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Alerte au « sexpionnage » : Comment protéger sa vie privée au Sénégal

Rédigé par leral.net le Dimanche 27 Juillet 2025 à 06:31 | | 0 commentaire(s)|

La vie privée des citoyens sénégalais est menacée par une nouvelle forme d’espionnage et de chantage : le « sexpionnage ». Ce terme désigne l’utilisation de situations intimes à des fins d’espionnage, de chantage ou de manipulation. Que ce soit à l’hôtel, dans un appartement meublé ou même au sein d’un couple en concubinage, nul n’est à l’abri de caméras cachées ou de fuites de vidéos privées. Un récent scandale à Dakar, l’a tragiquement illustré.
Face à cette menace grandissante, il est urgent d’informer le grand public, de rappeler les droits à la vie privée et de demander aux autorités ainsi qu’aux acteurs du numérique, de prendre leurs responsabilités. Comment se protéger du sexpionnage ? Quelles mesures pour l’État et les hébergeurs ? Éléments de réponse dans cet article pédagogique et d’alerte.

Qu’est-ce que le sexpionnage ?

Le sexpionnage est la contraction de “sexe” et “espionnage”. Il s’agit d’utiliser la sphère intime de quelqu’un comme outil de surveillance, de collecte d’information ou de pression. Concrètement, cela peut prendre plusieurs formes :
Caméras cachées dans des lieux privés : Un individu ou un groupe installe secrètement des caméras ou des dispositifs d’enregistrement dans des chambres d’hôtel, des appartements meublés, voire des domiciles, afin de filmer des personnes à leur insu, pendant leurs moments intimes (relations de couple, etc.). Les vidéos obtenues peuvent ensuite servir à du chantage (menace de divulgation) ou à la manipulation. C’est une forme d’atteinte grave à la vie privée.
 


Pièges sexuels (“honey trap”) : Une personne séduisante peut être missionnée pour piéger une cible en l’attirant dans une relation intime, dans le but d’obtenir des informations confidentielles (espionnage classique) ou de la compromettre (par exemple, obtenir des photos/vidéos compromettantes). Historiquement, ce procédé a été utilisé par certains services de renseignement pour faire chanter des responsables ou extorquer des secrets d’État.

Sextorsion numérique : Ici, pas nécessairement de rencontre physique, mais l’idée est proche. Des pirates informatiques ou des malfaiteurs obtiennent (par hacking de téléphone/ordinateur, vol de données, ou complicité) des contenus intimes – par exemple, des vidéos privées, des photos intimes ou des conversations confidentielles – puis exigent de l’argent ou des faveurs en échange de la non-divulgation de ces contenus. Ce chantage à la « sextape » a fait de très nombreuses victimes au Sénégal, récemment.
 


Dans tous les cas, le sexpionnage exploite la pudeur et la vie privée des personnes. Il vise à créer la peur du scandale sexuel, pour contrôler ou nuire à la victime. Les cibles peuvent être monsieur-tout-le-monde (par exemple, un couple filmé dans sa chambre), mais aussi des personnalités publiques (hommes politiques, célébrités, fonctionnaires), car ces derniers sont particulièrement vulnérables au scandale. Le sexpionnage sème l’insécurité dans la vie privée et fait planer le doute : sommes-nous observés jusque dans notre intimité ?

Scandales récents au Sénégal : du réel au numérique

Un scandale retentissant a récemment mis en lumière la réalité du sexpionnage au Sénégal. Image d’illustration : une victime potentielle d’espionnage intime se sent épiée dans sa chambre. Plusieurs affaires survenues ces derniers mois, montrent que le danger est bien réel : Caméras cachées dans des appartements meublés à Dakar (décembre 2024) – Cette affaire a fait la une des journaux. Une jeune femme, A. K. L., a déposé plainte contre S. S. Diop, gérant d’appartements meublés, pour collecte illicite de données personnelles.
 


Elle avait utilisé l’un de ses studios à Yoff pour loger et y retrouvait souvent son petit ami. Les soupçons sont nés lorsque le propriétaire insistait pour garder la lumière allumée la nuit, prétextant ne pas vouloir attirer l’attention du voisinage. En réalité, un dispositif de vidéosurveillance dissimulé dans le routeur Wi-Fi, filmait le lit du couple ! En inspectant d’autres locations (à Ngor et aux Almadies), la victime a découvert le même système dans plusieurs appartements. L’enquête de la Division spéciale de la Cybersécurité (DSC), a révélé un véritable réseau d’espionnage sexuel de grande ampleur. S. S. Diop a avoué avoir installé des caméras dans plusieurs appartements qu’il louait et les enquêteurs ont saisi près de 211 vidéos intimes enregistrées clandestinement.

Bien qu’il affirme ne jamais avoir diffusé ces vidéos, l’ampleur du stockage découvert fait froid dans le dos. Ce scandale des caméras cachées a soulevé l’indignation générale : des centaines de couples filmés à leur insu en pleins ébats privés, une violation gravissime de la vie privée et de la dignité humaine.
 


Réseau de chantage à la sextape (juillet 2025) – La cybercriminalité prend aussi la forme de chantage numérique. Le 17 juillet 2025, la police sénégalaise a réalisé un coup de filet historique, en arrêtant l’administrateur de sites pornographiques clandestins (connu sous le pseudonyme Kocc Barma), après une traque de sept ans. Cet individu est accusé d’avoir amassé des centaines de vidéos intimes volées de citoyen·ne·s (y compris des personnalités publiques et des anonymes), pour les publier en ligne sans consentement. Plus de 5 000 plaintes avaient été déposées contre lui depuis 2018, pour des faits de diffusion de sextapes et extorsion de fonds. Son modus operandi consistait à obtenir ou pirater des vidéos privées (par divers moyens techniques ou avec des complices), puis à exiger de l’argent des victimes en échange du retrait de ces contenus de sites pornographiques. Il monnayait en quelque sorte, l’atteinte à la réputation. La Division spéciale de Cybersécurité (DSC) a saisi lors de son arrestation, de nombreux équipements (téléphones, ordinateurs, stockages), afin de sécuriser les données et prévenir leur fuite.

Cette affaire tentaculaire de sextorsion démontre l’ampleur du phénomène : aucune couche de la société n’est épargnée et des milliers de victimes se sont tues pendant des années par crainte du scandale. Ces deux exemples – l’un physique (caméras cachées dans les hôtels/appartements), l’autre numérique (vol et diffusion de sextapes en ligne) – illustrent la double facette du sexpionnage. Dans un pays attaché à la dignité et aux valeurs sociales comme le Sénégal, se retrouver exposé(e) dans une situation sexuelle privée, est un drame personnel, mais aussi une potentielle honte publique aux conséquences imprévisibles (réputation détruite, mariages brisés, poursuites judiciaires si infidélité, etc.).

Conséquences et dangers pour les victimes

Les victimes de sexpionnage subissent un traumatisme profond. Les conséquences peuvent être :
Choc psychologique et humiliation : Apprendre qu’on a été espionné dans son intimité, provoque un sentiment de violation intense. Les victimes se sentent trahies, honteuses, constamment épiées. Cela peut mener à de l’anxiété, de la dépression, voire un stress post-traumatique. La peur que les images soient vues par d’autres, peut causer une détresse morale terrible.

Chantage financier ou moral : Si les enregistrements tombent entre de mauvaises mains, les victimes risquent d’être ferrées par un chantage. Le maître-chanteur menace de publier les vidéos/photos compromettantes si une rançon n’est pas payée, ou en échange de faveurs (sexuelles, professionnelles…). C’est de l’extorsion, punie par la loi, mais beaucoup de victimes n’osent pas porter plainte immédiatement, par peur de la divulgation.

Risque de diffusion publique : Avec Internet et les réseaux sociaux, un contenu intime peut se répandre viralememt en quelques heures. Au-delà de l’humiliation personnelle, cela peut ruiner des carrières (imaginez un enseignant, un religieux, un responsable politique dont la sextape devient publique), briser des familles ou exposer la personne au cyber-harcèlement (insultes, moqueries en ligne).

Atteinte à la réputation et à la vie familiale : Dans une société sénégalaise relativement conservatrice sur les mœurs, être affiché dans une situation considérée comme immorale (adultère, relations hors mariage – concubinage, homosexualité, etc.), peut entraîner un rejet social. La personne peut perdre son statut social, son emploi, ou faire face à des conflits familiaux graves. Par exemple, une vidéo d’un couple non marié en train d’avoir des rapports, pourrait engendrer la désapprobation de la communauté ou des poursuites pour outrage public à la pudeur, si la vidéo circule publiquement (bien que l’acte ait eu lieu en privé).

Perte de confiance généralisée : Après un tel incident, la victime peut développer une méfiance extrême envers les lieux (hôtels, locations…) et les personnes. La moindre caméra de surveillance innocente dans un hall d’hôtel, peut devenir source d’angoisse. Les relations intimes futures peuvent en pâtir, l’individu n’osant plus se laisser aller par crainte d’être enregistré. C’est toute la liberté de la vie privée qui est bafouée.

En somme, le sexpionnage détruit des vies. C’est une violence tant psychologique que sociale. Il est donc crucial que chacun prenne conscience de la menace et que l’on démystifie cette problématique, afin d’y faire face collectivement.

Comment protéger sa vie privée face au sexpionnage ?

Heureusement, il existe des mesures de précaution et de bon sens, pour réduire les risques d’être victime de sexpionnage. Voici quelques conseils pratiques à l’attention de tous, en particulier pour les couples ou individus amenés à fréquenter des lieux privés hors de chez eux (hôtels, auberges, appartements meublés, chambres de passage, etc.) ou à manipuler des contenus intimes numériques : Choisissez des établissements de confiance : Lorsque vous louez une chambre d’hôtel ou un appartement meublé, privilégiez les lieux bien établis, avec des avis clients positifs. Les grands hôtels ont généralement des standards de sécurité et de respect de la vie privée. Méfiez-vous des locations trop « secrètes » ou informelles. Si possible, visitez les lieux à l’avance et fiez-vous à votre ressenti (quelque chose d’étrange dans la disposition ? propriétaire trop insistant sur certaines règles inhabituelles ?).

Inspectez la pièce pour déceler des caméras cachées : Prenez quelques minutes en arrivant dans une nouvelle chambre, pour vérifier qu’aucun dispositif suspect n’est dissimulé. Les caméras espions peuvent être minuscules et cachées dans des objets du quotidien : détecteurs de fumée, réveils, routeurs Wi-Fi, prises électriques, ampoules, miroirs, etc. Faites le tour de la chambre : repérez les trous ou lentilles anormales, les appareils électroniques positionnés face au lit ou à la salle de bain. Dans l’affaire de Dakar, c’est un routeur Wi-Fi qui contenait une caméra pointée vers le lit.

Si un objet vous paraît louche (par exemple, un boîtier électronique qui ne clignote pas comme un vrai, ou un miroir double-face), n’hésitez pas à le couvrir ou à le débrancher. Vous pouvez aussi éteindre complètement les lumières et utiliser la lampe torche de votre téléphone : certaines caméras infrarouges émettent une lueur rouge ou des reflets si on balaie la pièce dans le noir.

Utilisez des outils de détection : Il existe des applications mobile ou des gadgets spécialisés pour détecter les caméras ou microphones cachés. Certains détecteurs de signaux RF (radiofréquences) peuvent repérer un émetteur Wi-Fi ou Bluetooth clandestin dans la pièce. Des applications peuvent aussi scanner les réseaux Wi-Fi à la recherche d’appareils étranges connectés. Cela peut aider, même si ce n’est pas infaillible.

Sécurisez vos appareils numériques : Une grande partie du sexpionnage se fait via le numérique (piratage de comptes, vol de vidéos stockées sur votre téléphone, etc.). Protégez vos smartphones, ordinateurs et comptes en ligne avec des mots de passe robustes et l’authentification à deux facteurs. Ne stockez pas de vidéos intimes non nécessaires sur votre téléphone ; transférez-les sur un support sécurisé que vous gardez privé, ou mieux, évitez carrément de filmer vos ébats intimes si vous pouvez y renoncer – pas de vidéo, pas de fuite possible. Évitez de partager du contenu intime par messagerie, même avec des personnes de confiance, car leurs comptes pourraient être compromis. Rappelez-vous que l’homme arrêté en juillet 2025, avait piraté des vidéos intimes et les mettait en ligne sur des sites, ce qui suppose qu’il puisait ces vidéos quelque part dans les téléphones ou les ordinateurs de ses victimes.

Soyez donc discrets en ligne et ne cliquez pas sur des liens suspects pouvant installer des logiciels espions.
Protégez votre intimité concrètement : Dans un hôtel ou une chambre empruntée, fermez toujours la porte à clé, utilisez le verrou intérieur ou le chaîne de sécurité pour empêcher une intrusion pendant que vous êtes en situation intime. Vous pouvez recouvrir les caméras de votre propre  ordinateurs portable ou smartphone, si ceux-ci sont dans la pièce (au cas où ils auraient été piratés pour vous filmer). Un simple bout de scotch opaque sur la webcam, ça ne coûte rien. Idem pour les caméras de surveillance légitimes s’il y en a (dans certains appartements meublés, il peut y avoir une caméra de sécurité dans le salon, vérifiez le contrat : demandez clairement quelles caméras sont actives pour la sécurité et éteignez-les ou couvrez-les, si vous avez un doute dès que vous êtes chez vous).

Restez prudent avec les nouvelles connaissances : Dans le cas de pièges par séduction, soyez conscient que cela existe. Si vous êtes une personnalité publique ou un individu visé (par exemple un cadre d’entreprise, un activiste, etc.), méfiez-vous des rencontres amoureuses trop belles pour être vraies. Certaines personnes malintentionnées pourraient chercher à vous compromettre. Sans tomber dans la paranoïa, gardez à l’esprit de ne pas divulguer d’informations sensibles dans l’euphorie d’une nouvelle relation et d’éviter de vous retrouver dans des situations intimes trop rapidement avec des inconnus.

En cas de soupçon, réagissez calmement mais fermement : Si vous découvrez une caméra cachée ou si vous recevez un message de chantage à la sextape, ne paniquez pas et ne cédez surtout pas au chantage (payer ne garantit rien, le maître-chanteur peut redemander plus, et vous financez son activité criminelle). Relevez un maximum de preuves (photos de l’appareil caché trouvé, capture d’écran du message de chantage, etc.). Quittez les lieux si vous vous sentez en danger immédiat. Puis signalez l’incident aux autorités compétentes (voir section suivante). Au Sénégal, la Division spéciale de la Cybersécurité (DSC) de la Police nationale est outillée pour ce genre d’enquêtes. Porter plainte permettra de déclencher une investigation et potentiellement, de remonter jusqu’au coupable. Les forces de l’ordre ont de plus en plus d’expérience dans ces dossiers et prennent désormais au sérieux ces délits d’un genre nouveau.

Connaissez vos droits : Le droit sénégalais protège la vie privée. La collecte ou la diffusion sans consentement de données intimes (photos/vidéos privées) est un crime puni par la loi. Par exemple, quiconque porte atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui, en enregistrant et partageant des données personnelles sans autorisation, encourt jusqu’à 7 ans de prison (justice.sec.gouv.sn). C’est dire la gravité de l’acte ! Gardez cela en tête : si vous êtes victime, la loi est de votre côté, et les coupables risquent gros. Cette connaissance pourra vous donner le courage de signaler l’infraction.

En appliquant ces conseils, vous réduisez significativement les risques. Bien sûr, le risque zéro n’existe pas, mais la vigilance est notre meilleure alliée. Le maître-mot est : ne pas offrir d’opportunités faciles aux espionneurs ou aux maîtres-chanteurs. Par ailleurs, il serait utile d’investir dans de petits outils si vous voyagez souvent : par exemple, un détecteur de caméra (on en trouve facilement dans le commerce en ligne) ou simplement un cache-webcam pour vos appareils. D’ailleurs, l’essor du sexpionnage est en partie facilité par la disponibilité de gadgets d’espionnage bon marché sur le marché : on trouve sur Internet des mini-caméras espion WiFi, pour quelques milliers de francs Cfa seulement (jumia.sn) !

Tout le monde (ou presque) peut s’en procurer. Cela signifie que chacun doit être conscient que même un individu lambda, sans grandes ressources, peut potentiellement jouer les espions pervers s’il en a l’intention. Enfin, si malgré toutes les précautions, vous vous retrouvez victime, ne restez pas seul : parlez-en à une personne de confiance, et faites appel aux autorités. Il vaut mieux prévenir rapidement que laisser l’auteur agir impunément. Souvent, les victimes n’osent pas par honte, mais il ne faut pas oublier que le coupable, c’est celui qui espionne et fait chanter, pas la victime. Le soutien moral est essentiel pour traverser cette épreuve et la solidarité peut aider d’autres personnes potentiellement ciblées.

Autorités, hôtels, plateformes : la responsabilité de chacun

La lutte contre le sexpionnage ne repose pas que sur les individus. Les autorités étatiques, le secteur privé (notamment les hôtels et plateformes de location) et même les réseaux sociaux, ont un rôle majeur à jouer pour endiguer ce fléau. Voici les actions attendues et les recommandations à leur égard :
Les autorités publiques : Nous appelons les pouvoirs publics sénégalais à renforcer la réglementation et la surveillance contre ces pratiques. Cela passe d’abord par une application stricte des lois existantes sur la vie privée et la cybercriminalité. L’affaire des caméras cachées de Dakar, a montré l’efficacité de la Division spéciale de Cybersécurité (DSC) dans l’enquête (leral.net), mais il faut aller plus loin en termes de prévention. Par exemple, le ministère de l’Intérieur pourrait émettre des directives aux propriétaires d’hôtels et de résidences meublées, pour les sensibiliser aux caméras cachées (et leur rappeler qu’ils encourent de lourdes peines s’ils s’y adonnent).

Des contrôles inopinés pourraient être menés dans les établissements d’hébergement pour vérifier qu’aucun dispositif illicite n’y est installé. Sur le plan législatif, si des vides juridiques subsistent (concernant par exemple, la responsabilité des sites web hébergeant des contenus de sextorsion), il convient de les combler. Enfin, il serait judicieux de mener des campagnes de sensibilisation grand public, via les médias ou les mairies, sur les dangers du sexpionnage, un peu à l’image des campagnes sur la cybersécurité ou les arnaques.

Le secteur hôtelier et les loueurs de logements : Les hôtels, auberges, Airbnb et autres locations de courte durée sont en première ligne pour garantir la sécurité et l’intimité de leurs clients. Nous demandons aux gérants et propriétaires d’établissements d’hébergement de prendre le problème à bras-le-corps. Cela signifie : tolérance zéro pour les caméras non autorisées. Concrètement, un hôtel devrait régulièrement inspecter ses chambres pour s’assurer qu’aucun employé ou client précédent n’y a dissimulé un enregistreur. Les locations meublées devraient mentionner explicitement dans le contrat, s’il y a des caméras de sécurité (par exemple à l’entrée) et obtenir l’accord du locataire – et bien sûr, aucune caméra ne doit filmer l’intérieur privatif (chambre, salle de bain), sous peine d’être hors la loi. Les professionnels de l’hôtellerie ont intérêt à coopérer avec les autorités : s’ils détectent le moindre dispositif suspect installé par un client ou un employé malveillant, qu’ils en informent immédiatement la police.

Un système de certification “Safe Privacy” pourrait même être envisagé pour les hôtels qui s’engagent activement à combattre le sexpionnage (un label qualité indiquant aux clients que l’établissement est vérifié et respectueux de l’intimité). En protégeant la vie privée des usagers, ces acteurs protègent aussi la réputation de leur établissement – personne n’a envie de dormir dans un lieu entaché par un scandale de caméra cachée.

Les plateformes numériques et réseaux sociaux : Une fois que des contenus intimes sont mis en ligne (sur des sites pornographiques, sur Facebook, WhatsApp, etc.), il est souvent trop tard – la diffusion devient incontrôlable. Cependant, les plateformes ont le devoir de coopérer pour limiter les dégâts. Nous exhortons les réseaux sociaux à réagir promptement aux signalements de vidéos intimes diffusées sans consentement : suppression rapide du contenu, blocage des comptes diffusant ces médias, etc. Les sites web à caractère pornographique, souvent hébergés à l’étranger, doivent eux aussi être mis face à leurs responsabilités : héberger des vidéos volées relève de la complicité de recel de données volées. Les autorités sénégalaises, via Interpol ou d’autres canaux, devraient poursuivre les hébergeurs illégaux.

Techniquement, l’État peut aussi bloquer l’accès à certains sites notoires de revenge porn ou sextorsion (comme il l’a été fait par le passé pour des sites dangereux). Enfin, la sensibilisation est importante : les géants du Net (Facebook, Instagram…) pourraient intégrer dans leurs campagnes de prévention des messages sur le respect de la vie privée d’autrui, pour dissuader le public de partager par voyeurisme des sextapes volées, par exemple. La lutte contre le sexpionnage demande une mobilisation générale, et les acteurs du numérique ne doivent pas être le maillon faible.

Les autorités religieuses et coutumières : Dans le contexte sénégalais, n’oublions pas le poids des guides religieux et des chefs traditionnels.

Le discours social compte. Plutôt que de blâmer systématiquement les mœurs des victimes (par exemple, un couple non marié surpris ensemble), ces leaders d’opinion pourraient mettre l’accent sur la condamnation morale de l’espion et du maître-chanteur. En insistant sur le fait que violer l’intimité de quelqu’un, est un acte indigne et honteux, on peut faire évoluer la perception du public : la honte doit changer de camp. Ce renversement est crucial pour que les victimes osent parler et que la pratique du sexpionnage soit honnie par tous.

En résumé, chaque partie prenante a un rôle : État qui légifère et punit, police qui enquête et prévient, hôtels qui surveillent et dissuadent, plateformes web qui modèrent, et même la société civile (associations de protection de la vie privée, leaders d’opinion), qui doit porter le sujet dans le débat public. C’est à ce prix que l’on fera reculer cette menace.

Données volées : exiger la protection et la destruction définitive

Un point crucial dans la lutte contre le sexpionnage est le sort des données sensibles (photos, vidéos) qui ont été collectées illégalement. Une fois ces données saisies par les autorités lors d’une enquête, ou récupérées suite à une plainte, il est impératif de garantir qu’elles ne circuleront plus. Nous demandons à la Division Spéciale de Cybersécurité (DSC) – et plus largement à la Police et la Justice – de prendre des mesures fortes pour protéger ces données et les détruire définitivement une fois les procédures terminées. Pourquoi cette exigence ? Parce que les victimes doivent être assurées que leurs images intimes ne referont pas surface dans quelques années suite à une fuite ou une négligence. Par exemple, dans l’affaire des 211 vidéos saisies à Dakar fin 2024 (leral.net), il serait catastrophique que ces enregistrements tombent dans de mauvaises mains par la suite. La police a sans doute extrait ces fichiers comme pièces à conviction ; il faut maintenant s’assurer qu’ils restent strictement confidentiels (accessibles uniquement aux enquêteurs et magistrats compétents), puis qu’ils soient détruits au terme du procès (après jugement définitif, quand plus aucun appel n’est possible).

Nous encourageons la DSC à appliquer des protocoles de sécurité numérique rigoureux : stockage des fichiers sensibles sur des supports chiffrés, accès restreint, suivi des copies. Et une fois l’affaire close, une opération de purge doit être effectuée en présence d’un officier de justice, avec procès-verbal, pour attester que toutes les copies des données privées ont été effacées de manière irrécupérable. C’est une question de respect des victimes et de déontologie. Il en va de même pour l’affaire Kocc Barma : les autorités ont mis la main sur des serveurs entiers de vidéos intimes volées (seneweb.com). Ces serveurs ont été fermés et contrôlés, d’après les informations parues dans la presse (seneweb.com).

C’est très rassurant, mais la prochaine étape sera de nettoyer ces données, après en avoir tiré les preuves nécessaires contre le suspect. La justice devrait ordonner la destruction de tous les contenus illicites archivés, et ce, sous contrôle, pour éviter qu’une copie cachée ne survive quelque part. Par ailleurs, un appel est lancé à la Brigade des crimes numériques : dans le cas où certaines données auraient déjà fuité sur Internet, il faut tout faire pour les retirer. Cela peut impliquer d’envoyer des demandes de suppression (takedown notices) aux hébergeurs, d’exercer des pressions juridiques via des coopérations internationales, etc.

Chaque vidéo intime de citoyen sénégalais qui peut être effacée du web, est une victoire pour la vie privée. C’est une tâche ardue (Internet n’oublie rien, dit-on), mais ne rien tenter serait abandonner les victimes à une double peine (après le tournage subi, la diffusion subie). En somme, “qui détient les données détient le pouvoir” dans ce genre de crimes. Nous voulons être certains que ce pouvoir ne soit pas détourné une seconde fois au détriment des victimes. Les forces de cyber-sécurité ont fait un travail remarquable en arrêtant les auteurs de ces actes ; qu’elles aillent au bout de la démarche, en éliminant jusqu’à la trace de ces espionnages abjects. C’est aussi un message fort envoyé aux criminels : même vos “trophées” numériques seront réduits en cendres, vous n’aurez aucune gloire ni aucun profit de vos actes.

Vers une prise de conscience collective

Le sextage, le chantage sexuel et l’espionnage intime sont des réalités de notre époque connectée. Au Sénégal, la conjonction d’une société attachée à la pudeur et d’une technologie de plus en plus accessible crée un terrain propice à ce genre de délit, malheureusement. Mais nous ne sommes pas impuissants. Chaque citoyen, chaque autorité peut contribuer à la riposte. Il faut démocratiser la prudence : de la même manière qu’on a appris à ne pas exposer ses informations bancaires en ligne, il faut apprendre à protéger son intimité physique et numérique. Ce qui se passe derrière une porte close doit le rester, sauf consentement contraire. C’est un droit humain fondamental, celui de la vie privée et du respect de l’intimité. Cet article, destiné au grand public, se veut informatif, alerte et pédagogique. Nous invitons chacun à en parler autour de soi : informez vos proches, vos amis, surtout les plus jeunes qui pourraient être tentés de se filmer par jeu, ou les moins à l’aise avec la technologie qui ignorent ces risques. Brisons le tabou du chantage sexuel : ce n’est pas un fait divers croustillant, c’est une atteinte grave à nos libertés.

Plus les victimes sentiront la compassion et le soutien de la société, plus elles oseront dénoncer les coupables, et plus ces crimes pourront être punis. En adressant également ce message aux autorités, nous espérons une action concertée. Le Sénégal a montré sa capacité à traiter des affaires complexes de cybercriminalité, il doit persévérer dans cette voie et peut-être servir d’exemple. La création de cellules spécialisées, la coopération internationale pour traquer les sites web illégaux, et l’éducation numérique dans les écoles sont autant de pistes pour l’avenir.

En définitive, que vous soyez un couple marié en escapade romantique à l’hôtel, de jeunes concubins louant un studio pour la soirée, ou une personnalité influente, votre vie privée vous appartient. Ne laissez personne – ni un voyeur isolé, ni un groupe organisé, ni même un État – vous la voler. Restons vigilants, solidaires, et n’acceptons pas que le “sexpionnage” s’installe au Sénégal. C’est un combat pour la dignité et la liberté individuelle de tous.

Alerte au « sexpionnage » : Comment protéger sa vie privée au Sénégal

Alerte au « sexpionnage » : Comment protéger sa vie privée au Sénégal

Alerte au « sexpionnage » : Comment protéger sa vie privée au Sénégal



Source : https://www.jotaay.net/Alerte-au-sexpionnage-Comme...