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Japon: Quel avenir pour le gouvernement Ishiba après la perte de sa majorité au Sénat?

Rédigé par leral.net le Lundi 21 Juillet 2025 à 10:08 | | 0 commentaire(s)|

Au Japon, la coalition gouvernementale du Premier ministre Shigeru Ishiba – composée du Parti libéral-démocrate (PLD, droite conservatrice) et de son allié centriste Komeito – vient d’essuyer une défaite aux élections sénatoriales du 20 juillet. Déjà privée de majorité à la Chambre basse depuis l’automne 2024, elle perd désormais le contrôle de la Chambre haute avec l'attribution de 47 sièges. Une telle configuration, avec un exécutif minoritaire dans les deux chambres du Parlement, n’avait plus été vue depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.


Au Japon, cette recomposition politique donne une nouvelle impulsion aux partis d’opposition, notamment au Sanseito. Formation nationaliste et complotiste d’extrême droite, ce petit parti séduit une frange croissante de jeunes urbains, en particulier trentenaires.

Très influent sur les réseaux sociaux, il reprend les codes du trumpisme – prônant un « Le Japon d’abord », dénonçant les élites, l’influence américaine et une supposée domination juive sur l’économie mondiale. Son objectif affiché : devenir aussi influente que certains partis d'extrême droite en Europe et peser un jour dans une future coalition au pouvoir.

« Le pire reste à venir »

Alors même que les sondages avaient annoncé la défaite du gouvernement Ishiba, l’heure n’est pas à la fête. Dans les rues de Tokyo, c’est l’inquiétude. « C’est affolant. L’avenir de notre pays ne réside ni dans le populisme, ni dans la xénophobie, mais dans la fraternité et le respect mutuel », confie une électrice à notre correspondant sur place, Bruno Duval.

Un autre déplore « un chaos politique au sommet, alors que notre économie est au bord de la récession », tandis qu’une passante redoute que « rien ne change, absolument rien, et que nos dirigeants restent centrés sur eux-mêmes, sourds aux attentes du peuple ».

Une résidente résume : « Nous entrons dans une période d’incertitude, voire d’instabilité profonde. Le Japon est fracturé comme jamais, et Trump risque de n'en faire qu'une bouchée. D'après des experts, les marchés financiers pourraient s'affoler. Bref, le pire risque d'être à venir. »

Shigeru Ishiba confronté à un ultimatum ?

Le Premier ministre japonais Shigeru Ishiba, en difficulté, a déclaré vouloir se maintenir à son poste à la tête d’un gouvernement minoritaire, avec le soutien de son partenaire centriste Komeito. Mais cette position devient de plus en plus intenable. Plusieurs formations d’opposition refusent toute coopération, dénonçant l’incapacité du gouvernement à freiner l’inflation ou à enrayer la baisse du pouvoir d’achat des ménages japonais, explique notre correspondant à Tokyo, Frédéric Charles.

Pour Tobias Harris, politologue spécialiste du Japon, le Premier ministre est sur la sellette. Soit il est confronté à une motion de censure qui pourrait entraîner la dissolution du Parlement, soit son propre parti, le Parti libéral-démocrate (PLD), le pousse vers la sortie. La droite la plus radicale au sein du PLD pourrait alors tenter d’imposer une personnalité plus dure, comme Sanae Takaichi, figure de l’ultra-conservatisme nippon, qui avait failli prendre la tête du gouvernement il y a moins d’un an.

Un pays déjà très endetté

Cette crise politique pourrait avoir des conséquences économiques désastreuses. D’une part, les ménages japonais risquent de réduire leur consommation – alors que le prix du riz a déjà doublé en un an. D’autre part, le gouvernement pourrait être tenté de multiplier les mesures coûteuses pour regagner le soutien populaire : baisse de la TVA, subventions aux foyers les plus précaires, ou dépenses sociales massives.

Mais ces choix inquiètent les marchés. Déjà très endetté – à hauteur de 2,5 fois son PIB –, le Japon n’a que peu de marge de manœuvre. Ishiba a promis de ne pas aggraver le déficit budgétaire, tout en refusant toute baisse de la TVA, pour compenser le risque d'inflation. Il va jusqu’à comparer, à tort, la situation actuelle à celle de la Grèce en 2009, poursuit Frédéric Charles.

De fait, sur les marchés, la réaction ne s’est pas fait attendre. Les investisseurs ont commencé à vendre massivement les obligations d’État japonaises, faisant grimper leurs rendements à des niveaux inédits. Les obligations à 30 ans ont atteint un record historique de 3,2%.

Pour Mark Chadwick, analyste basé à Tokyo et contributeur de la plate-forme Smartkarma, cette défaite électorale « complique l’orientation budgétaire du Japon et affaiblit sa position dans les négociations commerciales avec les États-Unis ». Car dans l’ombre de cette crise intérieure, un autre front s’ouvre : Donald Trump menace d’imposer, dès le 1er août, des droits de douane de 25% sur toutes les importations japonaises.

RFI