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Le juge peut bel et bien rejeter la constitution de partie civile de la Ville de Dakar… ( par Tabouré AGNE)

Rédigé par leral.net le Samedi 20 Janvier 2018 à 15:58 | | 0 commentaire(s)|


Le principe de libre administration, garanti par notre constitution, permet effectivement à la Ville de Dakar de se constituer partie civile dans un procès. En tant que démembrement de l’Etat, mais en même temps représentant des populations de la ville de Dakar, la loi permet à la Ville de Dakar, en tant que personne morale bénéficiant d’une autonomie administrative et financière, de défendre et de préserver l’intérêt local.

Mais, les conditions requises pour que la personne lésée puisse exercer l’action civile, doivent être  également réunies : L’existence de l’infraction, du préjudice et la relation de cause à effet entre l’infraction et le préjudice. Il s’y ajoute  que la loi  autorise la constitution de  plusieurs parties  civiles dans un procès et celle-ci peut intervenir à n’importe quel moment mais avant les réquisitoires du procureur de la République.

Cependant, le déclenchement de l’action civile par la mairie de Dakar n’implique pas une recevabilité d’office de la part du juge. Celui –ci peut la rejeter. La législation, la jurisprudence de notre pays ainsi que de  pays étrangers comme la France dont notre système judiciaire est très proche, révèlent  des limites à la constitution de partie civile, alors même que la personne  peut justifier avoir souffert d’un dommage directement causé par l’infraction. Ainsi dans ce cas précis, la constitution de partie civile peut  tout simplement être refusée à la victime, car:
- d’une part, les collectivités territoriales ne peuvent remplir que des missions prévues par les textes qui les régissent. Il ne leur appartient pas de substituer au ministère public ou à l’agent judicaire de l’Etat, seuls chargés de représenter l’intérêt général devant les juridictions judiciaires.

Or, la loi portant Code général des collectivités territoriales et le Code de procédure pénale  ne définissent pas les domaines dans lesquels les collectivités territoriales peuvent exercer l’action civile et la nature des préjudices dont elles peuvent solliciter la réparation.  La jurisprudence a interdit  à la victime de se constituer partie civile lorsque les infractions n’ont été édictées par le législateur que dans un but d’intérêt général. Celles-ci ne peuvent être poursuivies que par le ministère public ou l’agent judicaire de l’Etat et l’action civile des particuliers, qu’ils soient personnes physiques ou morales, est irrecevable, même par voie d’intervention.  

Si l’on sait que la protection des intérêts locaux dont les collectivités publiques ont la charge, se confond généralement avec la protection de l’intérêt général qui incombe aux procureurs et à l’agent judiciaire de l’Etat,  on voit déjà la complexité de la décision que prendra le juge au soir du 23 janvier 2018.

- D’autre part, le juge peut également  douter de la bonne foi du plaignant qui a eu à contester le bien-fondé des accusations, en  manifestant  publiquement son soutien à l’inculpé et en refusant  de se constituer partie civile dans un premier temps. Il s’y ajoute que le Conseil municipal n’est pas exempt de reproches dans le préjudice subi par la commune.

Il a failli dans sa fonction de contrôle des opérations financières de l’ordonnateur qui n’est autre que le prévenu. Les  comptes administratifs de la commune ont été durant toutes ces années, validés par le Conseil municipal qui, de ce fait, a toujours  approuvé  les dérives du maire. La constitution de partie civile ne peut être maniée comme un « outil politique », mais elle doit rester  inscrite dans les limites strictes, définies par la législation et les règlements de notre pays.
 
         Tabouré AGNE
Doctorant en Droit et Gestion des Collectivités locales
agnetaboure@yahoo.fr