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Gabon : L'école de la seconde chance, un tournant à planifier avec rigueur

Rédigé par leral.net le Mercredi 12 Novembre 2025 à 14:22 | | 0 commentaire(s)|

La récente annonce de la ministre de l'Éducation nationale, Camélia Ntoutoume Leclercq, relative à la création d'un établissement de réinsertion scolaire pour les enfants exclus, marque un tournant symbolique dans la gestion des violences et des exclusions scolaires au Gabon.
Elle traduit une volonté politique claire : celle de ne plus laisser les jeunes en situation de rupture éducative, sans accompagnement ni perspective d'avenir. Mais au-delà du geste institutionnel, cette initiative (...)

- LIBRE PROPOS /

La récente annonce de la ministre de l'Éducation nationale, Camélia Ntoutoume Leclercq, relative à la création d'un établissement de réinsertion scolaire pour les enfants exclus, marque un tournant symbolique dans la gestion des violences et des exclusions scolaires au Gabon.

Elle traduit une volonté politique claire : celle de ne plus laisser les jeunes en situation de rupture éducative sans accompagnement ni perspective d'avenir. Mais au-delà du geste institutionnel, cette initiative soulève un enjeu plus profond : celui de la planification rigoureuse d'un modèle éducatif capable de conjuguer sanction, réparation et inclusion.

En effet, derrière chaque élève exclu se cache souvent une histoire complexe faite de fragilités sociales, de blessures familiales ou d'un profond désarroi intérieur. Ces enfants que l'on décrit trop vite comme indisciplinés ou incontrôlables sont bien souvent les révélateurs d'un système en souffrance.

Lorsqu'une école décide d'exclure, elle agit par contrainte plus que par choix ; elle exprime, en réalité, les limites de sa capacité à prévenir, comprendre et accompagner. Exclure un enfant, c'est souvent reconnaître l'échec d'un cadre éducatif qui n'a pas su répondre à sa détresse.

C'est dans cette optique que l'idée d'un établissement de réinsertion scolaire prend tout son sens. Elle incarne une approche plus humaine et réparatrice de l'éducation, où la discipline ne se confond plus avec la relégation. Offrir une seconde chance, c'est refuser l'abandon ; c'est affirmer que chaque élève, quelles que soient ses erreurs, mérite d'être accompagné vers la reconstruction. Réinsérer, c'est reconstruire. C'est redonner une place à ceux qu'on avait cessé de regarder.

Toutefois, un tel projet ne peut s'improviser. Il requiert une vision d'ensemble, des choix méthodiques et une articulation cohérente avec la stratégie globale du système éducatif. La planification, ici, n'est pas un simple exercice technique ; elle devient le socle de la réussite.

Il s'agit de déterminer la nature exacte de cet établissement, son statut, ses missions, son modèle pédagogique et son articulation avec les écoles d'origine des enfants exclus. Autant de paramètres qui, sans une conception claire, risquent de transformer une idée prometteuse en dispositif fragile.

Par ailleurs, la dimension intersectorielle annoncée – impliquant les ministères de l'Éducation, de la Justice, de l'Intérieur et de la Défense – appelle une coordination solide et durable. La réinsertion d'enfants en difficulté ne saurait relever d'un seul ministère.

Elle doit s'appuyer sur une gouvernance partagée, où chacun des acteurs joue pleinement son rôle : l'Éducation pour le volet pédagogique, la Justice pour l'accompagnement social, l'Intérieur et la Défense pour la sécurité et la prévention. Sans une telle cohérence, les efforts risqueraient de se diluer.

De plus, il faudra investir dans des ressources humaines qualifiées, car aucun projet de réinsertion ne peut réussir sans éducateurs spécialisés, psychologues, travailleurs sociaux et médiateurs scolaires formés à la gestion des publics vulnérables.

Ce sont eux qui porteront la dimension humaine du projet, bien plus que les murs d'un bâtiment ou la signature d'un décret. L'école de la seconde chance doit être pensée comme un espace d'écoute, de réapprentissage et de réparation.

Réinsérer un élève, ce n'est pas seulement le replacer sur un banc d'école, mais lui redonner confiance en lui-même et en la société. C'est aussi reconstruire une relation de confiance entre la famille et l'institution scolaire, trop souvent distendue par la méfiance et l'incompréhension.

L'école, en se dotant d'un tel dispositif, affirmerait sa vocation la plus noble : celle de former, d'éduquer, mais aussi de réparer. Une société qui choisit d'accompagner ses enfants les plus fragiles affirme sa maturité et son sens du bien commun.

En définitive, la création d'un établissement de réinsertion scolaire n'est pas qu'une réponse administrative à la violence en milieu éducatif ; c'est une décision profondément politique, sociale et éthique.

Pour qu'elle tienne ses promesses, elle devra s'appuyer sur une planification sérieuse, une gouvernance concertée et un engagement durable. C'est à ce prix que le Gabon pourra bâtir une école véritablement inclusive, tournée vers la réconciliation plutôt que la rupture.

Planifier la réinsertion scolaire, c'est planifier la dignité. Et c'est sans doute là, au-delà des chiffres et des réformes, le plus bel investissement qu'une nation puisse faire pour son avenir.

Eugène-Boris ELIBIYO
Planificateur des systèmes éducatifs



Source : https://www.gabonews.com/fr/actus/libre-propos/art...