Leral.net - S'informer en temps réel

Toujours dans le coma : l’activiste anti-Poutine Alexeï Navalny exfiltré mais pas encore sauvé

Rédigé par leral.net le Dimanche 23 Août 2020 à 11:59 | | 0 commentaire(s)|

En Allemagne, l'Affaire Alexeï Navalny va-t-elle enfin livrer ses secrets? Le plus célèbre activiste russe, victime jeudi d'un violent malaise dans l'avion qui le ramenait de Tomsk (Sibérie) à Moscou, est arrivé hier matin à l'aéroport Tegel de Berlin. Toujours dans le coma mais soigné par une équipe allemande, l'opposant de Vladimir Poutine avait beaucoup d'ennemis.


Toujours dans le coma : l’activiste anti-Poutine Alexeï Navalny exfiltré mais pas encore sauvé
Après une heure passée sur le tarmac, il a été emmené en ambulance et sous escorte policière à l'hôpital de la Charité, l'un des plus réputés d'Europe. "Son état de santé est stable", a assuré Jaka Bizilj, le dirigeant de l'ONG allemande Cinema for peace qui a affrété l'avion-ambulance dans lequel l'opposant de 44 ans, accompagné par son épouse, a été transporté. De fait, il était hier soir toujours dans le coma. Dans la matinée, la direction de l'hôpital a fait savoir que les médecins procédaient "à un diagnostic médical global" mais ont prévenu que "les examens prendront du temps".

Contradictions sur la présence ou non de poison
Les résultats confirmeront-ils les soupçons des proches de l'opposant? Ils assurent qu'il a été empoisonné en buvant un thé noir à l'aéroport de Tomsk. Ivan Zhdanov, directeur de la fondation de lutte contre la corruption créée par Navalny, a notamment déclaré que les médecins avaient détecté dans le corps de l'avocat une substance qui pouvait s'avérer "dangereuse pour ceux qui l'approchaient".

Officiellement, pourtant, les médecins de l'hôpital d'Omsk, cette ville de Sibérie où Navalny était soigné jusqu'à son transfert, ont exclu tout empoisonnement. Vendredi était évoquée la piste d'un "déséquilibre glucidique", provoqué par une baisse du taux de sucre dans le sang. Le même jour, le ministère de l'Intérieur d'Omsk affirmait que du phosphate de 2-éthylhexyle et de diphényle, une substance fréquemment utilisée pour la fabrication de gobelets en plastique, avait été retrouvé sur les cheveux, les ongles et les vêtements de l'opposant.

Hier, c'est le ministère de la Santé de la région d'Omsk qui affirmait que "de la caféine et de l'alcool" avaient été découverts dans son urine. De quoi accréditer la thèse avancée par des médias proches du Kremlin : l'opposant avait bu plus que de raison la veille de son voyage. "Faux", a rétorqué la médecin personnelle de l'activiste, Anastasiya Vasilyeva, qui jure qu'il ne consomme pas d'alcool.

Le mystère du commanditaire
Ces multiples versions posent la question de la crédibilité des autorités médicales, notamment du médecin-chef de l'hôpital d'Omsk, Aleksandr Murakhovsky. Alors que les praticiens allemands venus au chevet de Navalny estimaient qu'il était possible de le transférer vers Berlin, leur collègue russe, membre de Russie unie, le parti de Vladimir Poutine, s'y est opposé pendant de longues heures, prétextant un état trop instable. Selon Anastasiya Vasilyeva, il cherchait simplement à gagner du temps, pour que les traces de poison deviennent indétectables.

"Au vu des symptomes et des expériences passées en Russie, il fait peu de doutes que Navalny ait été empoisonné", estime la chercheuse Tatiana Stanovaya, du Carnegie Moscow Center. Ces vingt dernières années, plus d'une dizaine de responsables politiques, journalistes ou opposants russes ont effectivement été victimes d'empoisonnement. L'année dernière, Navalny lui-même avait souffert, selon les autorités, d'une réaction allergique aiguë alors qu'il purgeait une peine de trente jours de prison. Un médecin avait conclu à un empoisonnement.

Avant même que cette hypothèse soit confirmée se pose déjà LA question. Vladimir Poutine, l'une des principales cibles de l'avocat, pourrait-il être le commanditaire? Si la culpabilité du Kremlin n'a jamais été prouvée dans les affaires précédentes, il fait peu de doutes qu'il est capable d'éliminer des opposants gênants. Pourtant, Tatiana Stanovaya n'y croit pas. "Poutine n'accorde pas une telle importance à Navalny et ne le considère pas comme une force politique légitime", affirme la chercheuse.

Il semblerait pourtant peu plausible que la décision de tuer Navalny ait été prise sans l'accord du président russe. "C'est possible, ça a été notamment le cas lors de l'assassinat de Boris Nemtsov en 2015, reprend la politologue. Il se peut, cette fois encore, que des gens proches du Kremlin qui considèrent Navalny comme une menace pour le régime aient décidé de l'éliminer."

L'avocat, qui mène des enquêtes au vitriol sur la corruption, s'est aussi constitué nombre d'ennemis dans tout le pays : hauts fonctionnaires, gouverneurs, oligarques. A Tomsk, où il venait soutenir des candidats aux élections législatives, il aurait réuni des informations compromettantes sur des cadres locaux de Russie unie.
Le JDD.fr