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Injustice fiscale au sommet! (Par Ousmane Sonko)

Je me réjouis que le débat que j’avais soulevé à propos de l’imposition des députés, connaisse une relance ces derniers jours.
Je félicite l’honorable député Mamadou Diop Decroix pour son courage d’y participer en fournissant quelques données intéressantes.

Dans ce pays, nous avons plus besoin de débats de fonds, dans la sérénité technique et scientifique, que d’invectives politiciennes.


Rédigé par leral.net le Samedi 2 Novembre 2019 à 21:07 | | 0 commentaire(s)|

Je tiens d’emblée à faire quelques précisions et rappels utiles.

1- J'ai soulevé cette question, pour la première fois, en 2016 alors que je n’étais pas encore député. Elle avait agité l’espace politique et médiatique au point de soulever l’ire de plusieurs personnalités politiques qui avaient réclamé ma tête.

2- Je l’ai relancée en 2017 juste après mon élection au poste de député, par une correspondance écrite adressée à monsieur Moustapha Niasse, président de l’Assemblée nationale, et une question écrite adressée à monsieur Amadou Bâ, alors ministre des Finances.

3- La problématique que je soulève dépasse la seule fiscalisation des députés mais brasse l’ensemble des rémunérations politiques ou administratives, aujourd’hui pas ou insuffisamment imposées ;

4- Rapporté à l’Assemblée nationale, je précise que ce débat engage la responsabilité exclusive de son président et de ses services financiers qui, dans un système de retenues à la source, ont la charge de prélever et de reverser les impôts dus sur les salaires et autres indemnités et émoluments. Ma position est donc de principe et n’est nullement dirigée contre mes collègues députés, auxquels je souhaite les meilleures conditions de rémunération et de travail pour une Assemblée de qualité.

Ces précisions faites, il faut retenir que cette affaire revêt deux aspects qui tous traduisent une fraude fiscale structurelle et organisée par l’Assemblée nationale : l’absence ou la faible imposition des revenus des parlementaires, d’une part et le défaut de reversement au Trésor public des impôts et taxes collectés par l’Assemblée sur les salaires des députés et du personnel administratif et sur les marchés de fourniture de l’autre.

I – IMPÔTS ET TAXES COLLECTÉS ET NON REVERSÉS PAR L’ASSEMBLÉE.

J’avais soulevé ce débat en 2016 lorsqu’une publication officielle du ministère des Finances révélait le passif fiscal de plusieurs institutions vis-à-vis du Trésor.

En 2017, fraîchement élu député, j’adressai une correspondance à ce propos au président de l’Assemblée nationale. Je vous en reproduis la teneur in extenso :

Monsieur le Président,

Je vous adresse la présente pour deux raisons principales :
En tant que députés, nous serons amenés dans les tout prochains jours à interpeller le gouvernement, entre autres, sur sa gouvernance et la conduite de l’action publique dont il a la charge. Le principe voudrait, pour notre crédibilité, qu’on commence par faire le ménage en notre sein d’abord.

La treizième législature vient d’être installée, sous un folklore qui jure d’avec votre discours inaugural empreint d’une grande solennité.

Dans ce discours, prononcé à grand renfort de citations d’auteurs français, de rappels historiques, voire même bibliques, vous avez largement mis l’accent sur les notions de responsabilité, de conscience et de discipline des parlementaires avec, en prime, des menaces à peine voilées contre les contrevenants éventuels.

Nous voulons bien vous accorder une présomption positive, monsieur le président, mais pas sur parole simplement. Vous conviendrez avec nous que tout nouveau départ doit être assis sur des bases saines parce que assainies. C’est pourquoi, vous prenant au mot, je vous interpelle sur la situation fiscale de l’Assemblée Nationale.

L’année dernière, à pareille époque, je soulevais un cas patent de détournement fiscal impliquant l’institution, que vous présidiez. Ces infractions répétitives avaient occasionné des redressements fiscaux des services compétents qui, à la date du 23 mai 2016, s’élevaient à un montant de six milliards cinq cent quatre vingt neuf millions sept cent huit mille neuf cent soixante quatorze (6 589 708 974) francs CFA décomposé ainsi:
Montants
3 909 037 163 FCFA
2 680 671 811 FCFA
Total dette fiscale 6 589 708 974 FCFA

Or, dans votre communiqué paru dans les colonnes du quotidien 《 l’Observateur 》 du 24 mai 2014, vous affirmiez notamment que cette dette fiscale était héritée et ne s’élevait qu’à seulement 120 809 722 de francs CFA.

Il s’agit là d’une fraude fiscale caractérisée, passible de sanctions fiscales et pénales, conformément aux dispositions du code général des impôts ; d’autant qu’elle porte sur des impôts retenus sur les salaires et émoluments du personnel, des députés et des prestataires, ou de la TVA précomptée à vos fournisseurs, dont le reversement n’a pas été effectué.

Monsieur le président, à l’orée de cette nouvelle législature, je souhaiterai, en tant que député, avoir l’assurance que de tels manquements graves à la gestion publique ont été correctement traités et ne se reproduiront pas.

Nature d’impôt
Retenues à la source
TVA précomptée


Aussi, vous plaira-t-il de répondre aux questions suivantes:
· quel est le montant exact du passif fiscal dont la nouvelle législature pourrait hériter de celle écoulée et dont vous étiez le Président ?
· Quel traitement avez vous consacré à son apurement ?
· Les responsabilités dans ces manquements ont-elles été situées et, le cas échéant, quelles sanctions avez vous diligentées ?
· Quelles précautions avez-vous prises pour que ce honteux épisode dit de 《l’impôt des députés 》 ne se reproduise sous la 13ème législature ?

Puisque l’heure est à la mise en place de commissions ad-hoc, notamment pour combattre l’absentéisme parlementaire, monsieur le Président, j’estime que cette affaire, plus que toute autre, mérite d’être prise en charge par une commission ad hoc car l’institution parlementaire doit être l’exemple achevé de civisme fiscal.

Me réservant le droit de saisir le gouvernement d’une question écrite pour ma propre gouverne et pour éclairer la lanterne de mes mandants (les citoyens sénégalais) sur cette question qui les intéresse au plus haut point vues les passions qu’elle avait déchaînées, je vous souhaite bonne réception de la présente et vous prie, Monsieur le Président, d’agréer l’expression de mon respect.

Je n’ai jamais reçu la réponse du président de l’Assemblée nationale.

A combien se montent ces sommes détournées aujourd’hui ? La question demeure entière et lancinante. Elle interpelle tous les citoyens car l’Assemblée nationale, détentrice exclusive de la compétence fiscale, ne peut et ne doit pas être une niche à fraude fiscale continue.

II – ABSENCE OU FAIBLE IMPOSITION DES REVENUS DES DÉPUTÉS.
Dès que j’ai perçu mon premier bulletin de paie de député de 2017, j’ai été heurté par une incongruité : sur la rubrique « impôt sur le revenu » il n y a aucune perception. Zéro (voir copie bulletin annexée). Il n’est retenu qu’un minimum fiscal (IMF) de 1500 francs.
Sidéré, j’adressai immédiatement une question écrite au ministre de l’Économie et des Finances pour l’interpeller. Cette correspondance dépassait le cadre des députés et impliquait d’autres rémunérations politiques ou administratives. Je vous la reproduis également in extenso :

Dakar, le 13 novembre 2017 Monsieur le Ministre,

Objet : Application intégrale des dispositions du code général des impôts en matière d’impôt sur le revenu.

Monsieur,

Il apparaît que les traitement...

La rédaction de leral...