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Pr. Cheikh Ibrahima Niang, socio-anthropologue: “Seule la communauté peut éviter la saturation des hôpitaux”

Rédigé par leral.net le Lundi 26 Juillet 2021 à 20:00 | | 0 commentaire(s)|

La continuité des services dans les structures de prise en charge des malades de la Covid-19 dépend, en grande partie, des populations. C’est l’analyse du socio-anthropologue, spécialiste des épidémies, le Professeur Cheikh Ibrahima Niang, de l’Institut des sciences de l’Environnement de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Professeur, nous sommes dans une nouvelle phase […]

La continuité des services dans les structures de prise en charge des malades de la Covid-19 dépend, en grande partie, des populations. C’est l’analyse du socio-anthropologue, spécialiste des épidémies, le Professeur Cheikh Ibrahima Niang, de l’Institut des sciences de l’Environnement de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad).

Professeur, nous sommes dans une nouvelle phase de la pandémie de Covid-19 au Sénégal. Quelle lecture faites-vous de cette situation?

Nous sommes à la croisée des chemins. Parce que cette pandémie est marquée par plusieurs variants dont certains sont particulièrement contagieux avec la possibilité de recombinaison entre les variants. Tout cela augure une situation particulièrement difficile. Il y a donc une course contre la montre afin de renforcer la résilience des communautés. C’est une nouvelle situation écologique du fait de l’installation de l’hivernage avec son lot de nouvelles infections telles que le paludisme, la grippe… Ces pathologies peuvent servir de couverture pour nier la Covid-19 en réduisant l’ampleur de la pandémie a laquelle, personne ne voudrait s’identifier. Du point de vue écologique, le contexte est particulièrement préoccupant puisqu’une épidémie peut être le moteur d’une autre. La consequence peut entraîner beaucoup de dégâts sur le système sanitaire d’une manière générale. Nous sommes dans une situation nouvelle avec l’hivernage et ses pathologies, les vacances (qui entrainent les déplacements des populations). Cette nouvelle situation accroît donc la vulnérabilité des communautés. D’ailleurs, l’épidémie a un impact économique négatif qui renforce la précarité et la pauvreté. Le malade perd sa productivité. Un changement d’approche s’impose donc.

 N’est-il pas temps de réadapter la stratégie de communication?

La communication ne doit pas être générique c’est-à-dire la même chose, en toute situation. Avec la tournure de l’épidémie, il faut faire preuve de créativité, mais aussi d’anticipation. Nous devons travailler à impliquer toutes les couches dans la co-construction des réponses. Nous ne pouvons pas continuer à avoir une communication unilinéaire et unidirectionnelle, le top-down. Il faut des cercles de discussions où tout le monde participe à la recherche de solutions. Aujourd’hui, seules les communautés peuvent jouer un rôle pour éviter la saturation des hôpitaux et réduire le stress des agents de santé. Sous ce rapport, nous devons travailler pour arriver à une réelle mise à contribution des populations.

Comment remobiliser les communautés ?

La caractéristique actuelle de l’épidémie est l’augmentation des cas graves. Or, l’espace de prévention de ces cas graves, est au sein des communautés au sein desquelles le travail de sensiblisation doit être mené pour l’appropriation des mesures barrières. En plus, les structures sanitaires, les “Bajenu Gokh”, les relais, les médecins, doivent créer des espaces d’expression des préoccupations, des frustrations des communautés. Tout cela peut aider à reconstituer certains événements et aussi à les mobiliser. Mais cela exige un énorme effort de communication. On constate que les jeunes sont de plus en plus touchés. Mais on ne connait pas le nombre dans les hôpitaux. Il faut une lecture beaucoup plus fine des statistiques.

Une éducation par les pairs s’impose pour que les jeunes aident leurs camarades. La responsablisation de cette couche et sa prise de conscience sont des défis en termes de communication. La maladie se propage rapidement, il faut une stratégie de prise en charge par les familles.

Comment amener les familles et les communautés à poser les véritables questions sur la gestion de l’apparition des premiers symptoms?  

Il faut une communication ciblée avec l’usage de la spiritualité, de la culture pour construire des réponses culturellement et socialement pertinentes. On va assister à une augmentation des décès, ce qui veut dire que la société se trouve, de fait, au bout d’une chaîne car elle va participer aux funérailles. Il y a un travail à faire pour un enterrement qui limite la propagation du virus, y compris lors de la présentation de condoléances. Les leçons apprises du passé doivent être mises à contribution.  À ce stade, il est important de travailler à évacuer les rumeurs sur les effets secondaires de la vaccination en élaborant des messages pour convaincre les jeunes. Il est necessaire d’utiliser les réseaux sociaux qui véhiculent des préjugés et mettre l’accent sur la conscientisation d’une partie de la Diaspora qui ne facilite pas la tâche aux agents de santé. Les porteurs de voix doivent aussi jouer leur partition afin d’enclencher un changement collectif de comportements.

Propos recueillis par Djibril NDIAYE 



Source : http://lesoleil.sn/pr-cheikh-ibrahima-niang-socio-...