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Fin de mandat de Kabila en RDC: situation calme, mais tendue à Kinshasa

Rédigé par leral.net le Lundi 19 Décembre 2016 à 13:51 | | 0 commentaire(s)|

La capitale de République démocratique du Congo (RDC) a des allures de ville morte ce lundi 19 décembre. De nombreux habitants ont, semble-t-il, jugé plus prudent de rester chez eux alors que le mandat du président Joseph Kabila se termine officiellement la nuit prochaine à minuit sans que son successeur n'ait été élu. Dans le pays, la situation est calme, mais elle n'en reste pas moins tendue.


Fin de mandat de Kabila en RDC: situation calme, mais tendue à Kinshasa
La situation est globalement calme dans la ville de Kinshasa, il faut dire qu’il y a un imposant dispositif sécuritaire. L’armée, la police militaire, la police se trouvent dans les points chauds de la capitale et quadrillent la zone. Les Kinois ont globalement préféré rester chez eux même si la circulation reprend timidement cet après-midi dans le centre.

Le seul point de tension qui existe dans la ville actuellement se trouve au niveau de l’université de Kinshasa où un imposant déploiement sécuritaire empêche à l’heure actuelle d’accéder aux étudiants. Même la presse est tenue à distance. Les étudiants, ce matin, ont essayé de sortir de l’université, mais la police militaire les en a empêchés. Ces étudiants disaient vouloir manifester pour demander la fin du mandat du président Kabila. De l’autre côté de l’université, d’autres jeunes avec des bidons d’essence ce sont mis à menacer les journalistes en leur disant qu’ils ne souhaitaient pas que des étrangers se trouvent dans l’enceinte de l’université. Des jeunes qui n’étaient pas vraiment identifiés.

L’autre point de tension, c’est à proximité du domicile de l’opposant Franck Diongo où des tirs ont été entendus. Selon des premiers éléments d’informations recueillis par RFI, les forces de sécurité l’accusent d’avoir séquestré deux personnes dans son domicile. Selon un membre du Rassemblement de l’opposition dont fait partie Franck Diongo, il s’agirait de deux membres de la garde républicaine qui auraient tenté d’attaquer la résidence de l’opposant et les militants de Franck Diongo les auraient interceptés.

Incidents à l’intérieur du pays

Dans le reste du pays, un imposant dispositif sécuritaire a été déployé également. Dans la plupart des grandes villes, les gens sont aussi restés chez eux à deux exceptions près Goma, au Nord-Kivu, où plusieurs représentants d'opposition qui avait décidé de manifesté ont été arrêtés et Butembo, dans l'extrême nord où des Maï-Maï ont attaqué la ville très tôt ce matin. Sept personnes au moins ont perdu la vie selon la Monusco : un casque bleu, un policier et cinq miliciens maï-maï. Il y a également plusieurs blessés dont deux casques bleus. Les tirs ont débuté près après 5 heures. Selon le gouverneur, les miliciens s'en sont pris à plusieurs points stratégiques de la ville comme la mairie, la base de la Monusco. Leur cible principale était la prison de Butembo où ils auraient tenté de libérer certains des leurs. La Monusco est intervenu aux côtés des FARDC. Lles tirs ont cessé vers 11 heures, mais les forces de l'ordre ratissent encore la ville

A 350 kilomètres de là, à Goma, la coordination locale du Rassemblement de l'opposition a tenté de manifester, mais cela a rapidement tourné court après l’arrestation de plusieurs leaders locaux d'opposition. Le porte-parole de la police confirme neuf arrestations dans les rangs du parti ECIDE pour « manifestation interdite » et précise que « des auditions sont en cours pour les identifier et établir les responsabilités ». Selon un représentant local de l'UDPS, d'autres partis d'opposition sont également concernés, tandis que l'organisation Human Rights Watch a recensé 41 personnes arrêtées à Goma ce lundi. Dans le reste de la ville de Goma, tout comme dans les principales autres grandes villes de l'intérieur, Lubumbashi, Mbujimayi, ce qui revient dans les témoignages, c'est une très forte présence militaire et policières et un climat de peur avec des habitants qui hésitent à sortir de chez eux.

Manifestations interdites

Du côté de l'opposition, il n'y a eu aucun appel à manifester ce lundi, tout au plus une attitude ambiguë avec des tweets de la part de certains leaders pour demander aux Congolais de « prendre leurs responsabilités ». S'ajoute à cela, le fait que le mandat de Joseph Kabila prend fin ce soir à minuit, selon la Constitution. Enfin, Il y a aussi une interdiction officielle de manifester prononcée par les autorités. Autant d'éléments qui expliquent sans doute l'incertitude qui plane autour de cette journée du 19 décembre et le fait que les gens soient réticents à sortir de chez eux.

Cette interdiction de manifester est dénoncée ce matin par trois experts des Nations unies qui demandent au pouvoir de lever ces restrictions politiques qui portent atteinte aux droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique. Résultat, à l'heure actuelle, seuls des mouvements citoyens comme la Lucha et Filimbi appellent à braver l'interdiction de manifester et à sortir à partir de ce soir pour demander le départ du président Kabila.

Au contraire, appel au calme et à la retenue du côté de la Mission de l'ONU au Congo. Un message qui concerne aussi les partis d'opposition. « Les acteurs politiques congolais ont la responsabilité historique de parvenir à un consensus négocié sur la tenue des élections et sur la période transitoire devant y mener », a déclaré le chef de la Monusco dans un communiqué. Ces discussions justement entre majorité et opposition sont suspendues pour le moment, car les évêques qui en assurent la médiation sont partis à Rome, rencontrer le pape. Elles devraient reprendre mercredi 21 décembre. Autre élément sans aucun qui participe au flou qui règne sur la transition, une façon aussi d'entériner sans le dire que Joseph Kabila va rester au pouvoir même après expiration de son mandat ce soir.

■ A Rome, les évêques congolais cherchent le soutien du pape François

Dans l’agenda du pape, une demi-heure était consacrée à son tête-à-tête ce lundi matin avec le président et le vice-président de la Cenco, mais l’entretien s’est prolongé au-delà du temps prévu, preuve de l’importance de la rencontre. Comme le veut la tradition, outre l’audience avec François lui-même, les évêques se sont entretenus avec le cardinal secrétaire d’Etat Pietro Parolin et Mgr Paul Richard Gallagher, le « ministre des Affaires étrangères » du Vatican. Rien n’a filtré pour l’heure des entretiens, mais une chose est sûre les responsables de la Cenco sont venus entendre un pape qui suit de près la situation à Kinshasa, ils sont venus aussi chercher son soutien. Avant de partir pour Rome, les responsables de la Cenco avaient parlé de l’audience de ce matin qui aura sans doute un « impact important » sur leur pays.

La question qui se pose aussi est de savoir si le souverain pontife se rendra en RDC : rien n’est sûr ni confirmé encore, mais l’hypothèse est crédible, car on sait qu’un voyage sur le continent africain est à son agenda en 2017. « Tout dépendra de la situation politique », avait dit le pape le 2 octobre dernier, qui avait fait allusion aux dirigeants qui « quand le second mandat est arrivé à son terme cherchent à changer la Constitution pour en faire un troisième ». Allusion à peine voilée à Joseph Kabila qu’il avait reçu quelques jours plus tôt au Vatican, le 26 septembre, pour une audience privée là aussi.

RFI