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FATOU SOW, UNE CONTRIBUTION AUX BALBUTIEMENTS DE L’ÉCOFÉMINISME EN AFRIQUE

Rédigé par leral.net le Mardi 20 Mai 2025 à 22:29 | | 0 commentaire(s)|

EXCLUSIF SENEPLUS - La sociologue sénégalaise a développé une analyse intersectionnelle rigoureuse qui, de l'accès à la terre aux dynamiques socio-économiques, invite à une constante "pratique du soupçon" face aux reculs potentiels des acquis féministes

Dans un entretien de 2022, Professeure Fatou Sow révélait que le grand enjeu de l’heure est, selon elle, la remontée des fondamentalismes religieux, culturel et politique et un retour en arrière sur les acquis des femmes, avec la résurgence de conservatismes de divers ordres, aussi bien dans les pratiques que dans les discours actuels.

La féministe qui est l’objet d’un symposium international cette semaine à Dakar, révèle aussi que le début de son engagement se situe dans les années 85-86, dans l’université africaine, au moment où émerge la question de comment africaniser l’enseignement et rompre avec le modèle français. Je n’ai pu suivre encore les vidéos des échanges, me trouvant au Brésil, mais je souhaite apporter un écho comme un “aawu” à la celebration des soeurs réunies à Dakar: un témoignage personnel, d’une chercheure à une autre, d’une soeur féministe à son aînée, qui fut récemment au centre d’un entretien intitulé, “le livre des sciences est un livre ouvert”. En parcourant le programme soigneusement concocté, je pense qu’une huitième leçon n’aurait pas été de trop, qui aurait porté sur la contribution de Fatou Sow à l’émergence d’une recherche sur l’écoféminisme en Afrique.

En effet, l’un des travaux de la sociologue qui m’a le plus marquée (et il y en a beaucoup!) fut son étude sur “Femmes et Tenure Foncière” en Afrique. Cette étude qu’elle mena depuis de l’Institut Fondamental d’Afrique Noire (IFAN) de l’Université Cheikh Anta Diop, avec un financement du Centre de Recherche sur le Développement International (CRDI) offre une analyse comparative exhaustive du régime foncier lebu-wolof-sereer et du régime foncier joola suivi par un examen de la transition du droit foncier colonial à la loi sur le domaine national. Nulle surprise alors qu’elle inspira les travaux de plusieurs jeunes chercheurs (alors) comme Ngoné Diop Tine et Mouhamadou Sy en 2003, Professeures Fatou Diop Sall et Ramata Molo Thioune en 2012, et d’autres j’en suis sûre, comme Dre Oumoul Khairy Coulibaly et moi-même.

La contribution de Fatou Sow à l’écologie est aussi contenue dans un ouvrage collectif de 2002 coordonné par Jules Falquet dans la collection Femmes et Changement de l’Harmattan et intitulé “Écologie: Quand les femmes comptent”.

Son analyse écoféministe du politique, on la retrouve aussi dans l’introduction à l’ouvrage du CODESRIA: “Genre et dynamiques socio-économiques et politiques en Afrique” que la sociologue a coédité avec la défunte Ndèye Sokhna Guèye. En effet, la sociologue articule une analyse intersectionnelle des rapports sociaux de classe et de genre qui affecte l’accès à et la gestion des ressources naturelles et l’échange inégal entre pays” “À la manière des altermondialistes qui accusent la force du marché, la privatisation des ressources naturelles, forestières ou minières, sources incomparables de richesse des pays, les rapports déséquilibrés de pouvoir entre le marché et l’État, en partie marchandisé, les femmes dénoncent les maux qu’elles subissent de cette situation dans leur vie quotidienne”, page 15.

Dans nos derniers échanges sur Whatsapp, la sociologue n’a pas manqué de poursuivre son analyse rigoureuse de faits sociaux et politiques récents en apportant un argumentaire poussé sur l’importance de rester alerte pour ne pas perdre les acquis des luttes féministes. Ce faisant, la sociologue continue de nous inviter à adopter une pratique constant du soupçon à l’instar de la défunte philosophe Aminata Diaw Diagne. En effet, celle-ci formule la même invitation dans son chapitre de 2019 dans l’ouvrage “La Recherche Féministe en Afrique Francophone coordonné par Fatou Sow et intitulé: “Silences du politique et paresse de l’Académie. Plaidoyer pour une recherche féministe”, car selon elle, cette pratique du soupçon peut se révéler fertile car elle “peut nous faire entrevoir comment des instruments théoriques, des objets censés être asexués, comment des êtres censés être de raison, surtout de la droite raison et se référant à l’universel, nous font reproduire par paresse et par confort intellectuel nos propres préjugés, c’est-à-dire l’idéologie dominante.”

PS: personne ne m'a demandée d'écrire cette contribution: Fekke ma ci boole.

Bibliographie indicative

Falquet, J. (Ed.) et al, 2002, Écologie: Quand les femmes comptent, collection Femmes et Changement, l’Harmattan.

Sow, F., 1992, Femmes et Tenure Foncière au Sénégal, IFAN, Université Cheikh Anta Diop

SOW, Fatou,. 2009. La recherche féministe francophone Langue, identités et enjeux. Paris : Karthala. « Hommes et sociétés », p.686.

Sow F., Guèye N.S., 2011, Genre et dynamiques socio-économiques et politiques en Afrique, Dakar, Sénégal: CODESRIA, Conseil pour le Développement de la Recherche en Sciences Sociale en Afrique (coll. « Codesria Gender Series »).

Sow, F.. 2018. Genre Et Fondamentalismes. Dakar, Sénégal: CODESRIA, Conseil pour le Développement de la Recherche en Sciences Sociale en Afrique.

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Farid


Source : https://www.seneplus.com/femmes/fatou-sow-une-cont...