L’ambassadeur de Malaisie et son épouse étaient derrière les fourneaux pour faire sentir les saveurs culinaires de leur pays aux élèves de l’École nationale de formation hôtelière et touristique Cheikh Amala Sy. Ce cours magistral pourrait être le premier jalon d’une collaboration avec l’établissement.
Le grand salon de la résidence de l’ambassadeur de Malaisie à Dakar a été transformé, mardi dernier, en salle de classe pour les étudiants de l’École nationale de formation hôtelière et touristique Cheikh Amala Sy (Enfht). Aux fourneaux, il y avait l’ambassadeur Dato’ Zainal Izran Zahari et son épouse, Datin Erwina Nodin. Tous les deux ont mis la main à la pâte, sous le regard curieux des invités et apprenants. La maîtresse des lieux manipule les nombreux ingrédients, sourire aux lèvres, pour concocter le plat malaisien appelé Rendang Daging. La liste des condiments et autres composants est longue : riz, citronnelle, anchois secs, piment, oignon, gingembre, pâte de crevette, jus de tamarin, sucre, coco séché… Au milieu des effluves, Mme Nodin interroge ses élèves du jour : « Sentez-vous l’odeur ? » Satisfaite de la réponse, elle continue, appuyée par son diplomate d’époux qui démontre ses talents culinaires à celle qu’il surnomme sa « cheffe ». C’est juste une démonstration, « la préparation prend six à sept heures », le temps que la sauce pâteuse vire du jaune au marron, précise M. Zahari.
Ensuite, place à la préparation du Laksar johor, un mets « qui est préparé pour les personnes spéciales qui nous sont chères ». Le poisson « thiof », la citronnelle entrent dans sa composition. L’indice d’un plat à point, « c’est quand l’huile surnage », révèle Datin Erwina Nodin.
Les convives du couple diplomatique ont eu droit à une séance de dégustation de ces deux plats, mais aussi du Nasi lemak et du Sambal ikan bilis. Cette dernière spécialité à base de riz et à la sauce d’arachide rappelle bien notre mafé. Une similitude rappelée par la dame qui se fait l’ambassadrice de la gastronomie de son lointain pays. « Mon objectif est de promouvoir la gastronomie malaisienne et aussi de faire des échanges culturels », confie-t-elle. Le seul handicap, c’est l’absence de certains ingrédients sur le marché sénégalais.
Mais cette difficulté ne freine pas l’ambassadeur dans sa volonté de faire connaître les plats malaisiens. « Cette cérémonie est juste un début. En octobre, nous ferons une foire culinaire à l’occasion de la Semaine de Malaisie avec une projection de film sur la cuisine malaisienne, en présence de la presse », annonce-t-il.
Cette cérémonie est aussi le premier jalon d’une collaboration entre l’ambassade et l’Enfht Amala Sy. « Sur cette même lancée, j’ai discuté avec des chefs de l’école, je vais essayer de faire tout mon possible pour envoyer un chef en Malaisie », a déclaré l’ambassadeur. À la grande joie de Djibril Diouf, chef de la division restauration et chef de cuisine.
Les élèves de l’établissement dirigé par Moussa Thior sont repartis heureux d’avoir beaucoup appris. Pour le premier plat, « c’est un peu difficile, mais c’est délicieux », confesse Talatou Diallo. Aïssatou Nam Mansaly note une cuisine très variée, malgré que certains plats prennent beaucoup de temps pour la préparation, comme les nôtres. « Par contre, d’autres sont très faciles à faire. Ce sont des plats épicés et on aime ça au Sénégal. On ressent le goût du sucre dans certains plats », ajoute-t-elle. Mais elle est surtout éblouie par le fait que le couple diplomatique cultive dans son jardin certains condiments inexistants chez nous. « Cela doit nous servir de leçon : avoir un petit jardin potager chez nous au lieu de les acheter chers », dit-elle, en guise de conclusion à la leçon du jour.
Malick CISS
DJIBRIL DIOUF, CHEF DE LA DIVISION RESTAURATION À L’ENFHT AMALA SY
« Faire du Sénégal un hub gastronomique en acceptant les plats d’ailleurs »
Pur produit de l’École nationale de formation hôtelière et touristique Cheikh Amala Sy (Enfht), Djibril Diouf, qui y a terminé ses études en 1988, invite les diplomates sénégalais à faire la promotion de notre gastronomie. Le chef cuisinier, qui enseigne depuis 2003 dans cette école, incite même nos investisseurs à mettre leurs billes dans ce créneau pour faire du Sénégal un hub gastronomique.
Quel enseignement retenez-vous de cette séance culinaire entre l’École nationale de formation hôtelière et touristique Amala Sy et l’ambassade de Malaisie au Sénégal ?
Aujourd’hui, l’épouse de l’ambassadeur de Malaisie et nous avons trouvé original d’organiser cette masterclass dans la résidence. Cela va nous permettre de faire un clin d’œil aux diplomates sénégalais pour leur dire que la destination Sénégal, nous pouvons la vendre chez nous, à l’étranger, dans tous les pays où notre diplomatie est présente. Nos ambassadeurs et décideurs, l’Agence de promotion touristique, doivent prendre cela comme exemple pour vendre la destination Sénégal à travers sa gastronomie.
Comment vendre la destination Sénégal sur le plan gastronomique ?
Dans les résidences de nos ambassadeurs, l’ambassadeur ou sa femme peuvent présenter notre cuisine à des étudiants du pays où ils sont en fonction. C’est mon souhait. Ce que nous avons vu aujourd’hui ne demande pas de gros moyens. J’ai travaillé dans notre ambassade à Washington, à celle d’Autriche à Paris, du Koweït à Dakar, mais on organise régulièrement des dîners ou des réceptions. Donc ces réceptions peuvent servir à faire de la masterclass dans les pays où nous sommes présents. Ce sera une belle occasion de booster notre tourisme et, en quelques années, nous verrons les résultats.
Qu’avez-vous retenu de cette séance ?
Nous avons découvert des senteurs, des goûts et de nouvelles saveurs qui, quelquefois, nous sont proches pour certains tandis que d’autres nous sont éloignés. Mais le plus important est de se dire que nous pouvons fusionner notre cuisine avec celle de Malaisie et développer davantage notre gastronomie. Ensuite, les gens vont se demander pourquoi développer cette cuisine au Sénégal. À côté de notre Téranga, on parle du Sénégal comme hub aérien, mais aussi portuaire. Le Sénégal est un hub gastronomique où toutes les cuisines du monde se rencontrent. Vous trouvez dans les restaurants des plats d’ailleurs. Il faudrait qu’on insiste pour que le Sénégal soit un hub gastronomique, c’est pour cela que nous devons accepter la gastronomie d’ailleurs. Je fais un clin d’œil à nos investisseurs, ceux qui veulent investir peuvent penser à ouvrir un restaurant malaisien. Nos amis de la Malaisie ont aussi la possibilité d’investir dans ce créneau. La présence de nos étudiants est déjà un jalon. Que ce soit le décideur sénégalais ou malaisien, voir des étudiants en face de l’ambassadeur, intéressés, on peut se dire que s’il y a la formation, on peut donc investir puisqu’il y a les ressources humaines. Nos décideurs doivent se lancer au lieu d’attendre que les autres le fassent pour investir après. Ils auront une longueur d’avance avec des bénéfices alors que l’investisseur sénégalais n’aura même pas à avoir le retour sur investissement. C’est le goût du risque.
Propos recueillis par M. CISS
Source : https://lesoleil.sn/diplomatie-gastronomique-les-e...