À l’ouverture des Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (Bad), hier, à Charm el-Cheikh, en Égypte, les leaders du continent ont mis l’accent sur la croissance verte, notamment grâce à la mobilisation des ressources du secteur privé.
Seydou KA (Envoyé spécial à Charm el-Cheikh)
« L’Afrique est dévastée par le changement climatique », a constaté le Président de la Banque africaine de développement (Bad), Dr Akinwumi Adesina, hier, lors de la cérémonie officielle d’ouverture des Assemblées annuelles de l’institution à Charm el-Cheikh en Égypte. À titre d’exemple, le lac Tchad a perdu 90 % de sa surface ; ce qui a contribué à accentuer la crise sécuritaire dans cette partie de l’Afrique avec l’émergence de Boko Haram. Ainsi, la lutte contre le changement climatique est une « une question de survie existentielle », souligne le Président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi venu présider la cérémonie d’ouverture. Ce dernier a mis l’accent sur les immenses besoins en matière de financement du continent : 200 milliards de dollars par an pour réaliser les Contributions déterminées au niveau national (Cdn) des pays, 50 milliards de dollars par an pour se relever des effets de la Covid-19 et 100 milliards de dollars pour le développement des infrastructures. Pour mobiliser ces ressources, le Président égyptien plaide pour la mise en place de structures financières idoines et invite les agences multilatérales de développement à réviser les critères d’accès aux ressources concessionnelles et à alléger le service de la dette. Il faut aussi et surtout diversifier les sources de financement avec la contribution du secteur privé. En effet, si l’Afrique ne capte que 3 % des financements climat à l’échelle mondiale, la contribution du secteur privé (14 % de ce montant) est « ridiculement bas », constate Dr Akinwumi Adesina.
« Nous devons faire plus pour verdir les infrastructures sur le continent grâce au financement du secteur privé. L’avenir de l’Afrique est vert », estime le Président de la Bad. En consacrant 45 % de ses financements au climat, en 2022, la Bad, s’est félicité M. Adesina, a dépassé ses engagements dans ce sens.
Effet de levier
De son côté, le Président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, réclame plus d’actes et moins de promesses, appelant à une ère nouvelle de bonne gouvernance sur le continent. Pour lui, l’enjeu majeur porte sur l’attractivité des financements extérieurs. Parce que, dit-il, l’Afrique est injustement classée zone à haut risque par les agences de notation ; ce qui décourage les investisseurs et renchérit le coût du crédit. Azali Assoumani, Président de l’Union des Comores et Président en exercice de l’Union africaine, a alerté sur les risques qui pèsent sur l’atteinte des Objectifs de développement durable (Odd) et l’Agenda 2063 à cause du changement climatique. Il a insisté sur la nécessité d’assurer la stabilité politique, le renforcement du cadre réglementaire et encouragé la Bad à accompagner le secteur privé africain dans sa quête de ressources pour une croissance verte.
« Il est urgent d’élargir le tirage de Dts et de les déployer par le biais des banques multilatérales de développement comme la Bad », dit-il. Sur ce point, l’institut financière panafricaine promet de faire jouer son effet de levier. « Une réallocation de 10 milliards de dollars de Dts vers la Bad va se traduire en 40 milliards de dollars en faveur de l’Afrique, soit un effet de levier de trois à quatre fois », explique Dr Adesina.
Réformer l’architecture financière internationale
Ce dernier juge nécessaire de réformer l’architecture financière mondiale pour pouvoir faire face aux défis auxquels l’Afrique est confrontée. Ces défis peuvent se résumer à travers la formule des 3C (Covid-19, conflits et climat). À cela s’ajoute la crise de la dette. Pour lui, il est urgent de réformer l’architecture financière mondiale pour répondre à la restructuration ordonnée de la dette africaine. Il appelle ainsi la communauté internationale à faire pression pour plus de transparence et une meilleure coordination entre créanciers. C’est d’autant plus urgent que la nature de la dette africaine a profondément évoluée en 20 ans. Aujourd’hui, elle est constituée de 53 % de dette commerciale contre 25 % de dette bilatérale alors qu’en 2001 la proportion était de 52 % de part bilatérale et 20 % pour la partie privée. Dans ce contexte, la Bad teste de nouvelles approches pour exploiter les ressources du secteur privé. Ainsi, elle est devenue, en 2018, la toute première banque multilatérale de développement au monde à faire de la titrisation synthétique en déplaçant certains actifs de son portefeuille pour les transférer à des investisseurs institutionnels, pour un montant d’un milliard de dollars investis dans le développement des infrastructures en Afrique. La Bad reste aussi la plus grande institution émettrice d’obligations sociales. Et l’Alliance pour l’infrastructure verte en Afrique (Agia), lancée avec ses partenaires, permettra de mobiliser 10 milliards de dollars pour le financement d’infrastructures vertes sur le continent.
Source : https://lesoleil.sn/assemblees-annuelles-de-la-ban...