Suite logique d’un lent processus politique, la création de la Confédération sénégambienne est accélérée par l'insurrection menée en juillet 1981 en territoire gambien. Retour sur une union éphémère, qui aura duré sept ans.
Fin juillet 1981, un soulèvement menace le président gambien Dawda Jawara. Au titre du traité de défense qui les lie depuis 1967 – le Sénégal protège la Gambie, enclavée, en cas d’attaque – Abdou Diouf lance l’opération « Fodé Kaba II », afin de sécuriser le pouvoir. C’est un succès : le coup échoue.
Cette tentative de déstabilisation relance le dialogue sur une possible union du Sénégal et de la Gambie. À la faveur de pouvoirs politiques stables, elle se précise de plus en plus : le pacte scellant la Confédération est signé le 17 décembre 1981 à Dakar, et elle entre en vigueur le 1er février 1982.
De nombreux bénéfices en perspective
La création de la Sénégambie profite au pouvoir sénégalais, notamment pour son accès direct sur la Casamance. Région partiellement isolée du reste du pays par le territoire gambien, l’union des deux pays permet de la désenclaver.
L’alliance doit également bénéficier à l’économie sénégalaise. La source principale d’exportation de la Gambie, les arachides, représente un marché trop faible. L’État gambien vit donc principalement de la contrebande, qui passe par le Sénégal. En réunissant les deux pays, le Sénégal espère qu’elle ne transitera plus par le pays, ce qui lui profiterait économiquement.
Pour la Gambie, l’enjeu est sécuritaire. L’armée sénégalaise a prouvé à plusieurs reprises sa force, ce qui rassure Banjul. Le pouvoir gambien souhaite également renforcer son poids sur la scène panafricaine et internationale. L’association avec le Sénégal, acteur plus visible, ne peut que lui profiter. Enfin, Jawara voit dans la Confédération un moyen, à terme, de renforcer politiquement son pouvoir à Banjul.
La Confédération de Sénégambie constitue une avancée majeure diplomatique sur le territoire africain
Dans les années 1980, les organisations internationales sont de moins en moins enclines à proposer de l’argent aux pays africains. Elles sont cependant plus souples à donner à des sous-ensembles régionaux fédérés ou des organismes de coopération inter-étatiques. En ce sens, la Confédération de Sénégambie constitue une avancée majeure diplomatique sur le territoire africain.
Volonté d’intégration
La Sénégambie se dote d’instruments performants censés permettre une meilleure communication interne et une coordination des politiques étrangères respectives. La Sénégambie dispose donc d’un président (toujours sénégalais), et d’un vice-président (toujours gambien). Elle possède un gouvernement, composé de cinq Sénégalais et de quatre Gambiens.
Une assemblée confédérale, aux deux tiers sénégalaises est également créée. Elle doit mettre en place les unions douanières, économiques et monétaires permettant à la Sénégambie de fonctionner.
Quelques freins
Le mariage sénégambien montre très rapidement ses limites. À commencer par l’harmonisation des rapports linguistiques : elle est chaotique, le Sénégal étant francophone et la Gambie anglophone.
Les relations monétaires se révèlent plus compliquées que prévu à assainir. La monnaie gambienne, le dalasi, est inconvertible, tandis que le Sénégal est rattaché au Franc CFA, sous forte influence française.
Union inachevée
En 1989, les différends au sein de la Confédération sont de plus en plus virulents. En plein essor économique, la Gambie se heurte aux barrières tarifaires élevées du Sénégal, engendrant une certaine frustration. De son côté, Abdou Diouf estime que la Confédération pourrait être plus poussive dans son intégration.
À terme, le président sénégalais souhaite que la Confédération devienne un État unitaire sénégambien. La Gambie s’y oppose, par crainte de perdre ses prérogatives. En conséquence, la Sénégambie est gelée en août 1989, puis dissoute le 30 septembre 1989.
Trop d’obstacles se dressent sur la voie de l’unité africaine pour ne pas faire mention de tout ce qui contribue au dépassement des entités territoriales héritées de l’ère coloniale
Comme l’évoquait Philippe Decraene en décembre 1981 dans Le Monde diplomatique, « ce succès doit être porté au crédit du panafricanisme. Trop d’éléments militent en faveur de l’exacerbation des nationalismes, trop d’obstacles se dressent sur la voie de l’unité africaine pour ne pas faire mention de tout ce qui, d’une façon ou d’une autre, contribue au dépassement des entités territoriales héritées de l’ère coloniale. »
Par Solène Leroux (Jeuneafrique)
Loin d’être anecdotique, la Confédération de Sénégambie est, pour l’époque, l’un des exemples panafricains les plus aboutis, bien qu’éphémère.