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[Portrait] Sarraounia, reine, magicienne et résistante

Rédigé par leral.net le Mercredi 8 Mars 2017 à 13:42 | | 0 commentaire(s)|

Figure extrêmement célèbre au Niger, la reine Sarraounia incarne la résistance des Nigériens contre la colonisation française à la fin du XIXe siècle. Oubliée par les historiens, elle a été popularisée par la fiction et le cinéma qui se sont appuyés sur la tradition orale pour faire de ce personnage de reine guerrière engagée dans la défense de sa terre, un élément majeur du récit national nigérien. Aujourd’hui, des écoles portent son nom. La station de radio Sarraounia est l'une des plus écoutées, et la banque « Sarraounia Finance » ne prête de l'argent qu’aux femmes…


[Portrait] Sarraounia, reine, magicienne et résistante
Il était une fois Sarraounia…

Reine légendaire de l’Afrique de l’Ouest, Sarraounia Mangou a régné au XIXe siècle dans le sud-ouest du Niger actuel. Elle a présidé sur la destinée de la population animiste (les Aznas) qui vivait dans la cité-Etat de Lougou située au cœur d’une région de vieille civilisation haoussa.

La souveraine nigérienne est entrée dans la légende pour avoir opposé dans les années 1898-1899, une résistance tenace au passage d’une troupe coloniale française. Pour les Nigériens, elle symbolise leur combat contre les impérialismes, et les historiens la rangent parmi les souveraines militantes et intrépides apparues dans d’autres contrées d’Afrique comme la reine guerrière Amina de Kano au Nigéria, la princesse Yennenga au Burkina Faso ou la reine Pokou en la Côte d’Ivoire, des figures qui ont marqué l’histoire pré-coloniale.

En langue haoussa, « Sarraounia » signifie « reine ». Le terme désigne le titre attribué à la chef politique et religieuse de la communauté. Il s’agit d’un titre héréditaire dont l’origine remonte vraisemblablement au XVIIe siècle. Chez les Haoussa, certaines communautés ont souvent eu des femmes pour chefs. Dotés d’un véritable pouvoir temporel, les Sarraounia régnaient sur un royaume prospère grâce au commerce avec les Touaregs et les Toubous du désert. Lougou possédait un marché florissant, fortifié par un mur d’enceinte.

C’est en fait à travers les récits oraux de l’époque que s’est construit le portrait de la reine résistante. L’écrivain Abdoulaye Mamani et le cinéaste Med Hondo, auxquels on doit respectivement une biographie romancée de la souveraine des Haoussa (Sarraounia : le drame de la reine magicienne, L’Harmattan 1980) et un film sur le même thème (Sarraounia, film sorti en salle en 1986), se sont appuyés sur ce précieux fond oral pour raconter, mêlant mythe et réalité historique, la destinée légendaire de ce personnage hors du commun.

On apprend dans la biographie de Mamani, qu’orpheline dès sa prime enfance, Sarraounia Mangou n’était guère une femme ordinaire. Nourrie de lait de jument et initiée très tôt par un ami de son père aux mystères des forces occultes à l’œuvre dans le monde, elle était devenue une sorcière et magicienne, doublée d’une redoutable guerrière amazone.

Devenue reine des Aznas, elle « a su résister, écrit Mamani, à l’invasion des Touaregs belliqueux du Nord et préserver son royaume des fanatiques Foulanis de Sokoto qui tentent désespérément de la soumettre à l’islam. Le capitaine Voulet est surpris par la résistance farouche de la Sarraounia et des guerriers aznas. Après une nuit de combats acharnés, Voulet et ses hommes occupent la Cité royale. Mais la Sarraounia ne se rend pas… »

Quant à la suite, les versions diffèrent. Selon certains récits, la reine prit le maquis avec les autres guerriers de son royaume et continua de harceler le vainqueur le poussant à partir. Une autre version suggère que, prise au piège dans son palais et encerclée par l’ennemi, la reine guerrière tourne en rond pendant des journées entières. Puis un jour, les portes du palais se sont ouvertes. Les témoins jurent d'avoir vu alors une panthère noire comme la nuit surgir du fond de la forteresse, sauter par-dessus les remparts avant de disparaître dans la forêt avoisinante. Personne n’aurait plus jamais revu Sarraounia Mangou !