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Procès des attentats du 13-Novembre: les initiatives retenues par la justice antiterroriste

Rédigé par leral.net le Jeudi 13 Novembre 2025 à 11:28 | | 0 commentaire(s)|

En septembre 2021, six ans après les attentats terroristes de Paris et Saint-Denis, 20 accusés, dont Salah Abdeslam, seul survivant des commandos meurtriers, se retrouvent devant la justice et face aux très nombreuses victimes. Un procès historique aux dimensions exceptionnelles : près de 2 500 parties civiles, plus de 300 avocats, des centaines de témoins... Dix mois d'audience qui ont bouleversé le quotidien de l'ancien palais de Justice à Paris, mais qui ont aussi vu naitre des initiatives innovantes reprises dans d'autres procès.


Procès des attentats du 13-Novembre: les initiatives retenues par la justice antiterroriste
Le 8 septembre 2021, la toute nouvelle salle des grands procès accueille le premier jour d'un événement qui aura demandé plusieurs années de préparation. Julien Queré, aujourd'hui président de Cour d'appel, a été désigné comme régisseur de ce procès historique.

« C'était une sorte de gros cube avec beaucoup de contraintes architecturales, notamment parce qu'on était dans l'ancienne salle des Pas perdus, qui est un monument historique. Donc il ne fallait absolument pas toucher à cet environnement-là. C'était une salle de 550 places. On avait aussi ce qu'on appelle des geôles, c'est-à-dire des petites cellules d'attente gardées au-dessus de cette salle pour pouvoir y mettre les accusés détenus pendant les suspensions. Et on avait aussi mis en place tout un système de salles de retransmission, plein de salles d'habitude d'audience qu'on avait dû démobiliser à ce moment du procès, qui étaient ouvertes aux journalistes, d'autres parties civiles. Deux autres salles étaient dédiées au public. »

Dix mois d'audiences éprouvantes qu'il faut essayer d'envelopper d'un maximum de sérénité pour tous les acteurs qui vont se croiser chaque jour dans les couloirs du palais : rescapés des attaques, familles de victimes ou d'accusés, avocats, gendarmes, juges, journalistes et public.

« C’est un procédé qu'on retrouve sur de nombreux procès et même sur les attentats de Bruxelles. Ça a été repris et on en est assez fier parce que c'est une idée qui ne nous est pas sortie de la tête comme ça. L’idée était de fournir, aux parties civiles, des cordons de couleur verte pour les parties civiles qui souhaitaient répondre et qui souhaitaient être filmées par les journalistes qui étaient accrédités. Et cordon rouge pour celles qui voulaient se mettre à l'écart et qui ne souhaitaient pas être importunées par des demandes journalistiques, qui sont légitimes, mais qui peuvent parfois être un peu oppressantes pour des parties civiles ou des victimes. Ça a aussi été une des clés pour qu'une fois que le procès démarre, tout le monde ait conscience des contraintes des uns et des autres et d'essayer de faire en sorte que tout le monde puisse coexister pendant ces longs mois. »

Coexister, mais avant tout épargner le plus possible les victimes. C'est aussi comme ça qu'est née la webradio du procès : « On n'espérait qu'une seule chose, c'est que même six ans après les faits, ils aient commencé, pour la plupart, à reconstruire leur vie, à avoir une vie de famille, sociale, professionnelle. Et pour nous, il était compliqué de leur dire "si vous voulez suivre les débats, il faut que vous mettiez entre parenthèse cette vie qu'on espérait la meilleure possible", malgré les traumatismes. La webradio, c'était la possibilité, pour les parties civiles uniquement, de pouvoir se connecter à l'intégralité des débats de la cour d'assises. Ça a été une réussite technique et juridique parce qu'on a dû changer la loi quelques mois auparavant, etc. Mais mon regret, c'est que ça n'a pas été accessible pour ce procès-là depuis l'étranger ou depuis les DOM-TOM, ce qui est vraiment dommageable. Mais c'est pour ça aussi qu'on a travaillé dessus pendant le procès des attentats du 13-Novembre, pour permettre cela sur le procès de l'attentat de Nice qui se déroulait un an après. »

Des aménagements aussi pensés pour la défense. Un exemple pour éviter des fouilles corporelles quotidiennes pendant dix mois aux accusés détenus. Le magistrat fait commander un portique à ondes millimétriques qui permet de détecter les objets interdits, comme dans les aéroports.

Et un accompagnement psychologique

Julien Quéré a également fait la part belle à l'accompagnement psychologique grâce à l'association Paris Aide aux victimes. Une aide qui a été bénéfique pour tout le monde : « L'ensemble de la cour d'assises ou du parquet national antiterroriste vous diront qu’heureusement qu'il y avait des masques chirurgicaux, parce qu'on était à l'époque du Covid pour parfois dissimuler des larmes et des émotions qui étaient présentes. Il y a eu des moments, à chaque instant de ce procès qui ont pu émouvoir tout le monde. Et ça, il ne faut pas s'en cacher. Tous ces psychologues qui étaient aux abords de la salle, dans la salle, de ce que m'ont dit les parties civiles, c'est que c'était une présence qui était utile pour elles. Que des journalistes et des avocats le sollicitent parfois en sortant de la salle d'audience, je n'avais jamais vu ça. »

À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles, selon le ministre de la Justice de l'époque, Eric Dupond-Moretti, le procès aura coûté 64 millions d'euros : « Parfois, on peut critiquer justement et légitimement, l'institution judiciaire. Sur cette procédure et ce procès, l'institution judiciaire a souhaité vraiment être à la hauteur. C'est un défi qui était vraiment vertigineux. Je suis assez fier d'avoir été un des petits maillons de cette justice-là. »

rfi