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Mamadou Diop Decroix livre son diagnostic sur la situation actuelle du pays : Tout ce qui interpelle Macky et son régime

En conférence de presse hier, voici sa déclaration : Mesdames et messieurs les journalistes, merci d´être venus nombreux à cette conférence de presse.
Nous sommes ici avec nos alliés, avec lesquels nous avons constitué notre dossier de déclaration de candidature pour les élections législatives du 31 juillet 2022. Il s'agit notamment du mouvement Sopi doxaliin dirigé par le président Amadou Ly qui réside dans la diaspora, ou il défend plusieurs causes justes du parti Nasru présidé par Serigne Moustapha Mbacké Gaïndé Fatma et d'autres organisations.


Rédigé par leral.net le Lundi 23 Mai 2022 à 10:16 | | 0 commentaire(s)|

Nous en sommes toujours, il est vrai aux contestations, aux recours et aux surenchères concernant les listes et les parrainages rejetés.

En ce qui nous concerne, lorsque nos parrainages ont été rejetés, nous avons immédiatement formé un recours devant le Conseil constitutionnel et nous avons bon espoir, si le droit est dit, que notre dossier de déclaration de candidature finira par être validé. Mais il reste constant que le type de contentieux électoraux auquel nous assistons et qui empestent l'atmosphère sociale, après avoir empoisonné le monde politique à la veille de chaque élection, doit absolument connaître un terme. Un pays qui vote depuis plus de 100 ans, ne peut pas se permettre, au 21ème siècle, de vivre des situations aussi saugrenues.

Nous réitérons notre position selon laquelle seul un retour à des règles consensuelles en matière électorale, peut nous éloigner du désordre. Notre parti, tout en partageant le principe d´une régulation du système des candidatures à toute élection, pour se prémunir des candidatures fantaisistes, s'est très tôt démarqué des procédures de dévoiement de ce principe et des préoccupations d´assainissement démocratique qui doivent l’encadrer. C'est ce qui explique notre implication forte dans les manifestations contre le parrainage en 2018, qui nous a valu une arrestation et une détention, aux côtés d´autres leaders de l’opposition, dans les locaux du Commissariat central. Il faut dire qu’à l’époque, la solidarité et la détermination nécessaires ont manqué dans les rangs de l'opposition.

Le système de parrainage exige des candidats, partis ou coalitions, la collecte de 34 580 à 55 327 parrains, sans doublons et sans erreurs matérielles de saisie. Et, tout ceci dans des délais brefs. Dans de telles conditions, sauf à disposer d´une expertise haut de gamme et en quantité, ce défi s’avère titanesque. Nous avons, en ce qui nous concerne rassemblé plus de 70 000 parrains au prix de mille et un sacrifices mais qui, à l´arrivée, ne permettent pas de valider la liste pour des raisons totalement irrationnelles.

Premièrement : la transcription des données de la carte d’identité sur formulaires, est un premier obstacle majeur à franchir. Pour chaque parrain, il faut en effet transcrire sur la fiche le numéro d´électeur (9 chiffres), le numéro d’identité nationale (13 chiffres) et la taille (2 chiffres) Soit, au total, 24 chiffres à recopier sur le formulaire. Pour 34 580 parrains il faut saisir plus de 800.000 chiffres et pour 55 327 parrains, ce sont plus de1.320.000 chiffres à saisir. Si vous collecter 75 000 parrains, il vous faut saisir 1.800.000 chiffres. Imaginez le risque d’erreurs pour des jeunes qui n'ont pas appris la saisie, qui n´ont jamais fait ce travail.

Deuxièmement : lorsque, malgré tout, vous franchissez ce premier obstacle, il vous revient de faire exactement le même travail de saisie sur une clé USB destinée à être lue par l'ordinateur. Ici encore, il faut saisir des centaines de milliers de chiffres avec autant de risques d’erreurs. Je dis bien exactement le même travail. Ainsi, les risques de rejets pour erreurs matérielles, sont systématiquement multipliés par 2.

L´autre incohérence du système de contrôle réside dans la marginalisation de fait des documents physiques, autrement dit les fiches qui ont été remplies au prix d’efforts inouïs. En effet, s´il est interdit d´avoir dans la clé usb, un nombre de parrains supérieur au chiffre plafond, il devrait être possible à une liste dont l´ordinateur a supprimé un nombre de parrains qui l'invalide, de remplacer les rejets à partir de son stock qui ne figure pas sur la clé. En ce qui nous concerne, l´ordinateur a trouvé sur notre clé usb un peu plus de 45 368 parrains, après avoir trouvé d´abord 39 000, ensuite 44 000 et enfin, 45 368.

En nous rejetant 29 000 parrains pour « autres motifs », le texte aurait dû nous permettre de les remplacer, à partir du moment où nous avons dans notre stock, plus de fiches que nécessaire. Évidemment cela prendrait un temps de saisie supplémentaire, mais est-ce qu’il est légitime qu’une liste de candidats soit éliminée pour de simples problèmes pratiques ?
Assurément, Non !

Je n´évoquerai pas les erreurs éventuelles sur les noms ou prénoms. Aïssata à la place d´Aïssatou ou bien Fatoumata au lieu de Fatimata, et j´en passe.

On a le sentiment au bout du compte, qu’il ne s’agit plus d´écarter les candidatures fantaisistes mais plutôt d´empêcher les candidatures sérieuses.

Si au moins le logiciel de contrôle avait été présenté et décortiqué devant les experts des partis et coalitions, l'on aurait compris mais, à notre connaissance, ni la loi ni le règlement ne prévoient cette mesure qui pourtant, devrait couler de source.

Cependant, à ce stade de mon propos, je voudrais saisir l'occasion de dire que nos plénipotentiaires nous ont fait savoir que la Direction générale des élections et les autres parties prenantes ont globalement fourni un effort méritoire, pour permettre aux représentants des listes de faire correctement leur travail.

Nous ne nous étendrons pas outre mesure sur le dévoilement de l'argumentaire de notre recours, mais il s'appuie fondamentalement sur les aspects proprement irrationnels du texte, notamment les contradictions flagrantes entre la partie législative du code et sa partie réglementaire et l’arrêté ministériel du 27 avril 2022. Autrement dit, la hiérarchie des normes dans notre cas n´a pas été respectée.

Au total, nous avons engagé la bataille juridique pour pouvoir, in fine, prendre part à la compétition électorale. Cependant, retenez bien que notre parti sera à fond sur le champ du débat politique et programmatique, quelle que soit l´issue de notre recours, dans la mesure où pour nous cette élection n'est qu´un moment certes important mais simplement un moment, dans une longue marche pour l'émancipation de notre peuple. Nous allons partager au cours de cette période, notre vision de là où il convient de conduire le pays, le modèle de société qui nous restitue notre identité spoliée et un programme de développement au triple plan, économique, social et culturel.

Ce champ est en labour depuis bien avant la présente échéance électorale et continuera de l'être demain et après-demain, jusqu’à la victoire finale sur la domination, l'exploitation et l’aliénation.

Faut-il ajouter à ce qui précède, le fait que la prochaine législature sera de courte durée ? En effet, l´actuel processus de recomposition politique rendra inéluctable, la dissolution de cette assemblée nationale qui sortira du scrutin de juillet prochain. Si nous devons nous dire la vérité, une assemblée de courte durée dans le cadre d´une constitution ultra présidentialiste, ne peut apporter et n'apportera aucune nouveauté radicale, quelle que soit par ailleurs sa configuration. L´institution parlementaire susceptible (nous disons bien susceptible) d'apporter les véritables changements tant attendus, est celle qui sera en place en 2024, s'il plaît à Dieu. En effet, il faut s´attendre en 2024, à une remise à plat de toutes les institutions du pays et à une reconfiguration du paysage politique, qu'il est difficile d´entrevoir dans le moment présent.

Les réalités du monde en évolution rapide due à la guerre en Ukraine, seront un des facteurs majeurs de cette reconfiguration. La crise énergétique mondiale frappe déjà à la porte. La crise alimentaire mondiale frappe à la porte. La crise économique globale frappe à la porte. Toutes ces crises sont certes annonciatrices de nouveautés pouvant être positives pour l'Afrique à condition que le continent se dote globalement d´un leadership à la hauteur des exigences de la période.

Cette période que nous traversons est historique, au motif qu’elle ferme le cycle de Yalta, c'est-à-dire le monde tel qu'il a été dessiné et gouverné au lendemain de la seconde guerre mondiale, entre l´Ouest conduit par les États-Unis et l’Est symbolisé aujourd’hui par la fédération de Russie et la Chine. La guerre en Ukraine est, sous ce rapport, l'expression de l’enfantement douloureux d´un autre monde, dont le sens dépendra de qui l´emportera dans la lutte actuelle. Est-ce le multilatéralisme et l’indépendance des pays qui l'emporteront en tant que voie susceptible de promouvoir les intérêts de l´Afrique ou alors, d'autres formes de domination et d'exploitation ?

En Ukraine, c’est la confrontation Est-Ouest qui est à l’œuvre, tout comme au Mali, par la force des choses. En mer de Chine aussi, c’est la confrontation Est-Ouest avec les Etats-Unis et ses alliés d’un côté et la Chine de l’autre. Tous ces fronts sont à la fois si éloignés et si proches de l’Afrique. L´Afrique et ceux qui parlent en son nom, doivent discuter de cela dans une approche absolument inclusive, tant il est vrai qu’aucun pays africain pris individuellement, ne pourrait s'en sortir. Le capitalisme néolibéral et sa version impérialiste ne nous laissent aucune chance, mais toute impasse est une voie de sortie. Malheureusement ici au Sénégal, l'on fonctionne comme si les évènements qui secouent le monde et nous affectent directement, se déroulent sur la planète Mars ou sur Jupiter. Il faut le déplorer.

Celui ou celle qui souhaite des changements qualitatifs au profit de notre peuple, doit considérer que l'axe fondamental du travail doit être gouverné par l´échéance majeure de 2024. Il nous faut un peuple éveillé et debout, pour briser ses chaînes. C’est ce à quoi s’attelle notre parti. Après les succès enregistrés dans l'implantation (présence dans la totalité des communes du pays et dans l´ensemble des pays abritant une diaspora sénégalaise), le parti entame avec succès, la phase de sa massification en incorporant des dirigeants des populations à la base, qui découvrent avec enthousiasme, une façon totalement différente de faire la politique. Nous enclenchons actuellement la structuration et l´organisation de nos effectifs pour, sur cette base, passer à la vitesse supérieure dans la formation et l'animation du parti, mais aussi et surtout, la prise en charge quotidienne, à leurs côtés, de la cause des déshérités et des laissés-pour-compte.

Mais l´actualité, c´est aussi cette controverse au sein de l’opposition autour des listes de candidats aux législatives. L’analyse de ces phénomènes est nécessaire pour comprendre la situation politique actuelle du pays.

Nul n’ignore qu´il y a dans cette controverse et ces affrontements, des causes légitimes à défendre de la part de leaders politiques qui, de par leur parcours, leur carrure et leur trempe, n'ont plus rien à prouver. Mais force est aussi d´admettre que de larges franges de l'opinion, quelque peu dépitées, ont dû considérer que la lutte des places y occupe une place importante. L’on a même pu observer le retour en force dans cette opinion, de la vieille rengaine manipulatrice qui chloroforme les consciences : « Ñoom ñépp a yem ».

Cela nous rappelle ce que devrait être le viatique de toute opposition qui se respecte : « boo fiy jële ñi fi nekk, da nga fiy jële itam li fi nekk. Nous disions à l´époque : « changer les institutions, les politiques et les hommes ». A un moment donné, on a eu du mal à repérer, dans la mêlée, où étaient réellement les intérêts fondamentaux du pays et du peuple et les intérêts individuels et personnels, dans cette dispute sur les listes. Il nous faudra, au sortir de cet imbroglio, adresser avec courage et humilité, la signification profonde de cette crise qui secoue l’opposition, si nous voulons réaliser une véritable alternative à la place d´une simple alternance qui a pour nom : « Jēlé fi ñi fi nekk, bàyyi fi li fi nekk. Une telle perspective n´est pas, selon nous, la vocation d’une opposition au service du peuple.

La pire façon d´adresser ces difficultés, serait de se voiler la face, en prétendant que tout est de la faute du pouvoir en place. Il faudra se regarder dans la glace et voir ce qui ne va pas ; « descendre de cheval et disséquer un moineau ». D’ailleurs, ce regard dans la glace n’incombera pas seulement aux acteurs politiques. C’est toute notre société qui doit aujourd’hui, chacun en ce qui le concerne, se regarder dans la glace.

Si le Président Wade a apporté un plus par rapport à la gouvernance de ses prédécesseurs du Ps, c’est sans doute d'avoir ancré dans les consciences qu'en matière d´infrastructures (autoroutes, échangeurs, tunnels, aéroports etc.), l´Afrique et le Sénégal pouvaient rivaliser avec les autres. Son grand gap cependant, a été de n´avoir pas su conduire les changements nécessaires dans les comportements.

Certains de ceux qui ont fait confiance au Président Sall en 2012, voulaient sûrement voir celui-ci combler ce déficit. Hélas, les choses ont empiré. Le sens de la formule « changer les hommes » ne renvoie pas exclusivement à l´idée d´enlever ceux qui sont aux affaires pour les remplacer par d'autres soi-disant neufs. L´expérience récente de plusieurs maires élus sur les listes de l´opposition rejoignant, moins de deux mois après leur triomphe, les rangs de la mouvance présidentielle, montre avec netteté qu´il faut aller au-delà des caractérisations hâtives pour résoudre nos maux. L'on a en effet caractérisé ceux qui ont transhumé et ceux qui les ont accueillis.

Mais doit-on oublier que ces maires ont quand-même été choisis par des leaders de l´opposition pour être leurs candidats ? Pourquoi les avait-on choisis ?

Ces questions méritent d´être posées et débattues. L´expérience de deux alternances ainsi que les mouvements en cours sur le terrain politique, devraient induire une approche moins dogmatique, qui ne considère pas que tous les bon sont d´un côté et tous les mauvais de l´autre. Dans la vie, c'est la pratique qui est le critère de la vérité, au-delà des discours et des professions de foi.

L'opposition qui se bat pour une véritable alternative, devra se trouver une nouvelle configuration et de nouveaux paradigmes. En clair, il faudra s'engager dans la construction d´un pôle alternatif crédible pour la Démocratie et la République. Dans le monde d´aujourd’hui, y compris au Sénégal, la Démocratie et la République sont menacées et non pas seulement par les tenants du pouvoir.

Nous devons rester vigilants au vu des phénomènes observés dans notre entourage immédiat. Les évolutions politiques sur le continent africain et plus particulièrement dans notre sous-région, où sévit une guerre asymétrique dans 4 pays, dont la première puissance économique de l'Afrique, le Nigéria avec Bokko haram, seront également un facteur important qui influera sur le devenir du Sénégal.

Enfin, le mode de management des contradictions internes à notre pays aura une répercussion certaine sur le visage du pays en 2024. Ces contradictions seront-elles résolues par des moyens pacifiques ou par la violence ?

A côté de la vie chère, le pays connaît aujourd’hui une insécurité grandissante et une violence inouïe. Les meurtres se multiplient avec des modalités de plus en plus atroces et n’épargnent aucune région du pays. Le coût de la vie qui était déjà si élevé, atteint des niveaux insupportables pour de larges franges du peuple.

Voici que l’hivernage s’installe dans certaines parties du pays sans qu’aucune communication du gouvernement ne soit notée pour rassurer les paysans quant aux semences et aux intrants. Les situations de famine ou de disette annoncées par la FAO ou le PAM, sont dues à la faillite de la politique agricole de l’Etat. Un pays ne peut se développer sans vivre de ce qu’il produit.

C’est tout cela qui interpelle directement Macky Sall et son régime, qui en sont les principaux responsables.





Dakar le 22 mai 2022