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"Nous avions une telle peur de nos parents que l’avortement s’imposait", témoignent des adolescentes

Rédigé par leral.net le Mardi 10 Décembre 2019 à 13:27 | | 0 commentaire(s)|

L'avortement clandestin est devenu un phénomène de société non négligeable dans nos communautés. Est considéré comme avortement clandestin toute interruption de grossesse effectuée en dehors du cadre légal défini par le pays de résidence de la femme.


"Nous avions une telle peur de nos parents que l’avortement s’imposait", témoignent des adolescentes
En parcourant internet, des témoignages poignants de jeunes filles sur l'avortement clandestin sont édifiants. Des pratiques qui, du reste, mettent en danger la vie de milliers de jeunes filles en Afrique et plus précisément, en Côte d’ivoire. Adolescentes, pour la plupart, elles craignent le courroux des parents au point de choisir le risque plutôt de subir leur colère ou encore une humiliation. En lisant avec intérêt ce qui suit, vous comprendrez certainement le bien-fondé de leurs attitudes…

Des comportements fâcheux et humiliants qui peuvent coûter la vie quand on refuse d'écouter les parents

Evelyne Mastaki (non d’emprunt), alors adolescente, raconte ce souvenir effroyable, un tournant marquant de sa vie qui a failli lui coûter très cher. « Je venais d'avoir 15 ans et j'étais au secondaire. J'ai eu des rapports sexuels avec mon petit ami à l'époque. Il vivait encore chez ses parents, et donc ma grossesse était quelque chose qui allait nous compliquer la vie à nous deux », explique Evelyne Mastaki (non d’emprunt). La seule option, pour son petit ami et elle, était d’avorter car elle n'était pas prête à devenir mère. Mais, surtout avec son ami, ils craignaient la réaction de leurs parents. Cela a pourtant failli coûter la vie à cette jeune fille, qui doit sa survie à la présence de sa sœur aînée ce jour-là.

« Nous avions une telle peur de nos parents que l’avortement s’imposait. Mais, j'ai eu beaucoup de complications. Je saignais sans arrêt, je devenais très faible. Si ma sœur aînée ne m’avait pas découverte gisant au sol dans ma chambre, j'en serais morte. Elle m'a transportée d'urgence à l'hôpital. Et j'ai été prise en charge », se souvient Evelyne.

Hélas, elle n’est pas la seule dans cette situation. Elle serait restée morte dans sa chambre plutôt que d'aller avouer son problème aux parents.
Une autre histoire édifiante, c'est celle de Florence. Elle habitait avec le couple de sa sœur aînée mariée. Sous le même toit, vivait aussi le jeune frère de son beau-frère, l'époux de sa sœur. Amoureux l'un de l'autre, ils commencent à flirter et finissent par passer à l'acte sexuel. Bon an mal an, ils y ont commencé à coucher ensemble jusqu'à ce qu’elle découvre que ses règles étaient absentes.

« Quand je l'ai avoué à Yves (l'auteur de la grossesse), il a fui et a quitté la maison, me laissant seule. J’ai donc décidé d’avorter, mais l'infirmière a beaucoup traumatisé mon corps. Mon utérus en a encore des séquelles aujourd'hui. Mes chances de procréer sont minimes », regrette Florence. Son copain a fui craignant la réaction de son frère aîné. Florence a dû avorter pour préserver sa sœur de la honte.

«Autoriser légalement les avortements vise à rendre ces pratiques sûres, décentes et dignes».

Les avortements à risque sont de l'ordre de 25 millions par an, dont un tiers, soit 8 millions approximativement, sont pratiqués dans les pires conditions de sécurité par des personnes incompétentes, ayant recours à des méthodes peu orthodoxes, dangereuses et invasives. Le pire des cas, ce sont des avortements non sécurisés qui entraînent plus de 7 millions de complications selon L’OMS.

Malheureusement, les chiffres qui indiquent les proportions de pratique de l'avortement clandestin par les jeunes filles, sont inquiétants et interpellent la conscience collective.i[

Ces avortements clandestins sont en effet responsables de 15% des décès maternels en Côte d'ivoire. C'est une pratique à la limite suicidaire, est devenu aujourd'hui un phénomène de société non négligeable dans nos communautés.

Lorsqu’elles tombent enceinte dans des conditions souvent douteuses et inacceptables, certaines jeunes filles préfèrent recourir vite à l'avortement. L'une des raisons fondamentales et avancées de cet ultime recours demeure cependant, l'assistance en cachette d'un médecin véreux à la recherche de revenus, tordant ainsi le cou au sermon d'hypocrate pour arrêter volontairement la grossesse.

Mais malheureusement, dans la plupart des cas, ces avortements se font dans des conditions précaires. Cette pratique a des conséquences non négligeables sur ces femmes, entraùinant parfois la stérilité, des saignements abondants, des douleur ou, au pire des cas, la mort pour certaines d'entre elles lors de l’interruption ou après l’interruption volontaire de grossesse (IVG).

Dans quels cas l'avortement est-il autorisé et pratiqué légalement?

La Côte d'ivoire a ratifié le Protocole de Maputo lle 11 juillet 2003, qui autorise l'avortement sécurisé pour des cas spécifiques de femmes et de jeunes filles victimes d’agressions sexuelles, viol, inceste, mais aussi lorsque la santé mentale et physique de la mère ou la santé du fœtus est en danger. Ces mesures doivent être respectées et mises en application pour mettre fin aux avortements clandestins.

En effet, explique Wendy Chavkin, médecin et professeur de santé publique et de gynécologie à la Mailman School of Public Health de Columbia, que: «Autoriser légalement les avortements vise à rendre ces pratiques sûres, décentes et dignes».

Que font les autorités pour mettre les jeunes filles et femmes à l'abri de ce risque énorme?

Les responsabilités sont partagées et il importe d'agir pour freiner cet acte ignoble.Conscients des conséquences énormes des avortements clandestins, puisque chaque année, environ 45 000 femmes décèdent des suites d'une IVG non médicalisée dans le monde, les autorités ont pris le taureau par les cornes. Des dispositions ont été prises entre autres pour réduire le taux d'avortements à risques qui est plus élevé, l’accès à une contraception efficace ou à l'avortement sécurisé qui est limité ou inexistant par la sensibilisation plus accrue afin d'éviter les pratiques suicidaires.

Une éducation sexuelle exhaustive, la prévention des grossesses non désirées au moyen d'une contraception efficace, y compris d'urgence, l'accès à l'avortement sécurisé et légal sont également préconisés.





Florence Bayala