À Dakar depuis hier pour les besoins du sommet Feed Africa, le Ministre Britannique en charge de l’Afrique et de la Coopération, Andrew Mitchell, s’est entretenu avec Le Soleil.
Juste quelques mois après votre nomination, vous êtes venu au Sénégal. Pourquoi ce choix et quel message souhaitez-vous envoyer par cet acte fort ?
Salamalekum. J’ai toujours voulu visiter le Sénégal et je suis heureux d’avoir enfin pu visiter les terres de la Téranga pour la première fois. Le Royaume-Uni et le Sénégal ont beaucoup de choses en commun, comme l’engagement en faveur de la paix et de la démocratie, l’esprit d’entreprise et la passion pour le football de nos peuples.
Mon message est clair. Le Royaume-Uni s’est engagé à construire, avec le Sénégal, un partenariat à long terme, mutuellement bénéfique, fondé sur le respect et la solidarité. Au cours de ma visite, j’ai pu constater l’ampleur des liens entre le Royaume-Uni et le Sénégal et les défis économiques, de défense, de santé et de climat auxquels nous sommes confrontés ensemble.
Le Royaume-Uni est le premier investisseur étranger dans le secteur de l’énergie. Nous sommes connus pour nos investissements dans le pétrole et le gaz, mais au Sénégal, nous soutenons le plan d’urgence du Sénégal en investissant dans le nouveau port de Ndayane, l’énergie éolienne, les télécommunications, la santé et l’industrie.
J’ai entendu parler de l’impact d’une coopération étroite en matière de sécurité et de défense, qui peut aider à faire face à la situation instable au Sahel et au commerce international de la drogue. Par l’intermédiaire du British Council, nous soutenons l’enseignement de l’anglais et l’esprit d’entreprise. Le programme Chevening offre des bourses d’études dans les universités les plus prestigieuses du Royaume-Uni.
En 2023, nous continuerons à renforcer notre partenariat en proposant des investissements sûrs, transparents et créateurs d’emplois. Nous voulons travailler plus étroitement ensemble sur des questions mondiales telles que la santé, le climat et l’environnement. Par le passé, nous avons peut-être été trop transactionnels, impatients et timides. Désormais, nous voulons être ambitieux et nous engager dans des partenariats à long terme.
Quel est l’état actuel des échanges commerciaux entre le Sénégal et le Royaume-Uni ?
Je suis heureux d’annoncer que la situation est en bonne voie. Les échanges commerciaux entre le Sénégal et le Royaume-Uni ont doublé entre 2021 et 2022, ce qui présente des opportunités croissantes de commerce et d’investissement pour les entreprises sénégalaises et britanniques dans les secteurs de l’énergie, de l’agriculture, des mines et des infrastructures. Mais le potentiel est encore plus grand. Le nouveau régime commercial du Royaume-Uni, pour les pays en développement, permettra aux produits sénégalais d’accéder au marché britannique en franchise de droits et de quotas à 100 %. Le Sénégal sera l’un des dix premiers pays au monde à bénéficier de réductions tarifaires, dont le montant est estimé à 2,4 milliards de FCfa.
Cette semaine, j’ai également signé le premier protocole d’accord visant à renforcer notre partenariat économique. Les investissements du secteur privé britannique au Sénégal continuent de croître. Le Royaume-Uni est fier d’être le plus grand investisseur dans le secteur de l’énergie, non seulement dans le pétrole et le gaz, mais aussi dans les énergies renouvelables. Lekela, l’entreprise britannique qui exploite le plus grand parc éolien d’Afrique de l’Ouest, a fourni un approvisionnement régulier en électricité au réseau, augmentant ainsi la production d’électricité du Sénégal de 15% et donnant accès à l’énergie à plus de 2 millions de personnes.
Outre les investissements privés, British International Investment, l’organisme de financement du Gouvernement britannique a investi dans le « port du futur » de Ndayane en partenariat avec Dp World. Il s’agit du plus grand investissement étranger direct réalisé au Sénégal à ce jour et il permettra de créer plus de 20.000 emplois. Ce financement historique permettra de relancer l’économie et d’accroître les échanges commerciaux.
Au lendemain du Brexit, la Grande-Bretagne a intensifié son offre diplomatique au reste du monde. Quelle place Londres accorde-t-elle à l’Afrique dans ce nouveau contexte ?
Le Royaume-Uni souhaite nouer des relations plus étroites avec ses partenaires africains, non seulement aujourd’hui, mais aussi dans les décennies à venir. L’Afrique est le continent le plus diversifié et le plus fascinant du monde. Comme j’ai pu le constater ici, le Sénégal a une économie en pleine croissance, une population jeune, dynamique et entreprenante, des entreprises et des recherches passionnantes et innovantes, ainsi qu’une culture riche et magnifique.
Nous voulons promouvoir la prospérité, étendre les routes commerciales, renforcer la sécurité et encourager le développement dans le monde entier. Le Royaume-Uni est désireux de renforcer ses partenariats de longue date avec des pays comme le Sénégal et de développer des partenariats économiques et de sécurité pour relever les grands défis de notre époque.
Au cours de mon voyage, j’ai visité l’Institut Pasteur de Dakar, à la pointe de la technologie, afin de découvrir ses impressionnantes réalisations dans la gestion de la Covid-19 et de tests rapides pour Ebola, ainsi que ses projets passionnants visant à devenir le plus important site de fabrication de vaccins en Afrique. Le Royaume-Uni est fier d’avoir apporté un soutien initial important au lancement du projet Madiba.
Nous sommes déterminés à renforcer les liens commerciaux entre le Royaume-Uni et le Sénégal et avec tout le continent africain. Dans un premier temps, nous avons accueilli, à Londres, en octobre dernier, le premier Forum Royaume-Uni/Afrique Francophone sur l’investissement et le commerce en Afrique, auquel ont participé les principales délégations ministérielles de huit pays francophones d’Afrique de l’Ouest, plus de 500 particuliers et 300 entreprises ayant des intérêts dans la région.
Quelle est la position du Royaume-Uni sur le désir de l’Afrique de rejoindre le G20 et d’avoir un siège permanent au Conseil de sécurité de l’Onu ?
Le Royaume-Uni est favorable à un siège permanent de l’Afrique au Conseil de sécurité des Nations unies. Nous saluons la proposition d’un siège pour l’Union africaine au G20, dont j’ai discuté avec Son Excellence le Président Sall lors de ma visite ici.
Quelle(s) solution(s) à la crise énergétique et alimentaire qui bouleverse le monde, avec la guerre en Ukraine ?
Tout d’abord, il est important de dire que l’attaque de la Russie contre l’Ukraine est une attaque délibérée et non provoquée contre un État démocratique souverain. En tant que pays libre et démocratique, l’Ukraine a le droit de déterminer son propre destin. Le Royaume-Uni et nos partenaires internationaux sont unis pour condamner les actions du Gouvernement russe, qui violent le droit international et la Charte des Nations unies.
La rupture de l’approvisionnement en céréales causée par l’invasion russe a exacerbé la crise de la sécurité alimentaire mondiale qui a conduit des millions de personnes dans le monde au bord de la famine. Ici, au Sénégal, nous avons vu les effets de la guerre faire grimper les prix des aliments et du carburant. Le Royaume-Uni soutient l’initiative céréales de la mer Noire, qui a permis l’exportation de 14,3 millions de tonnes de denrées alimentaires, depuis le 1er août.
Le Royaume-Uni s’est engagé à travailler avec ses partenaires africains pour faire face à la crise de la sécurité alimentaire et soutenir les progrès vers un système alimentaire plus durable. C’est pourquoi je suis venu à Dakar pour le sommet Feed Africa, afin de discuter des solutions à ces défis avec les dirigeants africains. J’ai eu l’occasion de discuter de la crise avec Son Excellence le Président Macky Sall et d’apprécier son engagement ferme à trouver des solutions à la crise au nom de l’Union africaine.
Le Royaume-Uni a soutenu un financement de 30 milliards de dollars de la Banque mondiale et de 1,5 milliard de dollars de la Banque africaine de développement pour faire face à la crise de la sécurité alimentaire sur le continent. Le Royaume-Uni collabore également avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) pour promouvoir l’autosuffisance en riz dans la région, ce qui devrait permettre d’économiser plus de 3,2 milliards de dollars par an, de créer 385.000 nouveaux emplois et d’augmenter les revenus des agriculteurs.
Quelle contribution le Royaume-Uni peut-il apporter à la recherche de solutions pour une paix durable en Afrique de l’Ouest en particulier et au Sahel de manière générale ?
Le Sénégal et le Royaume-Uni sont unis dans leur engagement à soutenir les efforts régionaux pour la paix et la sécurité en Afrique de l’Ouest. Il est clair que la région traverse une période difficile et nous sommes de plus en plus préoccupés par le débordement de la violence et de l’instabilité du Sahel vers l’Afrique occidentale côtière. Grâce à notre engagement diplomatique et à nos programmes d’aide, nous continuerons à soutenir les efforts locaux, nationaux, régionaux et internationaux visant à promouvoir la prospérité et la stabilité à long terme. Nous étudions également les possibilités de soutenir l’Initiative d’Accra.
En ce qui concerne le Sénégal, nos armées s’entraînent ensemble pour lutter contre le terrorisme et pour améliorer la sécurité maritime. La formation britannique prépare les troupes sénégalaises à être déployées pour toute une série de missions, y compris celles liées à la sécurité maritime. Des officiers sénégalais se rendent au Royaume-Uni pour s’entraîner avec notre Royal Navy et pour fréquenter le Royal College of Defence Studies, notre plus prestigieuse académie de formation militaire.
Votre pays a connu plusieurs gouvernements et Premiers ministres, depuis le Brexit et a subi, aujourd’hui, une forte inflation. La sortie de l’Europe ne vous a-t-elle pas déstabilisé politiquement et économiquement ?
Le Royaume-Uni, tout comme le Sénégal, a une fière histoire de démocratie ; ce qui signifie que comme le Sénégal, les Premiers ministres peuvent changer. Notre nouveau Gouvernement a déjà pris un bon départ. La première visite du Ministre des Affaires étrangères a été faite en Sierra Leone, ce qui indique le fort engagement du Royaume-Uni à établir des partenariats en Afrique. Je suis ravi que l’un de mes premiers voyages ait été ici, au Sénégal.
Quant à l’inflation, tous les pays du monde sont confrontés à la crise économique mondiale, en partie à cause de l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie. Mon pays ne fait pas exception. Toutefois, les fondamentaux de l’économie britannique restent solides.
Alors que mon voyage au Sénégal touche à sa fin, je tiens à remercier le Président Macky Sall pour son accueil chaleureux. Je repars fier de notre partenariat solide et de l’impact positif de nos relations en matière d’économie, de sécurité, de santé et de climat. Je suis impatient de voir cette relation se développer, se renforcer et croître dans les années et les décennies à venir.
Propos recueillis par Aly DIOUF
Source : https://lesoleil.sn/andrew-mitchell-ministre-charg...