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Monsieur le Procureur, vos responsabilités peuvent-elles sauver la société sénégalaise ?

Rédigé par leral.net le Lundi 21 Mai 2018 à 22:38 | | 0 commentaire(s)|

Le jeune Mouhamadou Fallou Sène est parti à la fleur de l’âge. Rien ne peut remplacer une vie, surtout une comme celle-ci pleine d’espoir estudiantine.

Le procureur de Saint- louis dont on ne doute nullement de la compétence (juridique et personnelle), veut nous rassurer que "l'enquête est en cours, elle se poursuivra et arrivera à son terme, au plus tard avant la fin de cette semaine".

Son ministre, le Garde des Sceaux, Pr Ismaïla Madior Fall lui emboîte le pas «La Loi sera appliquée dans toute sa rigueur ». On devrait être rassuré non ? Que Nenni. Car vous avez tous vu une des plus importantes institutions de la République, brûler et s’affaisser devant le monde entier. C’est inacceptable.

Comment pouvez-vous nous rassurer quand l’Etat s’effondre sous nos yeux ? La justice est, certes, un pilier important dans un Etat de droit mais elle n’existe pas si l’autorité du pouvoir exécutif est inopérante. Nous sommes meurtris de la disparition tragique d’un jeune innocent mais aussi nous avons peur pour notre Sénégal.

Pour ne pas dire plus, nos autorités ont-elles su apprécier la situation à sa juste valeur ? Est-ce que l’incapacité d’apprécier une situation pour une autorité relève des compétences du procureur ? Si oui, est-elle prise en compte dans « l’enquête en cours » et « la rigueur de la loi »?

Nous souhaitons vivement que les réponses à ces deux questions soient affirmatives. Le cas échéant, Monsieur le procureur vous pourrez pendre le temps nécessaire pour faire votre enquête et ne pas se précipiter car l’heure est grave : Notre chère université s’est affaissé car nos autorités policières (ici la gendarmerie en tant que force de police rurale), administratives et politiques n’ont pu apprécier la situation à sa juste valeur, au-delà de la « réquisition des forces de l’ordre » par l’autorité universitaire.

D’abord, si Mouhamadou Fallou est mort c’est parce que l’Etat- major (commandement de légion ou au plus bas niveau) n’a pu apprécier à sa juste valeur la situation. Il a envoyé une petite unité pour faire de la dissuasion. Peux- t-on dissuader des gens qui ont faim de ne pas manger alors que le repas est à côté ? Rappelez- vous des émeutes de la faim depuis Germinal de EMILE ZOLA (du pain, du pain, nous voulons du pain) jusqu’en 2008 au Sénégal.

A –t- il su estimer le nombre d’étudiants dans le campus pour y envoyer un effectif vraiment dissuasif ? Le moins que l’on puisse dire est qu’on n’a pas utilisé le renseignement de manière idoine avant de se déployer. D’autant plus qu’on sait que ni les étudiants, ni les enseignants ne veulent voir des gendarmes ou des policiers dans le campus. Ça les rend fou de rage. Certains ont évoqué la loi qui permet l’usage des armes aux forces de l’ordre pour se dégager et sécuriser son terrain.

Soit, nous sommes pour la loi. Mais, pouvait-il se dégager autrement ? Et surtout, a-t- on protégé son terrain convenablement ? Avait-il à sa disposition de forces de réserves positionnées à 2 ou 3 mn ? L’Etat - major local avait-il prévu des forces de réserve à la disposition ou en intelligence avec le chef d’unité en terrain miné si l’on sait que 3000 étudiants pouvaient attaquer l’unité ?

Si oui, pourquoi a- t-on laissé l’université bruler quand on a fini de se dégager si l’on sait que les forces de l’ordre étaient commises pour protéger l’université ? J’ai mal en me posant ces questions car nos forces armées sont considérées parmi les meilleures.

C’est d’autant plus inquiétant que juste après l’annonce de la mort de Fallou Sène, l’université a été laissée à elle-même. Mais diantre qu’est-il arrivé à notre administration pour ne pouvoir ni apprécier, ni anticiper ? Nous passons sous silence les déclarations catastrophiques de deux ministres (intérieur et forces armées) qui n’ont fait que jeter la poudre au feu. Ce qui devait arriver, arriva ?

L’UGB s’est effondrée. C’est facile de dire que personne ne peut contrôler une foule en colère, c’est facile de dire que les jeunes manquent de civisme, mais c’est difficile de prendre sa responsabilité d’autorité administrative pour mieux apprécier la situation et décider de manière idoine la conduite à tenir. Une autorité ne doit jamais s’affoler surtout s’elle est entourée d’un staff compétent. Ne pas décider c’est aussi décider.

Sauf si c’est fait exprès pour ensuite commettre un huissier et chercher la petite bête contre de jeunes qui n’ont agi que parce qu’on les a laissés faire sans chercher à les raisonner. Caramba et carambita pourquoi aussi laisser le Rectorat brûler pendant 24h sans que les sapeurs - pompiers n’interviennent ? Incompréhensible.

Monsieur le procureur, si vous en avez compétence, visez ceux qui n’ont pas pu apprécier la situation à sa juste valeur alors qu’ils en ont les moyens et jouissent des prérogatives. Visez toutes les responsabilités et les « non décisions » qui ont été prises avant, pendant et après la mort du jeune garçon. C’est comme ça que la justice aidera l’exécutif à être ce qu’il doit être dans un pays de droit. Si elle ne joue pas ce rôle, le tout politicien sans foi ni loi régnera en maître même dans les casernes. Monsieur le Garde des Sceaux, nous voulons une Loi d’une telle rigueur.

PS : Mr le Président de la République a commis l’IGE pour faire la lumière sur le non de paiement des bourses. Nous espérons que l’IGE s’y mettra avec plus de rigueur. La question des bourses dépasse largement le retard de paiement. Elle est en relation avec des années scolaires élastiques qui ne se terminent jamais.

Beaucoup d’établissements viennent juste d’entamer leur année académique 2017-2018. Comment faire pour revenir à des années normales et permettre à la direction des bourses de voir plus clair dans les nombres d’années de bourses ? Voilà une question que l’IGE devrait se poser fondamentalement.

Amadou Ndiaye
DVM, Environnementaliste
Dr socio-économie rurale
université gaston berger
Saint louis Sénégal