Leral.net - S'informer en temps réel

De l'ambition à la légitimité : jouer dans la cour des grands exige plus que de l'audace

Rédigé par leral.net le Mardi 17 Juin 2025 à 08:12 | | 0 commentaire(s)|

" La 5ᵉ République ne se contentera pas d'ambitieux bavards ; elle appelle des esprits préparés, des cœurs sincères et des mains propres ."
Alors que le Gabon s'apprête à tourner la page d'une transition historique et à entrer dans l'ère de la 5ᵉ République, un souffle d'espoir et de renouveau traverse la société. Le pays s'avance vers des élections municipales et législatives décisives, prévues pour septembre et octobre prochains, dans un contexte où la refondation des institutions (...)

- LIBRE PROPOS /

" La 5ᵉ République ne se contentera pas d'ambitieux bavards ; elle appelle des esprits préparés, des cœurs sincères et des mains propres ."

Alors que le Gabon s'apprête à tourner la page d'une transition historique et à entrer dans l'ère de la 5ᵉ République, un souffle d'espoir et de renouveau traverse la société. Le pays s'avance vers des élections municipales et législatives décisives, prévues pour septembre et octobre prochains, dans un contexte où la refondation des institutions n'est plus un slogan, mais un impératif républicain. Cette période charnière suscite un engouement politique sans précédent : des candidatures foisonnent, des partis se réorganisent, des citoyens s'éveillent. Et nombreux sont ceux qui aspirent à "jouer dans la cour des grands".

Mais cette aspiration, aussi légitime soit-elle, soulève une question fondamentale : sommes-nous réellement prêts à assumer la hauteur des exigences que suppose cette nouvelle République ? Car dans la cour des grands, on ne s'improvise pas : on s'y prépare, on s'y forme, on s'y élève.

Dans cette dynamique de reconstruction nationale, l'ambition politique ne peut plus être simplement une posture ou une projection narcissique. Elle doit être le fruit d'un travail profond de réflexion, de préparation et d'enracinement territorial. Elle exige du sérieux, de la méthode, et surtout une claire conscience que la légitimité ne découle plus du passé, mais de la capacité à incarner l'avenir.

Nous entrons dans une ère où le pouvoir politique ne pourra plus être accaparé par des logiques de clan ou des arrangements d'appareil. La 5ᵉ République attend des hommes et des femmes d'État, pas des illusionnistes électoraux. Le discours politique doit se désintoxiquer du populisme et de la démagogie pour redevenir un vecteur d'idées fortes, de projets viables, et de cohésion nationale. Il ne s'agira plus de séduire, mais de convaincre. Il ne s'agira plus de promettre, mais de prouver.

L'ambition sans formation devient une imposture. La visibilité sans vision est une perte de temps. L'entrée dans la cour des grands suppose désormais une nouvelle posture : celle de l'engagement éclairé, de la responsabilité collective et de la compétence appliquée.

Le prochain scrutin, à la lumière des nouvelles institutions en gestation, ne doit pas être un simple exercice de renouvellement de visages, mais un acte fondateur. Il doit refléter la volonté d'un peuple de s'émanciper des automatismes anciens pour entrer dans une culture politique de service, de résultat et d'intégrité.

Ceux qui aspirent à siéger dans les assemblées locales ou nationales doivent comprendre que nous sommes à un moment de rupture générationnelle, morale et institutionnelle. Il faut désormais penser la politique non comme un tremplin personnel, mais comme un espace de responsabilité partagée. Les électeurs eux-mêmes doivent devenir plus exigeants, plus avertis, plus vigilants.

Dans cette nouvelle République, on n'élit plus des messies, mais des serviteurs. On ne confie plus le mandat à ceux qui crient le plus fort, mais à ceux qui travaillent avec méthode, parlent avec clarté, et agissent avec cohérence.

Cette transition politique aura été une opportunité offerte au pays pour repenser sa gouvernance, sa démocratie, son vivre-ensemble. Mais elle ne portera ses fruits que si la classe politique nouvelle – jeunes, femmes, cadres de la société civile – comprend qu'il ne suffit pas de vouloir : il faut incarner. Il ne suffit pas d'entrer : il faut durer. Il ne suffit pas de rêver : il faut construire.

En somme, jouer dans la cour des grands, dans cette 5ᵉ République en gestation, signifie se hisser au niveau des attentes d'un peuple fatigué, lucide, mais encore capable d'espérer. Cela exige d'entrer dans l'arène avec des idées solides, des principes inébranlables, et une volonté de contribuer à l'Histoire, et non de se servir du moment.

La page de la transition est en train de se tourner. Elle appelle de nouveaux auteurs, pas de vieux scénarios recyclés. Elle exige de nouvelles plumes, pas des relecteurs de privilèges perdus. Et si tu veux en être, alors prépare-toi, élève-toi, structure-toi. Car dans la cour des grands, on ne joue pas : on construit le destin d'une nation.

Eugène-Boris ELIBIYO,
Spécialiste des politiques éducatives et
de la planification stratégique,
acteur associatif engagé



Source : https://www.gabonews.com/fr/actus/libre-propos/art...