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Sénégal et Afrique : L'urgence de redéfinir notre contrat social, à l'ère du Numérique

L'actualité sénégalaise récente, marquée par des déclarations d'un ministre appelant à l'insulte, en réponse à des critiques envers une personnalité politique, nous pousse à une réflexion plus profonde. Si ce type de propos constitue un dérapage grave pour tout représentant de l'État – en contradiction avec le devoir d'exemplarité, le respect des institutions et la cohésion sociale – il n'est que la partie émergée d'un iceberg bien plus grand, menaçant le tissu social de l'ensemble de l'Afrique.


Rédigé par leral.net le Mardi 22 Juillet 2025 à 00:22 | | 0 commentaire(s)|

Sénégal et Afrique : L'urgence de redéfinir notre contrat social, à l'ère du Numérique
"Cette situation, bien que ponctuelle, met en lumière un phénomène plus insidieux et global : le rôle ambigu et souvent destructeur des réseaux sociaux dans nos sociétés, en particulier en Afrique.

Du froid occidental à la chaleur africaine : Un contraste éclairant

Dans de nombreux pays occidentaux, où le climat rigoureux et une architecture cloisonnée (appartements, maisons isolées) favorisent un mode de vie plus individuel et parfois solitaire, les outils numériques comme l'Internet et les réseaux sociaux ont pu trouver une utilité sociale. Ils y sont parfois perçus comme des solutions pour briser l'isolement, permettant de maintenir des liens à distance et de créer des communautés virtuelles. Ironiquement, le digital y "réchauffe" des vies naturellement plus "froides", en termes d'interactions physiques.

L'Afrique, elle, a toujours été le continent de la communauté, du partage direct, de l'échange de vive voix, du voisinage omniprésent et de la solidarité familiale élargie. Nos places publiques, nos "bantu", nos tontines, nos cérémonies, sont les ciments d'un vivre-ensemble, où le lien social se tisse et se retisse chaque jour dans la proximité physique.

Pourtant, c'est précisément dans ce contexte de chaleur humaine innée, que l'avènement des réseaux sociaux semble paradoxalement semer la division et la séparation. Loin de renforcer nos liens traditionnels, ces plateformes deviennent trop souvent des caisses de résonance de la haine, du mensonge, de la manipulation identitaire – qu'elle soit ethnique, politique ou religieuse.

Les réseaux sociaux : Vecteurs de rupture en Afrique ?

Nous sommes confrontés à une menace qui, pour l'Afrique, est potentiellement plus dévastatrice que la tristement célèbre Radio Mille Collines de 1994. Car, aujourd'hui, la haine est diffusée instantanément, mondialement et souvent, sous couvert d'anonymat. Les "likes" et les "partages" remplacent les conversations constructives, les rumeurs supplantent l'information factuelle et l'individualisme virtuel érode la force de notre capital social collectif.

Le danger est réel : celui d'une désocialisation totale. Perdre la spontanéité des échanges, la force du consensus forgé dans la discussion directe, la richesse du partage physique, c'est perdre une part fondamentale de notre identité et de notre résilience. Les conséquences sont déjà visibles : tensions exacerbées, défiance croissante envers l'autre et érosion des valeurs de respect et de solidarité.

Un appel à l'action collective pour préserver notre essence

Face à ce constat, l'urgence est de redéfinir notre relation au numérique. Il ne s'agit pas de rejeter le progrès, mais de l'apprivoiser pour qu'il serve nos valeurs et non qu'il les détruise. J'en appelle à :
* La Vigilance et la Responsabilité Citoyenne : Chaque publication, chaque message, chaque partage doit être pesé. Ne soyons pas les amplificateurs inconscients de la haine ou de la désinformation. Développons un esprit critique aiguisé et une culture de la vérification.
* La Régulation Éthique et Responsable des Plateformes : Les géants du numérique doivent cesser d'être complices de notre aveuglement. Il est impératif que les États africains s'unissent pour exiger une modération plus efficace et une plus grande transparence de la part de ces plateformes, afin qu'elles ne soient plus des boulevards pour les discours toxiques.
* L'Engagement des Leaders d'Opinion : Intellectuels, artistes, chefs religieux, leaders communautaires et politiques, nous avons la responsabilité de reconstruire un imaginaire collectif autour de l'unité, de la mémoire partagée, du dialogue constructif et du respect de l'autre. La parole publique doit apaiser, rassembler, non diviser.
* Une Éducation numérique Adaptée : Introduire dès le plus jeune âge, une éducation aux médias et à l'information qui tienne compte de nos réalités culturelles, afin de former des citoyens numériques conscients et responsables.

Le Rwanda nous a tragiquement rappelé que le chaos peut naître des mots, des rumeurs, des divisions alimentées en silence. Aujourd'hui, les outils sont différents, mais le risque d'oubli de notre histoire et de nos fondamentaux sociaux est le même.

Plus jamais ça, ni par la radio de la haine d'hier, ni par les réseaux sociaux de la discorde d'aujourd'hui. L'Afrique doit trouver sa propre voie pour que le numérique serve à renforcer la Communauté et non à la défaire. C'est l'essence même de notre survie sociale et de notre prospérité future."







Talla Sylla

Ousseynou Wade