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Projet de loi sur les lanceurs d’alerte : avancée démocratique ou aveu d’un système défaillant ?

Rédigé par leral.net le Dimanche 10 Août 2025 à 22:56 | | 0 commentaire(s)|

Le gouvernement sénégalais s’apprête à examiner le projet de loi n°13/2025 sur les lanceurs d’alerte, un texte présenté comme une étape majeure dans la lutte contre la corruption et la promotion de la transparence. L’innovation la plus marquante ? L’instauration d’une prime de 10 % sur les montants recouvrés grâce aux signalements. Si cette mesure […]

Le gouvernement sénégalais s’apprête à examiner le projet de loi n°13/2025 sur les lanceurs d’alerte, un texte présenté comme une étape majeure dans la lutte contre la corruption et la promotion de la transparence. L’innovation la plus marquante ? L’instauration d’une prime de 10 % sur les montants recouvrés grâce aux signalements.

Si cette mesure est saluée comme une première en Afrique francophone, elle suscite aussi de vives interrogations. Pour Modou Beye, Inspecteur du Trésor et Directeur des finances et de la comptabilité de la SAFRU SA, cette monétisation de l’acte civique peut être perçue comme « l’aveu d’une faillite institutionnelle », révélant l’incapacité des organes de contrôle existants à endiguer seuls les malversations.

Des avancées notables

Le texte consacre un statut légal au lanceur d’alerte, garantit son anonymat et interdit les représailles. Il prévoit également la création d’un Fonds spécial de recouvrement, destiné à financer des projets sociaux tout en récompensant les dénonciateurs. L’encadrement du champ d’alerte et l’exclusion des informations protégées par le secret d’État visent à équilibrer transparence et sécurité nationale.

Des limites préoccupantes

Toutefois, l’analyse souligne plusieurs failles :

  • Un champ d’application jugé trop restrictif, limité aux crimes et délits financiers, laissant de côté des enjeux cruciaux comme l’environnement ou la santé publique.
  • La condition de « bonne foi », trop subjective, qui pourrait fragiliser la protection des lanceurs d’alerte.
  • Une protection des facilitateurs (journalistes, ONG, avocats) jugée réactive plutôt que proactive.
  • Des canaux de signalement trop rigides, imposant des délais et une hiérarchie qui pourraient freiner la divulgation et favoriser la dissimulation de preuves.

Entre inspirations internationales et réalités locales

L’étude comparative montre que, si le Sénégal rejoint certaines pratiques internationales, son dispositif reste partiellement conforme aux standards de l’OCDE, notamment en matière de définition large de l’alerte et de protection effective contre les représailles.

Un pari à double tranchant

Pour Modou Beye, la réussite de ce projet passe par un élargissement du champ d’application, le remplacement du critère de « bonne foi » par celui des « motifs raisonnables de croire », un renforcement de la protection des facilitateurs et une réelle indépendance de l’autorité chargée de traiter les alertes.

En conclusion, si cette loi marque un pas important vers une meilleure gouvernance, elle ne saurait à elle seule garantir l’intégrité publique. Sans réforme structurelle des institutions de contrôle, la prime de 10 % risque de rester une incitation isolée dans un système qui peine encore à se réguler.



Source : https://xalimasn.com/2025/08/10/projet-de-loi-sur-...