1. Les cauchemars sont un mélange de souvenirs et d’autres informations aléatoires mis en scène d’une façon super perturbante.
Ça vous est déjà arrivé de faire un cauchemar terrifiant, dans lequel des collègues vous kidnappaient? Ou dans lequel vous vous retrouviez coincé au sommet de la Tour de Pise? Assez crédible finalement. Les images qu’on voit en cauchemar sont un mélange de souvenirs, d’informations récemment reçues et de représentations visuelles de nos émotions, d’après le docteur Michael Breus, psychologue clinicien et membre de l’Académie Américaine de la Médecine du Sommeil, interrogé par BuzzFeed Life. Et le scénario dans les cauchemars est souvent influencé par ce qui nous fait peur ou nous stresse, comme le fait d’être pris en chasse ou tourmenté. Les cauchemars ont tendance à durer plus longtemps que les rêves, avec des détails effrayants, réalistes et mémorables.
2. Ils n’ont pas besoin d’être «effrayants», ils doivent juste nous effrayer.
Ce qui représente un cauchemar pour vous ne peut être qu’un rêve normal pour quelqu’un d’autre. Dès l’instant où il crée une forte réaction émotionnelle négative (habituellement la peur ou la panique), c’est un cauchemar, affirme Michael Breus. Par exemple, le simple fait de rêver de votre horrible ex, tranquillement assis sur votre canapé, pourrait constituer un cauchemar pour vous, si cela engendre du chagrin et de la colère.
De la même façon, rêver d’être pris en chasse ou de tomber n’est pas nécessairement synonyme de cauchemar si cela ne vous dérange pas, a expliqué à BuzzFeed Life le docteur Barry Krakow, spécialiste du sommeil reconnu du Centre de traitement international du cauchemar de Maimonides à Albuquerque. «Vous pouvez rêver qu’un agresseur vous poursuive, tout en trouvant ça amusant ou excitant, comme si vous étiez dans un film d’action.»
3. Nous ne pouvons que rêver de personnes que nous avons déjà rencontrées ou vues… enfin en quelque sorte.
Lorsque nous dormons, nos souvenirs sont traités depuis le court terme vers le long terme, explique Michael Breus, et c’est de là que proviennent la plupart des images que l’on voit en cauchemar. On peut aussi rêver de choses qu’on a vues dans un film ou dans un livre (comme de Chris Hemsworth, mais en train d’essayer de nous tuer). Techniquement, de nouveaux «personnages» peuvent apparaître dans un cauchemar, mais ils ne consistent qu’en un mélange de différents visages que nous avons déjà vus, affirme Michael Breus.
4. La réaction émotionnelle face à un cauchemar peut nous réveiller.
Ça nous est arrivé à tous de nous réveiller subitement à 4 heures du matin et de réaliser soudainement qu’il n’y a pas d’apocalypse zombie. Voilà l’explication: d’après Michael Breus, les recherches ont montré que beaucoup de rêves se formaient dans le cortex visuel, lequel est relié à l’amygdale, siège de nos réactions émotionnelles. Pendant un cauchemar, ces deux parties du cerveau sont sollicitées et déclenchent une excitation autonome du corps. «Lors d’un cauchemar, le cœur se met à battre plus vite, la respiration devient laborieuse et on commence à transpirer abondamment», continue-t-il. D’où le réveil en panique.
5. La plupart des cauchemars ont lieu durant le sommeil paradoxal, lorsque le cerveau est le plus actif.
La nuit, nous pouvons rêver à tous moments, mais les cauchemars ont tendance à se manifester durant la deuxième partie du sommeil paradoxal, a expliqué à BuzzFeed Life le docteur Jim Pagel, professeur agrégé clinique à l’université du Colorado. C’est durant ce stade du sommeil paradoxal que nous sommes le plus proche de la conscience éveillée: nos neurones fonctionnent à plein régime, nos ondes cérébrales atteignent leur fréquence la plus haute et c’est donc à ce moment-là que notre esprit est le plus actif. Voilà pourquoi les cauchemars semblent durer plus longtemps que les rêves et être beaucoup plus précis, ajoute le docteur Pagel.
6. Et nous avons tendance à ressasser les cauchemars pendant un certain temps après le réveil.
L’explication est que nous cauchemardons juste avant de nous réveiller, et les images qui engendrent des émotions négatives sont beaucoup plus difficiles à oublier que celles qui engendrent des émotions positives, continue Michael Breus. «Les gens se souviennent de leurs pires cauchemars pendant des années, voire des dizaines d’années», explique-t-il. Et si le jour suivant, vous n’êtes toujours pas remis de votre cauchemar, il pourrait y avoir des conséquences sur votre sommeil à venir. «On a envie de rayer ces détails dérangeants de nos souvenirs, mais plus on se dit qu’on ne veut plus rêver d’eux, plus ils nous affectent», précise le docteur Krakow.
7. Le cauchemar est un processus naturel du sommeil et aide au traitement de nos émotions.
D’après le docteur Pagel, des études ont montré que plus de 70% des adultes faisaient des cauchemars au moins une fois par mois. «En toute logique, les cauchemars et les rêves s’inscrivent dans le système de traitement des émotions dues aux événements négatifs de la vie», affirme-t-il. Ce qui nous dérange la journée a tendance à continuer à nous déranger la nuit, et les cauchemars peuvent parfois nous aider à surmonter ça.
8. Mais les cauchemars peuvent empirer sous l’effet du stress intense.
Les rêves de stress, comme le dit le docteur Breus, sont un type de cauchemars récurrents qui peuvent causer une crise de panique, mais manquent d’images perturbantes; comme rêver d’être en retard ou d’oublier quelque chose. «Je peux être stressé par la visite de mon frère, mais rêver que je suis en retard à un examen», explique le docteur Breus. Ces cauchemars résultent souvent d’un stress dû à des changements dans la vie: un décès, une rupture, un nouveau travail, un déménagement, etc.
9. Même les cauchemars qui ont l’air très réalistes ne peuvent pas prédire l’avenir.
S’il vous est arrivé de faire un cauchemar extrêmement traumatisant et réaliste dans lequel un ami vous blessait physiquement, ou que vous viviez une attaque terroriste ou découvriez que votre mari ou femme vous trompait, vous avez pu avoir l’impression d’avoir fait un rêve prémonitoire. Cependant, ces cauchemars sont souvent causés par une peur extrême ou la menace d’un traumatisme possible, nous explique le docteur Breus. Être paranoïaque et imaginer se faire attaquer ou violer (dans la vraie vie ou à cause d’un film ou livre terrifiant) peut se manifester sous forme d’agression physique dans un cauchemar.
«Rien ne prouve qu’un cauchemar peut nous avertir d’un événement futur ni le prédire», continue le docteur Breus. Et vous n’avez pas non plus besoin d’avoir subi un traumatisme dans le passé pour en rêver. Dans tous les cas, les cauchemars traumatiques qui sèment le désordre dans vos émotions ne sont pas normaux. Si vous en souffrez régulièrement, il vaudrait mieux consulter un médecin ou un psychologue.
10. Et on ne peut pas mourir à cause d’un cauchemar.
«Rien ne prouve qu’un cauchemar puisse nous blesser physiquement ou nous tuer», affirme le docteur Breus. Cependant, des données montrent que chez les personnes au cœur fragile ou souffrant de problèmes cardiaques, l’augmentation du pouls durant le sommeil pourrait causer une angine de poitrine (douleur dans la poitrine due à une circulation sanguine restreinte dans le cœur), voire une attaque cardiaque. Comme nous l’avons dit, il est possible que les cauchemars puissent accélérer la fréquence cardiaque, mais c’est le cas de beaucoup de choses, reprend le docteur Breus. Un cauchemar fait bien moins de dégâts qu’un problème cardiaque sous-jacent.
11. Les cauchemars peuvent parfois être agréables.
«Certains de mes patients seraient très chagrinés si leurs cauchemars s’arrêtaient», confie le docteur Pagel. S’ils ne sont pas sources de détresse significative, les cauchemars peuvent être excitants, voire une profonde source d’inspiration. «Les personnes qui font fréquemment des cauchemars précis ont tendance à être plus créatives que les personnes qui font des cauchemars plus “flous”, car ça signifie qu’elles ont plus d’imagination», nous apprend le docteur Pagel. En plus d’aider au traitement des émotions, les cauchemars peuvent aussi fournir de précieuses perspectives alternatives pour aider à résoudre certains problèmes.
12. Et certaines personnes trouvent même de l’inspiration dans ces rêves carrément flippants.
Des artistes et des écrivains ont utilisé leurs cauchemars comme source inépuisable d’inspiration. L’auteur Stephen King est connu pour utiliser ses cauchemars afin de créer les intrigues passionnantes et complexes de ses romans. Idem pour Salvador Dalí. On disait que le célèbre artiste qui a peint l’«Enfant géopolitique observant la naissance de l’homme nouveau » ci-dessus, se mettait à peindre tout de suite après s’être réveillé, afin de pouvoir transférer les détails précis de ses rêves dans un véritable «cauchemar sur toile.» «Les perspectives alternatives du monde que nous voyons dans nos cauchemars peuvent s’avérer très utiles pour une carrière de création à succès», affirme le docteur Pagel.
13. Certains sont plus enclins à faire des cauchemars que d’autres.
Selon le docteur Breus, la dépression, l’anxiété et les autres troubles psychiatriques sont d’importants facteurs de risque de faire des cauchemars. Les troubles du sommeil comme l’insomnie ou l’apnée du sommeil sont aussi associés aux cauchemars fréquents. Et comme de nombreux troubles du sommeil sont génétiques, il est possible que les personnes en souffrant aient des antécédents familiaux graves de cauchemars chroniques.
Le sexe peut aussi être un facteur, les jeunes femmes faisant plus de cauchemars que les hommes. Les enfants font aussi des cauchemars plus fréquemment, mais le docteur Pagel pense que cela peut s’expliquer par le fait que les cauchemars sont plus terrifiants pour les enfants, et que la réaction émotionnelle diminue au fil du temps.
La prise de médicaments peut aussi déclencher les cauchemars ou les aggraver, comme les antihistaminiques, la mélatonine, les antipsychotiques, les antidépresseurs, les bêtabloquants, ainsi que les médicaments pour arrêter de fumer, précise le docteur Pagel.
14. Les cauchemars ne doivent pas être confondus avec les terreurs nocturnes et les troubles du sommeil associés aux troubles de stress post-traumatiques (TSPT).
Nos trois experts sont unanimes: il est important de distinguer les cauchemars de forme habituelle, sans cause spécifique, des épisodes cauchemardesques. Les terreurs nocturnes sont une chose totalement différente car elles se produisent en dehors du sommeil paradoxal, durant le sommeil profond, quand le cerveau est le moins actif, comme nous l’explique le docteur Pagel. «Après une terreur nocturne, les gens se réveillent en hurlant ou en pleurant, mais ils ne sont qu’à moitié conscients et se rendorment, avec peu ou pas de souvenirs de l’incident», poursuit-il. De plus, les parasomnies du sommeil paradoxal, qui peuvent nous rendre somnambules ou nous faire «jouer» un rêve par des mouvements violents, sont dues à une déficience de la paralysie musculaire normale durant le sommeil.
Les cauchemars associés à un TSPT (trouble de stress post-traumatique) forcent la personne qui en souffre à revivre son traumatisme de façon plus détaillée, comme dans un flashback. «Presque tous les soldats de retour de guerre et de nombreuses victimes de viol souffrent de ces cauchemars», explique le docteur Breus. Ceux-ci ont tendance à être chroniques, précis, et à avoir des effets invalidants.
15. Il est possible de se faire diagnostiquer un «trouble du cauchemar».
Ce trouble est classé par le DSM-5 (cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux ) dans la catégorie troubles du sommeil-éveil et se traduit par des réveils répétés, la personne en souffrant se retrouvant totalement alerte avec le souvenir précis de longs cauchemars extrêmement effrayants. Ces troubles causent une souffrance et un handicap cliniquement significatifs. Les cauchemars ne sont pas non plus causés par un trouble mental ou médical, ou par de quelconques substances.
«Beaucoup de gens ignorent que les cauchemars peuvent devenir anormaux, au point de constituer un vrai trouble reconnu et nécessiter des soins», reprend le docteur Krakow. La vraie question n’est selon lui pas de savoir si on fait souvent des cauchemars, mais à quel point ils nous perturbent. En cas de cauchemars chroniques et sévères, le docteur Krakow suggère de songer à consulter un spécialiste du sommeil.
16. Il y a certaines choses à faire pour éviter de cauchemarder
Les cauchemars étant liés à un sommeil de piètre qualité, il est important de se reposer suffisamment chaque nuit. Et n’oublions pas que notre état mental et émotionnel lorsque nous sommes éveillés peut affecter notre sommeil. Maîtriser son stress, son anxiété ou une dépression avec un médecin ou un thérapeute peut donc parfois s’avérer vital. Le docteur Breus suggère d’éviter tout ce qui pourrait être source de peur avant de dormir. Comme vos mails professionnels.
Il existe énormément de livres de développement personnel et de ressources en ligne efficaces pour aider à gérer ses cauchemars. Écrire ses rêves et ses réactions dans un journal est souvent un bon point de départ. Vous pouvez aussi essayer d’éteindre New York Unité Spéciale et d’opter pour ces activités calmantes et agréables avant de vous coucher.
17. Mais en cas de cauchemars chroniques et sévères, il est conseillé de consulter un spécialiste du sommeil.
«Aux États-Unis, un adulte sur 20 se plaint de rêves gênants, et ce chiffre double chez les enfants et les adolescents», explique le docteur Krakow. «Cependant, peu de gens souffrant de cauchemars chroniques pensent que ce problème peut se soigner, et ils sont encore moins nombreux à rechercher un traitement.» D’après lui, c’est un problème, car ça signifie qu’on peut passer à côté du trouble du sommeil ou autre maladie qui en est peut-être la cause.
Et il va sans dire que souffrir de cauchemars invalidants peut entraîner une peur du sommeil, de l’insomnie, ainsi que de piètres performances durant la journée, continue le docteur Breus. «Beaucoup de gens les ignorent, jusqu’à ce que leurs cauchemars deviennent si horribles qu’ils deviennent dépendants des somnifères (qui n’aident en rien à résoudre le problème) ou pire, se tournent vers l’alcool.» L’alcool est en effet un remède très populaire, car il engourdit le cerveau et réduit ainsi les cauchemars, poursuit le docteur Breus. Mais ce n’est pas un vrai traitement et souvent, cela mène à l’alcoolisme et entraîne d’autres problèmes de santé.
18. Sachez que le principal traitement contre les cauchemars entraîne des rêves lucides.
D’après le docteur Breus, il existe quelques médicaments pour lutter contre les cauchemars en réduisant le sommeil paradoxal, mais rien n’est aussi efficace que lathérapie par répétition de l’imagerie mentale, un traitement non-pharmacologique développé par le docteur Krakow dans les années 90 pour les personnes ayant été agressées sexuellement. Dans le cadre de la thérapie par répétition de l’imagerie mentale, le patient doit écrire ses cauchemars dans les détails les plus insoutenables, puis en changer l’histoire en y ajoutant des images positives, avant de lire et répéter le nouveau rêve, chaque jour pendant plusieurs semaines. Le patient dispose ainsi d’un outil cognitif et comportemental pour l’aider à faire face aux images désagréables avant qu’elles n’émergent dans un cauchemar. «Ce n’est pas un remède miracle, mais entre 80 et 90% des patients affirment que la thérapie par répétition de l’imagerie mentale réduit significativement l’intensité des cauchemars et a un effet durable», explique le docteur Krakow.
Quelques variantes intègrent de la thérapie par répétition de l’imagerie mentalemême la thérapie du rêve lucide pour aider le rêveur à modifier un cauchemar en temps réel. Comme dans le film Inception finalement.
19. Au final, il y a encore BEAUCOUP de choses qu’on ignore sur les cauchemars.
Nos trois experts affirment que, comparés aux autres sujets traités en médecine, les cauchemars restent un sujet très mystérieux, et qu’il faudra encore de nombreuses recherches pour en savoir plus. «L’étude clinique des cauchemars a commencé dans les années 1930, avant de prendre un virage décisif dans les années 1970, grâce à Freud et son concept de l’inconscient», explique le docteur Krakow. Cependant, le recours à l’IRT pour soigner les cauchemars ne remonte qu’aux années 90, ce qui en fait un traitement relativement nouveau.
Nous ne savons toujours pas exactement pourquoi certaines images s’inscrivent dans notre esprit, ni pourquoi le même schéma étrange revient souvent dans les rêves de certaines personnes. En attendant, les cauchemars vont continuer à nous foutre les pétoches et à influencer des livres et des films bien flippants.
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