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Nécrologie: La Gendarmerie et Beuleup Family perdent une soldate dans l'âme !

Leral reprend in extenso un article du quotidien national "Le Soleil", écrit par El Ibrahima Thiam en 2011, alors qu'il était stagiaire, qui faisait le portrait de Maïmouna Ndao, une des premières femmes gendarmes du Sénégal. Une semaine après sa disparition, Leral tient à rendre hommage à cette "Beuleup", qui a tout donné à sa Nation et retient d'elle, le souvenir d'une femme intègre.


Rédigé par leral.net le Samedi 10 Juillet 2021 à 13:43 | | 0 commentaire(s)|

Nécrologie: La Gendarmerie et Beuleup Family perdent une soldate dans l'âme !
MAIMOUNA NDAO, GENDARME

Pandore et fière de l’être

Elle fait partie des premières Sénégalaises à s’être engagées dans le corps de la gendarmerie, quand ce corps a été ouvert aux femmes. Cinq ans plus tard, c’est une gendarme et fière de l’être, qui donne entière satisfaction à ses supérieurs.

En cette matinée de mi-août, le ciel est encore voilé. La pluie de la veille a laissé ses stigmates sur les abords de l’Etat-major de la Gendarmerie, à quelques pâtés du Building administratif. La modestie de ce bâtiment peint en jaune et bleu, détonne avec le luxe qui caractérise les nombreux immeubles voisins. Des barrières sont placées devant les deux issues de la rue qui traverse la porte, où des sentinelles sont chargées de filtrer les entrées.

A l’intérieur du bâtiment, il faut montrer patte blanche au poste de police avant d’aller plus loin. Identité et motif de la visite déclinés, on est prié de patienter dans la salle d’attente. Une attente qui ne dure pas cinq minutes. On nous introduit dans le bureau du Commandant Babacar Diop. Bien avant tout cela, il a fallu appeler, expliquer, convaincre. Dégotter une femme gendarme n’est pas une sinécure.

Direction, le bureau de la Division des Contentieux, un deux-pièces au rez-de- chaussée. Brèves présentations : « M. Thiam, voici gendarme Maimouna Ndaw, fit le commandant Diop, vous pouvez discutez avec elle, je l’ai déjà débriefée ». Nez aquilin, yeux en amande, chignon bas, l’uniforme fièrement arboré, bien débout sur son mètre 70, la gendarme tend une main ferme mais chaleureuse. Cette femme de tenue aurait pu bien faire carrière sur les planches de Paris, Milan ou de New York, en tant
que mannequin, mais elle a décidé de servir son pays dès que l’opportunité s’est présentée à elle.

« Je ressens beaucoup de fierté sous mon uniforme. Servir son pays, doit être le rêve de tout bon citoyen qui plus est, dans le corps militaire », soutient Maïmouna. Pourtant, il y a encore moins de dix ans, rien, absolument rien, ne prédestinait cette fille native des Parcelles assainies à intégrer le corps de la Gendarmerie. N’eût été l’insistance d’un père employé de la Sonacos, qui rêvait d’une carrière militaire pour sa fille, jamais Maïmouna Ndaw n’en serait là, assise dans ce bureau climatisé au décor feutré, pianotant sur son clavier.

Aujourd’hui, quand ces moments de vie civile remontent en elle, c’est une femme reconnaissante envers son père que l’on décèle dans les propos : « Il ne m’était jamais venue l’idée de porter la tenue pour dire vrai. C’est mon papa qui m’a encouragée dans ce sens. Quand il a vu une affiche dans un journal, il m’en a parlé et m’a proposé de m’engager dans l’armée».

Lui en parler ne suffit pas pour convaincre Maïmouna de tourner le dos à
son travail d’hôtesse de l’air qu’elle exerçait depuis une année. On était en 2006 et elle vient de décrocher son bac au lycée des Parcelles Assainies. Il faut plus. « Maïmouna, il y a un arrêté ministériel qui vient de tomber, je te le laisse », interrompt la discussion son chef, l’adjudant-chef Makhtar Ndiaye, chef du bureau Contentieux. Les deux pandores en profitent pour évoquer la colonie des vacances qui doit être organisée dans les prochains jours. C’est qu’entre la subalterne et son chef, le courant passe bien. Peut-il en être autrement quand elle fait bien son job ? « Sur le plan du travail de secrétariat, elles ont un rendement très significatif, elles suivent bien les instructions, elles n’ont pas de problèmes d’adaptation. Elles sont encore
beaucoup plus exigeantes que les hommes sur certaines matières 
» témoigne son chef, l’adjudant-chef Makhtar Ndiaye.

Comme en échos, le capitaine Ibrahima Diop, chargé de la communication des hommes en bleu, renchérit : «Sur le plan du travail, c’est clair, les résultats sont satisfaisants. Maïmouna nous est d’un apport considérable, de même que toutes les autres d’ailleurs. Certes, elles ont leur spécificité
en tant que femmes, mais c’est un plus pour la gendarmerie
 ».

Dans un corps traditionnellement masculin, où une dose de féminité n’a commencé à être instillée qu’en 2006, la volonté, l’envie d’intégrer les nouvelles venues est manifeste car, soutient le capitaine Diop, « ce sont nos sœurs, nos nièces… ». Ce que confirme, du reste, Maïmouna : « Mes collègues me regardent comme tout autre collègue, femme ou pas. Je ne sens pas du machisme de leur part malgré qu’ils avaient l’habitude de ne voir que des hommes dans leur environnement professionnel. Nos collègues hommes nous aident beaucoup, franchement, c’est la bonne entente entre nous ».

Toutefois, cette distinction homme/femme dans la gendarmerie, révulse Maïmouna et pour cause : « Une fois dans ce métier, il n’y a plus ni homme, ni femme, c’est le gendarme, le militaire ou le policier qu’on a. Certes, c’est difficile pour les femmes d’intégrer ce corps de métier avec tous les sacrifices que cela requiert, mais il suffit juste de s’en donner les moyens, d’avoir un esprit d’abnégation».

Ce sont ces forces mentales qui l’ont aidé à réussir le concours de la gendarmerie et surtout, à bien passer les tests physiques. « C’est à ce niveau que résident les difficultés pour les femmes. En ce qui me concerne, au début je n’avais pas l’habitude de faire du sport, mais grâce à la volonté de Dieu et la volonté de servir la nation, j’ai pu m’en sortir ». Mais, elle ne savait pas qu’en réussissant le concours de la gendarmerie, elle allait rencontrer, dans les épreuves de bizutage de toutes sortes, l’homme qui deviendra, quatre ans plus tard, son mari.

« C’est un promotionnaire, actuellement, il est en mission en Haïti » dit-elle sur un ton ferme, qui cache mal son gêne. A seulement 25 ans, elle parvient déjà à bien faire la part des choses entre vie professionnelle et vie de couple : « A la maison, c’est lui le chef de famille et à ce titre, c’est lui qui décide, mais une fois au travail, cet aspect n’est plus de mise, on redevient de simples collègues qui faisons notre travail consciencieusement ». Repos et rompez les rangs !

El hadji Ibrahima Thiam (Stagiaire)

(Le Soleil, août 2011)

Mr Ndao B