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Un potentiel faiblement exploité : La mangue sénégalaise en quête de compétitivité

Rédigé par leral.net le Mardi 20 Juillet 2021 à 21:08 | | 0 commentaire(s)|

Malgré des avantages concurrentiels (notamment la proximité avec l’Europe, son principal marché), la mangue sénégalaise peine à tirer profit de son énorme potentiel. L’État, à travers la Direction de la protection des végétaux (Dpv), accompagne les acteurs de la filière pour surmonter les barrières à l’exportation. Nous sommes allés à la rencontre des producteurs dans […]

Malgré des avantages concurrentiels (notamment la proximité avec l’Europe, son principal marché), la mangue sénégalaise peine à tirer profit de son énorme potentiel. L’État, à travers la Direction de la protection des végétaux (Dpv), accompagne les acteurs de la filière pour surmonter les barrières à l’exportation. Nous sommes allés à la rencontre des producteurs dans les Niayes lors d’une tournée organisée par la Dpv, le 13 juillet.

Par Daouda GUEYE (Correspondant)

RUFISQUE – Avec une production annuelle estimée à 150.000 tonnes pour un revenu annuel de 16 milliards de FCfa et 12.000 emplois permanents et saisonniers, la filière mangue constitue une filière a priori juteuse pour l’économie sénégalaise, notamment en termes de recettes d’exportation. Mais ce potentiel reste encore timidement exploité à cause de la faiblesse de moyens mais aussi des difficultés liées à l’exportation. Malgré des volumes d’exportations en constante hausse, le tiers de la production n’est pas exporté, ce qui constitue un véritable manque à gagner pour les producteurs et les acteurs de la filière. En effet, depuis trois ans, des records d’exportation sont enregistrés : 17 000 tonnes en 2017, 21 000 tonnes en 2018, 19 500 tonnes en 2019 et près de 15 000 tonnes en 2020, malgré le contexte de la Covid-19. Et, selon les responsables de la Direction de la protection des végétaux (Dpv), des perspectives heureuses se dessinent pour 2021 avec «une bonne tendance du volume d’exportations à mi-parcours (au 11 juillet 2021 estimé 12 915 tonnes) si l’on compare avec la moyenne des cinq dernières années et la quantité exportée la campagne précédente, à la même période qui tourne autour de 10 500 tonnes».

Quitus de l’Ue

Cette faiblesse des exportations qui relevait surtout des difficultés à satisfaire les exigences du marché européen commence à connaître un début de solution avec la nouvelle stratégie mise en place par la Fondation origines Sénégal/Fruits et Légumes (Fos) et la Dpv, en collaboration avec la Direction générale de la santé et la sécurité alimentaire de la Commission européenne. En effet, le Sénégal avait reçu un avertissement fin 2017. Cela, suite à des notifications d’interceptions croissantes sur le marché européen de produits contenant la mouche des fruits. Les autorités sénégalaises, par le biais de la Dpv, avaient décidé, de concert avec les autres acteurs, de soumettre un plan d’actions décliné en feuille de route. Ainsi, avec l’appui des partenaires comme la Société financière internationale (Sfi, filiale de la Banque mondiale dédiée au secteur privé), de l’Usaid et du Comité de liaison Europe-Afrique-Caraïbes-Pacifique (Coleacp), la Dpv a mobilisé les différentes parties prenantes pour définir les modalités de mise en œuvre à court et moyen termes de cette feuille de route. Ainsi, le Sénégal est parvenu à garder la confiance de l’Union européenne, en obtenant le quitus de la Direction générale de la santé et sécurité alimentaire de la Commission européenne (Ce) pour se mettre en conformité avec la nouvelle réglementation phytosanitaire de l’Ue concernant les exportations de mangue, en vigueur depuis septembre 2019).

Avec ce plan d’actions, c’est un dispositif de surveillance et de police phytosanitaire rigoureux qui est mis en place en association avec l’accompagnement du Fos/Fruits et légumes pour les petits exportateurs.

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LUTTE CONTRE LA MOUCHE DES MANGUES

L’apport de la Dpv

Depuis 2004, la mouche des mangues, dont les œufs se transforment en vers dans les mangues, sévit à travers beaucoup de pays de la Cedeao. Il s’agit d’une mouche qu’on appelle espèce de quarantaine parce qu’à ce jour, il n’y a pas de moyen pour la combattre. Cette mouche des fruits attaque particulièrement les mangues et ses œufs donnent des vers qui infestent les fruits. Les marchés extérieurs sont très stricts sur la conformité aux normes phytosanitaires. D’où l’importance des précautions du contrôle en amont. Car, en cas de présence d’un vers dans une seule mangue, c’est tout un conteneur qui est brûlé et l’exportateur est obligé de prendre en charge les frais d’incinération. Également, à l’observation, si la mangue présente des trous, le conteneur est retourné. C’est dans ce cadre que s’inscrit l’intervention, en amont, de la Dpv qui joue un rôle de police phytosanitaire, se traduisant par l’accompagnement, l’assistance mais aussi l’inspection rigoureuse avec des équipes placées dans les différents champs de producteurs et au niveau des unités de conditionnement afin de pouvoir donner un visa pour l’exportation. Pour une exportation sans risque. De l’exploitation au conditionnement, le processus est rigoureusement suivi par des inspecteurs présents à toutes les étapes. D’abord, dans les vergers où les équipes composées d’une cinquantaine de personnes sont sous la supervision de trois surveillants qui veillent au respect des normes de coupe et d’égouttage du fruit afin d’éviter que la sève ne le touche et créer des brûlures. Ensuite, les fruits acheminés au conditionnement sont trempés dans une machine-injecteur automatique qui permet de déceler et de détruire, le cas échéant, l’anthracnose. Après cette étape, les fruits sont passés au crible d’une machine qui permet de déterminer la destination, en fonction des couleurs. Mais aussi la traçabilité afin de pouvoir identifier la parcelle d’origine du fruit en cas de problème.

Des critères stricts pour l’export

Au niveau du conditionnement, les cartons font l’objet d’une inspection minutieuse de la part des agents de la Dpv qui guettent la moindre trace de présence de vers ou même de piqûre sur les fruits et, le cas échéant, le lot est retiré et l’alerte lancée. «La Dpv fait le maximum pour éviter d’avoir des cas d’interception concernant les mouches des fruits qui se trouvent être un ravageur de quarantaine. Et puisqu’il s’agit d’une compétition commerciale, il faut vendre ce qu’on a de meilleur. Dès qu’on constate une piqûre sur la mangue, quelle qu’en soit l’origine, on ne prend pas le risque», explique Assa Balayara, inspectrice de la Dpv au niveau de Safina.

En phase de maturité avancée, les mangues sont également retirées de l’exportation afin d’éviter qu’elles murissent en station. Il faut allier la rapidité et la vigilance dans le processus pour satisfaire aux exigences des clients à l’exportation.

En amont de la phase de conditionnement, des systèmes de surveillance sont installés au niveau des vergers. Des pièges sont mis en place sur les manguiers pour attirer les mouches et les détruire. Un comptage hebdomadaire permet d’évaluer la présence de la mouche dans la zone pour opérer des ajustements ou, en cas de nécessité, sonner l’alerte sur le risque. Ce système de surveillance est installé dans chacune des trois zones de production (Niayes, Centre et Sud).

Au-delà de la police sanitaire pour la conformité, c’est la crédibilisation du label Sénégal qui est en jeu. Derrière la mangue, qui est l’une des premières filières horticoles d’exportation du Sénégal, l’enjeu concerne un marché de 85 milliards de FCfa représentant toute la filière horticole à l’export. Et sa préservation dépend, pour beaucoup, des moyens humains, techniques et financiers qui seront mis à la disposition de la Dpv, en plus de l’engagement de toutes les parties prenantes.

Saliou Ngom, le Directeur général de la Dpv, qui a visité, le 13 juillet dernier, les fermes de Safina à Sébikhotane, de Quality Fruits à Mont Rolland et du Consortium africain pour le développement de l’agriculture (Cada), a plaidé pour plus de moyens afin de sécuriser une filière «porteuse et rentable».

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Le conditionnement, l’autre bataille

Dans le développement de la filière mangue, la Fos constitue une autre cheville ouvrière à côté de la Dpv. Elle est spécialisée dans la mise à disposition d’unité de conditionnement comme le centre Feltiplex. Il s’agit d’un complexe de conditionnement, mis sur pied par l’État et dédié aux exportateurs qui n’ont pas assez de moyens afin de leur faciliter le travail. Situé dans la commune de Sangalkam, au cœur de la zone de production des Niayes, le complexe traite de tous les fruits et légumes destinés à l’exportation. «La Fos s’occupe du développement et de la mise à disposition d’unités de conditionnement qui puissent mettre les produits aux normes exigées pour l’exportation, en conformité avec le cahier des charges des clients», a expliqué Pape Amadou Sidibé, Administrateur général de la Fos. Le complexe Feltiplex est composé de quatre unités de conditionnement qui emploient chacune 150 travailleurs journaliers qui sont payés en fonction de leurs responsabilités entre 3.000 et 5.500 FCfa. Le centre accompagne également les petites et moyennes entreprises dans la formation, la certification et l’emballage. La Fos intervient enfin dans la mise en relation avec les partenaires commerciaux, mais aussi dans la gestion des différends commerciaux.

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Un potentiel et des avantages concurrentiels peu exploités

Lors de la visite organisée par la Dpv, les acteurs de la filière mangue ont exprimé leur satisfaction, mais n’ont pas manqué de souligner que le potentiel est sous-exploité. Présente dans la filière horticole depuis 1957, la Société Safina des Filfili de Sébikhotane est un des majors du secteur spécialisé dans le haricot et la mangue. «On a deux campagnes, une pour le haricot, avec 2.000 emplois ; et une autre pour la mangue qui fait travailler entre 600 et 700 personnes en fonction de la production», explique son Directeur général, Mounir Filfili. D’après lui, le Sénégal peut produire «dix fois plus». Pour cela, il plaide pour plus d’accompagnement des investisseurs par l’État, notamment en termes de facilitation de l’accès au foncier et d’encadrement à l’export.

Le responsable de Safina regrette que, malgré le potentiel que représente la filière, la production reste artisanale chez beaucoup de producteurs. Une méthode qui n’est pas viable, dit-il, même si, depuis quelques années, de plus en plus d’acteurs investissent dans la filière.

  1. Filfili salue le travail effectué par la Dpv pour réduire les pertes de produits et faciliter l’exportation d’un produit déjà reconnu sur le marché international. «Entre ce que vous avez vu au champ et ce qui est traité, il y a quand même 30% à 40% de mangues qui ne peuvent pas être exportés, malgré tout le soin apporté aux champs et au niveau de l’unité de conditionnement», précise-t-il. En effet, les critères d’exportation sont «très élevés» et «durs à respecter» par les producteurs.

Ces contraintes auxquelles sont confrontés les producteurs

La Safina dispose d’une capacité de conditionnement estimée à 20 tonnes par heures, soit un volume horaire de 10 heures par jour. «Il s’agit presque d’une course contre la montre, car les mangues qui sortent des champs doivent être traitées immédiatement, sinon au bout de 24 heures ou 48 heures, il se pose un problème de maturité et le contrôle phytosanitaire est strict à ce niveau», explique M. Filfili.

À Noto Gouye Diama est établi un autre grand exportateur, l’ancien Directeur des eaux et forêts, Baba Dioum, propriétaire du Consortium africain pour le développement agricole (Cada). Il confirme que le créneau est porteur et que le Sénégal a un avantage par rapport à ses concurrents d’Amérique du Sud comme le Chili. Cet avantage concurrentiel tient au climat, mais aussi à la position géographique du Sénégal par rapport au continent européen. Des avantages qui, dit-il, doivent être combinés à une bonne formation et une bonne politique. «C’est un marché porteur. Le Sénégal, de par son climat et sa proximité avec l’Europe, a une compétitivité sur le marché international», analyse M. Dioum. Mais pour cela, il faut produire la mangue qui répond aux normes du marché et aux qualités exigées par le consommateur européen. De l’avis de M. Dioum, cela nécessite d’abord du personnel qualifié et que l’État comprenne les contraintes des producteurs (techniques, réglementaires et juridiques). Le principal problème auquel sont confrontés les producteurs de mangue à l’export, c’est l’homologation des pesticides. «Aujourd’hui, on n’a pas un produit conséquent pour lutter contre la mouche des pluies qui est une contrainte majeure de la mangue», souligne M. Dioum.



Source : http://lesoleil.sn/un-potentiel-faiblement-exploit...