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Mali: la junte serre l'étau, craintes d'une confiscation du pouvoir à long terme

Rédigé par leral.net le Jeudi 15 Mai 2025 à 23:36 | | 0 commentaire(s)|

Mali: la junte serre l'étau, craintes d'une confiscation du pouvoir à long terme
Face à une rare contestation de l'opposition ces dernières années exigeant le retour des civils au pouvoir, la junte malienne a intensifié la répression de toute voix dissidente en dissolvant les partis politiques, suscitant des craintes d'une confiscation du pouvoir à long terme par le régime militaire, selon des experts interrogés par l'AFP.

Mardi, la junte a dissous les partis politiques après l'organisation par ces derniers d'une manifestation le 3 mai à Bamako pour dénoncer cette éventualité et réclamer le retour des civils au pouvoir.

"Cette mobilisation est inédite. Elle a été la première du genre depuis que courent les cinq ans de transition. Il n'y a jamais eu de défiance aussi manifeste des partis politiques à l'égard du régime militaire"", commente à l'AFP Fahiraman Rodrigue Koné, chef du projet Sahel de l'Institut d'études et de sécurité (ISS).

Les partis politiques et les organisations à caractère politique dissous sont désormais interdits de tenir des réunions.

Plusieurs têtes d'affiche de la contestation ont soit été enlevées à Bamako par des hommes cagoulés, agressées ou ont fui le pays.

"Cette décision (de dissoudre les partis, NDLR) est anticonstitutionnelle ! Nous ne l'acceptons pas (...) Aucune menace d'atteinte à mon intégrité physique ou morale n'y changera rien", a déclaré à l'AFP Me Mountaga Tall, figure de la classe politique malienne, ancien partisan de la junte devenu l'une des figures de la contestation.

Le multipartisme, ainsi que les libertés d'expression et d'association, ont été consacrés au Mali par la Constitution de 1992, année de la démocratisation.

"Un jour viendra certainement où le palais du chef, même érigé en bunker, ne sera plus assez haut ni assez fortifié pour circonscrire l'ire populaire née du mépris réservé au peuple et de l'irrespect des lois", a estimé de son côté à l'AFP Yaya Sangaré, ancien ministre de la Communication et secrétaire général de l'Alliance pour la démocratie.


- Jusqu'en 2030 -

La dissolution des partis politiques est une recommandation issue d'une "concertation nationale" organisée par la junte fin avril, marquée par la présence des soutiens du régime mais boycottée par la plupart des formations politiques.

Cette rencontre avait également proposé la proclamation sans élection du chef de la junte, le général Assimi Goïta, comme président de la République pour un mandat de cinq ans renouvelable, jusqu'en 2030 donc.

Les militaires au pouvoir ont manqué à leur engagement de céder la place à des civils élus en mars 2024.

"La dissolution des partis politiques et des autres mesures de restriction civique marquent la volonté de créer un espace politique apaisé pour les cinq ans de gouvernance envisagée pour le général Assimi Goïta qui devra porter jusqu'au bout le projet de la Refondation", explique Fahiraman Rodrigue Koné.

Le Mali et ses voisins du Niger et du Burkina Faso sont dirigés par des juntes militaires souverainistes arrivées au pouvoir entre 2020 et 2023. Les trois pays se sont réunis au sein de la confédération de l'Alliance des Etats du Sahel (AES).

Au Niger et au Burkina, les partis politiques sont respectivement dissous et suspendus et les deux régimes militaires pourraient également rester au pouvoir plusieurs années supplémentaires.


- "Tensions" -

Ces dernières semaines, des manifestions suscitées par la junte malienne dans plusieurs localités du pays appellent à la prolongation du régime militaire avec à sa tête le général Goïta.

"Il y a une forme d'hésitation sur la marche à suivre. La première option, c'est d'aller aux élections, malgré tout, et changer de tenue pour se maintenir au pouvoir. Ce qui supposerait d'ailleurs que tous les (cinq) militaires qui se partagent le pouvoir soient d'accord", explique à l'AFP Gilles Yabi, fondateur du groupe de réflexion ouest-africain Wathi.

"La seconde, c'est de rester simplement au pouvoir avec le statu quo, mais en durcissant les conditions politiques pour tuer toute contestation possible", ajoute-t-il.

Prolonger la transition sans élection "permet de créer les équilibres, car il y a des tensions au sein de la junte entre les cinq généraux qui ont fait le coup d'Etat ensemble", indique à l'AFP un analyste politique ouest-africain ayant requis l'anonymat.

"Si le général Assimi Goïta doit se présenter à la présidentielle, il doit démissionner de l'armée quatre mois avant. Ce faisant, l'intérim sera assuré par le général Malick Diaw, qui est le président de l'organe législatif de la transition. Alors qu'on sait qu'au début du coup d'Etat, il était en très bonne position pour diriger la junte", ajoute la même source.

"Qu'est-ce qui assure au général Goïta que le général Diaw va effectivement le laisser être candidat comme convenu, et que vont devenir les autres si le général Goïta remporte finalement l'élection ? Il y a tous ces enjeux", relève l'analyste.

D'autres experts relativisent cependant ces dissensions présumées au sein de la junte.

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Source : https://www.dakaractu.com/Mali-la-junte-serre-l-et...