À 83 ans, Alpha Condé est déposé par des militaires de l’unité des forces spéciales. D’opposant historique respecté pour sa détermination et la noblesse de son engagement, à président de la République parfois controversée, retour sur le parcours d’un homme aux multiples facettes.
Il avait brigué un troisième mandat suite à l’adoption controversée d’une nouvelle Constitution en mars 2020. Né le 4 mars 1938 dans la région de la Basse Côte, ce Malinké d’origine, éduqué au collège des pères, part en France dès l’âge de 15 ans pour suivre ses études. Au lycée Turgot à Paris, puis à la Sorbonne, mais aussi à Sciences-Po. Alpha Condé traîne une sulfureuse réputation de « gauchiste » qui prend sous son aile des étudiants et guide dans les couloirs de la cité universitaire. D’abord favorable à Sekou Toure qui vient de proclamer l’indépendance après le «non» historique au référendum de 1958, il s’en éloigne trois ans plus tard au vu du tournant autoritaire que prend le régime qui le condamnera à mort par contumace en 1970.
Au milieu des années 1970, Alpha Condé entre à la société de négoce Sucres et Denrées, mais ne perd pas de vue la politique. Il voyage dans toute l’Afrique de l’Ouest et pose les bases de ce qui deviendra son parti, le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG). Organisés en cellules cloisonnées pour plus de sécurité, les militants de la première heure se souviennent des tracts transportés dans des paquets de lessive pour traverser la frontière ivoirienne. Il rentre au pays en 1991 et se présente à l’élection présidentielle en 1993, puis en 1998, mais il est arrêté peu avant la proclamation des résultats et condamné à cinq ans de prison pour atteinte à la sûreté de l’État. Gracié trois ans plus tard, il sort de prison endurci et renforcé dans sa détermination.
En 2010, « l’opposant historique » n’a jamais été membre d’aucun gouvernement et s’en sert pour présenter une image de candidat neuf aux « mains propres ». «Même président, Alpha Condé continue de faire des discours d’opposant. Ses cibles favorites sont ses deux principaux concurrents politiques, Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré, deux anciens Premiers ministres qu’il accuse d’avoir «mis le pays à terre » lorsqu’ils étaient aux affaires. Réélu dés le premier tour en 2015, le président promet de dédier son second mandat aux femmes et aux jeunes mais son gouvernement n’applique pas encore la parité introduite dans la nouvelle Constitution. Surnommé « Papa promesse » par ses détracteurs, Alpha Condé annonce: « Une tablette pour chaque étudiant», la « santé gratuite pour tous », «l’électricité, l’eau courante », « des emplois pour les jeunes » …
«Je serai le Mandela de l’Afrique de l’Ouest », proclamait-il au lendemain de son élection en 2010, en référence à son passé d’opposant emprisonné. Mais Mandela n’a fait qu’un mandat, rappellent ses opposants. Il est « la plus grande désillusion de l’histoire politique de notre pays », réagit le Front national de défense de la Constitution à l’annonce de sa candidature à un troisième mandat après l’adoption controversée d’une nouvelle Constitution. « Libérez Alpha Condé », chantait le reggaeman Tiken Jah Fakoly. Aujourd’hui, c’est son titre « Alpha devient fou » qui résonne dans les haut-parleurs lors des manifestations du FNDC.
Avec Rfi
Source : http://lesoleil.sn/alpha-conde-parcours-dun-homme-...