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Braquage meurtrier de Koumpentoum : les émouvantes confidences de la veuve du Major Tamsir Sané

C’est à Liberté 6, dans un immeuble non loin du camp Leclerc, que la veuve du Commandant Sané porte le deuil. Entourée de proches, la main crispée sur son portable, elle masque mal son chagrin. Hier vendredi, huit jours après le décès de son époux, abattu au cours du cambriolage du bureau de La Poste de Koumpentoum, parents, voisins et sympathisants continuent d’envahir sa maison. Pour «L’Observateur», elle a accepté de revenir sur les tranches de sa vie partagées avec son défunt époux. Leur rencontre, leur vie de couple, les derniers propos échangés…, l’arrestation des présumés tueurs… Tout y passe.


Rédigé par leral.net le Samedi 3 Août 2019 à 11:51 | | 0 commentaire(s)|

Huit jours après le décès de votre époux que ressentez-vous ?

Je ressens encore un profond chagrin qui me ronge. C’est cruel. J’ai encore du mal à comprendre ce qui est arrivé et pourquoi brusquement, mon époux nous quitte, mes enfants et moi. Pis encore, je ressens un grand vide, car Tamsir était d’abord un confident pour moi, un complice… Les témoignages faits çà et là sur lui, notamment par ses collègues, me permettent de contenir cette épreuve. Ces témoignages, en plus de ce que j’ai vécu avec lui, me confirment que Tamsir était un homme bon.

Comment et à quelle occasion vous êtes-vous connus ?

J’étais étudiante à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis au département d’Anglais. Je fais partie de «Sanar 1», en 1990. A l’époque, il était gendarme au camp Khor. Nous nous sommes rencontrés en 1993. Dès le début, j’ai compris qu’il était un homme sérieux et qui a beaucoup de respect pour la femme. La preuve, notre relation s’est installée tranquillement sans bruit, sans excès et sans aucune précipitation.

Puis, nous nous sommes mariés en 1999 et j’ai rejoint le domicile conjugal. Ce que j’ai admiré le plus chez Tamsir et qui m’a convaincue à m’engager à devenir son épouse, c’est son humilité. Tenez, lors de la dernière fête de Korité, nous sommes partis ensemble chez mes parents à Kébémer, pour y passer la fête. Ils ne sont pas nombreux les hommes qui acceptent de le faire. Lui l’a fait humblement.

La dernière fois que vous vous êtes parlés ?

C’était quelques heures seulement avant que ces malfaiteurs lui tirent dessus. Je crois que c’était dans l’après-midi au téléphone.

Comment avez-vous appris sa mort ?

Tôt le matin du vendredi 26 juillet (le cambriolage au cours duquel des malfaiteurs ont tué le commandant Sané a eu lieu tard dans la nuit du jeudi 25 au vendredi 26 juillet 2019), ma belle-sœur, Ndèye Fatou, m’a jointe au téléphone pour dire bonjour. Elle a gardé le silence. Cela m’a paru bizarre. Sa voix chancelante l’a trahie. J’ai eu alors comme un pressentiment, puis toutes mes pensées sont allées vers mon mari. Toutes sortes d’idées ont commencé à défiler dans ma tête, puis j’ai composé le numéro de Tamsir. L’opérateur de téléphonie m’a dit qu’il était en communication. J’ai raccroché et attendu 3 minutes, il n’a pas rappelé, contrairement à ses habitudes.

J’ai appelé sur un autre numéro qui sonnait dans le vide. Mon cœur a alors commencé à battre très fort. Je ne pouvais plus m’arrêter, il me fallait avoir de ses nouvelles. J’ai joint sa grand-sœur, elle a décroché et j’ai entendu pleurer, hurler, j’ai alors compris qu’il s’est passé quelque chose de grave. (Elle marque une pause, la tête baissée, le regard braqué à ses pieds, avant de poursuivre).

Jusqu’à cet instant, personne ne m’avait rien dit. Mais la succession de ces comportements inhabituels m’a fait craindre le pire. Je me suis plainte auprès de ma petite-sœur, lui disant que je n’arrive pas à joindre mes belles-sœurs qui sont en pleurs et personne ne veut rien me dire. C’est alors que mon oncle est arrivé et a joint ma belle-sœur, qui lui a alors annoncé la mort de mon époux.

J’étais choquée, effondrée et j’ai senti mon cœur s’emballer. Je me souviendrai toute ma vie de ce jour du vendredi, de cet instant où le ciel m’est tombé sur la tête. Mon époux est mort, les armes à la main. C’est tout à son honneur, parce qu’il voulait s’opposer à des malfaiteurs armés et faire respecter l’ordre. Mais, il a eu une mort violente et ça, ça me déchire le cœur, à chaque fois que j’y pense. J’ai aussi eu une pensée pour ma belle-mère, Khadidiatou Henriette Diatta, une grande dame, au grand cœur, qui vit à Ziguinchor.

Vous pensez à votre belle-mère parce qu’elle est âgée ?

Non seulement, elle est d’un âge avancé, mais Tamsir, mon défunt époux, était très attaché à elle et elle le lui rendait bien d’ailleurs. Je vous ai dit plus haut que Tamsir avait beaucoup de respect pour les femmes. Avec le recul, je réalise qu’il tient cette vertu de cet amour qu’il a pour sa mère.

Qu’est-ce qui va le plus vous manquer chez votre défunt époux ?

Assurément sa joie de vivre, son humilité. Il dégageait une constante joie de vivre qui accrochait et maintenant, je comprends que c’est parce qu’il n’avait pas beaucoup de temps à passer sur cette terre. Tenez, mon époux était capable de vous donner l’argent pour l’approvisionnement du mois, puis d’un coup, il allait lui-même, au marché pour faire des provisions.

À présent, comment envisagez-vous la vie sans lui ?

Ce sera difficile, très, très difficile pour moi, pour ses enfants et ses autres proches. (Elle marque à nouveau une pause et semble plonger dans ses souvenirs). Depuis qu’il est parti, je suis face à un grand vide. Je vous ai dit qu’il était un ami, un confident, on se confiait tout, on était vraiment complices au sens propre du terme.

«Voir mon fils, à son âge, caresser la tête de son père en formulant des prières pour lui, m’a fortement émue, j’ai craqué»

Quand des rumeurs ont fait état d’une balle que mon mari aurait reçue à la tête, j’ai eu trop mal. J’ai alors décidé de ne pas me pencher sur son corps, parce que je voulais garder de lui, le souvenir d’un homme entier, celui que j’ai toujours connu et non l’image difficile de sa tête perforée.

Fort heureusement, on m’a assuré qu’il n’en était rien. C’est mon fils, Ibrahima, 15 ans qui m’a conseillé d’y aller. Il a tellement insisté que finalement, j’ai accepté d’aller me pencher sur le corps de mon époux. Voir mon fils, à son âge, caresser la tête de son père, en formulant des prières pour lui, m’a fortement émue. J’ai alors craqué.

Arrestation des auteurs présumés du braquage...

«C’est à la radio, à bord d’un taxi, alors que je retournais à la maison mortuaire, avec mon fils et ma sœur, que j’ai appris l’arrestation de la bande qui aurait tué mon mari. Mon fils Ibrahima, m’a dit instinctivement : «Maman tu as appris ?» J’ai répondu par l’affirmative.

Pendant que j’étais plongée dans mes pensées, mon fils a sauté de joie, félicitant la gendarmerie d’avoir si vite arrêté les bourreaux présumés de son père. Le taximan s’en est mêlé, disant que ces gens-là méritent une sanction exemplaire. J’ai eu la même réaction », réagit la veuve du commandant de brigade de Koumpentoum, tué par des malfaiteurs.

« Si j’étais en face de ces bandits, je leur dirai de jeter un regard sur ma fille, Ndèye Sokhna, qui aura 19 ans au mois d’octobre prochain et sur Ibrahima, qui a 15 ans. Je leur sommerai de les regarder dans le blanc des yeux et leur expliquer pourquoi ils ont fait ça. C’est tout. (Ses yeux larmoyants, elle se ressaisit, lorsqu’elle surprend notre regard et poursuit.)

Depuis cette arrestation, j’arrive maintenant à fermer l’œil. Comme si de là où il est, Tamsir aussi est soulagé par cette arrestation. J’ajoute aussi que la gendarmerie ne nous a pas lâchés, nous les épouses et les deux enfants de Tamsir. Le Général nous a reçus la veille de son départ pour La Mecque. Il nous a tous rassemblés pour nous assurer du soutien de l’Institution. Cela ne nous a pas surpris, car la gendarmerie est une grande famille», ajoute-t-elle.

L'Observateur