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MALHEUREUX COMME DES ORYX AU SÉNÉGAL, PAR OUMOU WANE

Rédigé par leral.net le Vendredi 10 Juillet 2020 à 14:10 | | 0 commentaire(s)|

Comment expliquer que Abdou Karim Sall se soit cru autorisé, de par sa position, à poser un acte aussi grave et qui a causé la mort de ces deux espèces rares ? N’y a-t-il pas assez de spécialistes et conservateurs de nos parcs et réserves ?


Comment de tels scandales peuvent-ils encore éclater au sommet de l'Etat ? Après les révélations du journal "Source A", le ministère de l’Environnement a reconnu dans un communiqué, le transfert de 6 gazelles Oryx de la réserve de Ranérou vers la ferme Sael, qui serait un domaine privé, sans donner plus de détails. Depuis lors, l'affaire suscite une pluie de critiques de la part des spécialistes des parcs nationaux, car selon eux, ces animaux sont intégralement protégés.

Au-delà de la question même de la légalité de ce transfert, on apprend des services du ministère, que deux espèces sont mortes durant leur convoyage nocturne. Elles ont connu quelques blessures et une fracture du fémur qui leur ont été fatales. «Quatre sont vivantes et en bonne santé», explique-t-on au niveau du ministère.

Triste Sénégal !

Si les révélations de la presses sont avérées, il y a de quoi en pleurer ! Un ministre qui se dispense du respect des règles communes, pour soustraire des animaux d’un parc national et les transférer dans une ferme privée, sans même être capable d’en assurer la sécurité, c’est tout simplement affligeant.

Dans un contexte social aggravé par la crise du coronavirus, le bon sens ne devrait-il pas obliger les politiques à plus de responsabilité ? Oui, cette affaire des six gazelles Oryx transférées par le ministre de l’Environnement dans sa réserve privée est non seulement navrante mais elle alimente une fois de plus le soupçon quant aux élites délinquantes. Comment expliquer en effet, que Abdou Karim Sall se soit cru autorisé, de par sa position, à poser un acte aussi grave et qui a causé la mort de ces deux espèces rares ?

Trop de dirigeants considèrent que leur engagement au nom de l’intérêt général, les place hors des lois, et les dispense de rendre des comptes. Car il reste des zones d’ombre à éclaircir. D’après le département de l’Environnement, ce transfert n’était pas une simple manœuvre individuelle, mais il entrait «dans le cadre de la mise en œuvre de la politique nationale de conservation de la biodiversité». Mais quels étaient les protocoles de ce transfert ? Y a-t-il eu conflit d’intérêts ?

Il faut comprendre l’opinion, cela fait très mal que le ministre de l’Environnement puisse maltraiter la faune sauvage sans être sommé de s’expliquer, alors que le chef de l’État prône par ailleurs la transparence et l’exemplarité. Pourquoi ces pratiques moralement douteuses sont-elles si souvent acceptées dans notre pays sans que l’on soit intransigeants à l’égard des écarts de comportement de nos dirigeants ?

Et c’est bien là le drame de notre démocratie. Pendant que notre président de la République déploie toute son énergie pour fixer le cap politique et mener le pays vers l’émergence, ses troupes avancent en ordre dispersé, quand elles ne lui tirent pas dans les jambes à boulets rouges.

Bien sûr, le portefeuille de l’écologie est considéré comme difficile à cause entre autres du poids des lobbies, mais n’est-ce pas aussi un manque d’ambition, de criantes incohérences des objectifs affichés et des convictions de bric et de broc qui mènent à ce type de dérives ? Voilà ce qui arrive quand on ne croit plus en rien. N’y a-t-il pas assez de spécialistes et conservateurs de nos parcs et réserves ?

Ibrahima Mbow, lui, chef des parcs nationaux à la retraite, considère cette affaire comme un braconnage. Pour le brigadier, les gazelles Oryx, non seulement bénéficient d'une protection intégrale mais elles ne doivent même pas faire le déplacement d'un lieu à un autre. "Transférer un animal à un lieu privé, c'est un acte de braconnage. Nous avons passé toute notre jeunesse à protéger ces parcs, nous avons versé notre sang, On a radié certains parmi nous, alors qu'ils ont uniquement tué un petit francolin", dit-il.

Décidément, rien ne nous est épargné en ce début du mois de juillet. Après la guerre des trois, à savoir Cissé Lo, Farba Ngom et Yakham Mbaye qui ont inondé l’actualité d’insanités, voilà qu’un ministre, chargé de notre environnement, commet cette faute inqualifiable.

Pendant que nous séchons nos larmes de tristesse, de colère et d’impuissance devant le saccage de ces belles gazelles innocentes, car ces créatures n’ont commis aucune faute sinon d’être belles et chères, notre ministre reste droit dans ses bottes. Petit rappel néanmoins à ce monsieur, même des bottes coulées dans du plomb, se sont vues déboulonner par une petite brise d’été.

Notre pays, jadis respecté pour l’élégance et la finesse de son peuple et de ses us, fait désormais la Une de la presse mondiale et essuie tant de claques que son image en est écornée au même titre que ces pauvres animaux braconnés. Il y a de quoi être ébranlé et s’interroger sur la notion de citoyenneté dans notre pays, voire de patriotisme.

Il est temps que les Sénégalais eux-mêmes, soucieux de la protection de leurs valeurs et de leurs institutions, sonnent l’alarme pour que la Téranga reste un trésor naturel et culturel à sauvegarder, un état d’esprit à préserver. Et à partager !