisants, les communes n’en parlons pas, car rares sont des mairies qui font des opérations de saupoudrage contre les moustiques.

En 30 ans d’existence, votre journal, notre journal « Le Témoin » a-t-il une seule fois assisté à une cérémonie d’inauguration d’une Brigade régionale de l’Hygiène ?

Non ! Car l’Etat n’inaugure que des postes de santé, des postes de police, des brigades de gendarmerie ou de douane. Le Service de l’Hygiène est toujours laissé en rade…
», regrette le commandant Rassoul Bâ. Et de se plaindre de la cherté des insecticide et des produits de démoustication. « Parce qu’ils ne sont pas subventionnés par l’Etat. Il est temps de les classer comme produits de santé publique afin de les subventionner », conseille-t-il.

Faute de moyens, les brigades régionales du Service national d’Hygiène profitaient souvent du plan « Orsec », pour faire des campagnes de saupoudrage.

« Que voulez-vous, car le Service national de l’Hygiène n’a pas de moyens ! Et les très rares opérations de saupoudrage qu’effectuaient les agents du Service de l’Hygiène, entraient dans le cadre des interventions du Plan « Orsec ». Vous voyez, sans le plan « Orsec » de l’Etat, les brigades régionales de l’Hygiène sont pratiquement inexistantes sur certains fronts.

D’ailleurs, je profite de l’occasion pour demander au président de la République d’augmenter le budget du Service national d’Hygiène, pour mieux équiper, valoriser et moderniser le corps afin qu’il puisse gérer de façon efficace les questions de salubrité, d’hygiène et de santé publique. Et je suis convaincu que le Président Macky Sall, très sensible aux problèmes de santé publique, lancera un programme d’équipement et de modernisation au profit du Service national de l’Hygiène
», souhaite l’ancien chef de la Brigade régionale de l’Hygiène de Dakar.

Il est vrai que l’urgence, à l’heure actuelle, c’est de nous débarrasser des moustiques urbains.

Des moustiques audacieux qui ont fini par empiéter sur les horaires des mouches (entre 6h du matin et 18 heures), alors qu’eux, moustiques, ne s’activaient que nuitamment entre 18h et 6h. De quoi donc organiser des opérations aériennes ou terrestres de pulvérisation contre ces dangereux pourvoyeurs de palu et empêcheurs de dormir tranquille, qui nous ont assaillis depuis janvier !







Le Témoin