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Souleymane Teliko appelle les magistrats à une introspection

En Assemblée générale annuelle, samedi et dimanche, les magistrats ont fait le diagnostic de la justice qui a perdu la confiance du peuple pour qui elle rend justice, du fait du comportement suspect de certains magistrats et de l’interférence de l’exécutif. Pour regagner cette confiance perdue, Souleymane Teliko a appelé ses collègues à une introspection. Selon le président de l’Union des magistrats sénégalais qui n’a pas mâché ses mots, il n’y a pas d’autre solution, sinon «se soumettre à la loi». Le juge Teliko a, par ailleurs, condamné les attaques personnelles faites par des «concitoyens» contre certains magistrats, faisant ainsi allusion, entre autres, à la dernière sortie de Cheikh Bamba Dièye.


Rédigé par leral.net le Lundi 6 Août 2018 à 13:20 | | 0 commentaire(s)|

 Souleymane Teliko appelle les magistrats à une introspection
Les critiques et autres attaques à l’endroit de la justice, des magistrats en particulier, ne sont pas tombées dans l’oreille d’un sourd. L’Union des magistrats sénégalais (Ums), à travers son président, ne veut pas rester indifférente à cela.

Lors de son discours d’ouverture, à l’occasion de l’assemblée générale annuelle des magistrats, Souleymane Teliko en a fait largement état, invitant même ses collègues à une séance de purgatoire et à une introspection.

«Nous ne pouvons parler de la justice sans évoquer la situation que nous vivons depuis quelques semaines. Les scènes de violence auxquelles nous assistons dans nos salles d’audience sont tout simplement injustifiables. Les attaques verbales et personnelles, venant parfois de ceux qui sont censés contribuer à la bonne administration de la justice, doivent être condamnées sans réserve et donner lieu à des sanctions appropriées, à la mesure de leur gravité», a souligné le président de l’Ums.

Cependant, Souleymane Teliko reconnait que ces attaques sont parfois justifiées. «Mais, l’honnêteté intellectuelle nous impose aussi de reconnaître qu’au-delà des dérapages que l’on peut mettre sur le compte d’une passion mal maîtrisée ou d’une citoyenneté de mauvais aloi, «ces attaques traduisent aussi une inquiétante et progressive rupture de confiance entre nos concitoyens et notre justice», martèle-t-il.


«le peuple souhaite des magistrats indépendants de tout pouvoir»


Il invite ainsi ses collègues à une sorte de «ndëp» collectif. «Un devoir d’introspection nous incombe tous ; non point pour nous auto-flageller, mais pour rétablir la nécessaire confiance entre la justice et les citoyens au nom de qui elle est rendue. Et à cet égard, ce serait pour nous une fuite en avant que d’éluder cette question difficile, mais incontournable : quelle part de responsabilité avons-nous dans ce discrédit croissant de notre institution ? (…) Ne nous faisons pas d’illusions, l’indépendance est la vertu à laquelle le public est le plus sensible. Certes, il souhaite des magistrats savants et travailleurs. Mais, pour garantir son honneur, sa liberté et ses biens, il souhaite aussi et surtout des magistrats indépendants de tout pouvoir», avertit le président de l’Ums.


«la sélectivité dans le traitement des dossiers, le rythme particulier auquel sont soumises certaines affaires… contribuent à conforter le sentiment d’une justice à deux vitesses et aux ordres»

Très prolixe à ce sujet, Souleymane Teliko poursuit : «la considération et le respect auxquels nous avons naturellement droit ne nous sont accordés que sous réserve de l’application scrupuleuse des principes qui garantissent la tenue d’un procès juste et équitable. C’est le droit de chaque magistrat de traiter le dossier qui lui est soumis conformément à la loi et à sa conscience. Mais, c’est notre devoir à nous tous de veiller à ce que rien, dans nos postures, ne soit de nature à susciter suspicion et rupture de confiance. Or, il nous faut reconnaître que les activités et déclarations politiques que font certains de nos collègues, en violation flagrante de nos statuts, la sélectivité dans le traitement des dossiers, le rythme particulier auquel sont soumises certaines affaires, les postures et positions de certains d’entre nous, contribuent à conforter dans l’esprit de nos concitoyens le sentiment d’une justice à deux vitesses et aux ordres».

«Notre serment nous fait obligation de ne nous soumettre qu’à la loi»

Cela dit, le président de l’Ums invite ses collègues à redorer le blason de la justice sénégalaise, dont le respect a été imposé par de grands magistrats, notamment les juges Kéba Mbaye, Leyti Kama, Seydou Bâ, Assane Bassirou Diouf etc.

«Pour mettre fin à toutes ces dérives, il nous faut donc, parallèlement aux condamnations et poursuites judiciaires, apprendre à nous conformer davantage à notre serment qui nous fait obligation de ne nous soumettre qu’à la loi», rappelle le juge à ses camarades.
Alassane DRAME


ASSEMBLEE GENERALE DES MAGISTRATS
Le juge Souleymane Teliko tance l’exécutif

Souleymane Teliko a aussi déploré l’attitude de l’exécutif «trop souvent habitué à être obéi sans réserve» et «peu disposé à être contrarié». Selon lui, la solution est d’appliquer au plus vite les réformes proposées par le comité qui a été mis en place. Le juge Teliko déplore en ce sens le comportement de l’exécutif qui traine les pieds. «Au regard de ce qui s’est passé durant ces derniers mois, on est fondé à s’interroger sur la volonté du gouvernement de nouer le fil du dialogue constructif avec les acteurs de la justice», fustige-t-il. «Autrement, comment comprendre l’absence de réaction à la transmission, par l’Ums, des actes du colloque sur l’indépendance de la justice dans lesquels sont consignées les propositions de réforme formulées par l’écrasante majorité des magistrats ? Comment comprendre que la demande d’audience adressée par l’Ums au chef de l’Etat, le 2 février 2018, soit depuis plus de 6 mois, n’ait pas encore connu de suite ? Comment comprendre l’immobilisme observé par le pouvoir depuis la fin des travaux du comité de concertation, alors que le ministre de la Justice nous avait annoncé la remise imminente du rapport au chef de l’Etat ? De toute évidence, le gouvernement cherche à gagner du temps», martèle Souleymane Teliko.


«On veut dialoguer, pas quémander ou supplier»


Le président de l’Ums a fait savoir au ministre qu’ils veulent bien «dialoguer», mais pas «quémander» ni «supplier» et qu’on ne les accuse pas d’être top pressés. Il a fait ensuite étalage des nombreuses revendications, notamment celle portant sur la «discrimination sur l’âge de la retraite» et celle relative au plan de carrière.


Les Echos