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Lundi 23 Avril 2018

Casamance: Malick Diarra, l’homme visé par la tuerie de Boffa Bayottes, sous les verrous




Source : Kewoulo.info

Repos forcé pour le sieur Malick Diarra. Le sulfureux bûcheron de Ziguinchor, l’homme par qui le malheur de Boffa Bayotte est arrivé, est obligé d’observer un temps de pause dans l’exercice de son activité illégale.

Arrêté par les agents des Eaux et Forêts, il a été placé en détention à la Maison d’arrêt et de correction de Ziguinchor. Et la gestion de son dossier fait l’objet d’une discrétion toute particulière. Enquête au cœur d’un dossier que les autorités veulent hautement sensible…


Natif du Mali, Malick Diarra est arrivé dans la capitale du Sud il y a, de cela, plusieurs années. A en croire des résultats d’enquêtes effectuées par Kewoulo, l’homme est détenteur d’une carte nationale d’identité sénégalaise ; sans que l’on ne sache comment il s’est procuré ce fameux document. Jugé belliqueux par les villageois qui l’ont fréquenté, Malick Diarra est décrit, par ceux qui le connaissent, comme un amateur des arts martiaux.

«Homme de réseaux», ce garçon -que rien ne prédestinait à être l’élément déclencheur de ce tragique événement qui, le 6 janvier 2018, a conduit à la tuerie de Boffa- est arrivé dans la capitale du sud comme un cocher. « Il avait une charrette attachée à un âne. Et, après avoir travaillé à Ziguinchor, il avait commencé à être visible entre Diagnon, Niaguiss et les villages environnants, transportant du bois coupé par les bûcherons« , a témoigné l’un des tout premiers associés de Malick Diarra.

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Ayant compris le gain facile qu’il pouvait obtenir, en se mettant à son propre compte, Malick Diarra a décidé de s’affranchir de ses employeurs. Au lieu de se limiter à transporter les troncs, pour les autres, il a décidé d’aller en brousse, s’acheter de beaux spécimens auprès des bûcherons. Et revenir les écouler, à Ziguinchor, auprès des grossistes qui devaient les acheminer entre Dakar et la Gambie. En moins d’une année d’activité, le jeune charretier a monté les échelons au point de déranger ses anciens patrons. Dans le cercle très fermé des coupeurs de bois de Ziguinchor, son nom a commencé à circuler. Et la jalousie de ses concurrents commença à croître. « En de nombreuses occasions, il s’est battu si violemment avec certains de ses concurrents que la police comme la gendarmerie ont été saisies pour violences, coups et blessures volontaires …« , a témoigné une source judiciaire.

Entre-temps, à Ziguinchor, la sulfureuse réputation du Malien a commencé à se répandre. Cette légende n’a pas tardé à arriver aux oreilles des combattants du MFDC. « En de nombreuses reprises, il a été surpris en brousse. Et, à chaque fois, il a été bastonné, déshabillé parfois, au point que, ce sont des femmes rencontrées en cours de route qui acceptent de lui donner de quoi se couvrir. Et, les rebelles lui ont toujours ordonné de ne pas revenir en brousse. Mais, c’est plus fort que lui », déplore-t-on à Ziguinchor.

Marié à une fille de la région, le Malien a fini par se faire accepter des Casamançais. Avec son oncle, Pa Traoré, ils ont été adoptés par les autochtones. Et si l’oncle, vendeur de rôniers, n’a jamais été inquiété, Malick Diarra, lui, est devenu l’objet de nombreuses réunions dans les cantonnements du MFDC. Et, la rumeur voulait qu’il serait tué la prochaine fois qu’il mettrait les pieds en brousse. Ayant eu vent de ce qui se tramait contre lui dans le Golf -vers Niaguiss et Diagnon-, le businessman a décidé de ne plus s’y rendre.


A partir de ce moment, il a remis du matériel à des jeunes qui travaillent pour lui. Et, c’est lorsque ces derniers sortent de brousse que le « Boss » récupère les chargements pour les acheminer auprès de ses clients. De l’Est, il délocalise son business dans le sud-ouest, vers Bourofaye et Boffa Bayotte. Cette zone, sous le commandement de César Toute Badiate, est depuis plusieurs années, en proie à une guerre inter-MFDC.

Et cette situation a été aggravée avec la mise en place, par l’ancien ministre de l’Environnement, Ali Aïdar, de comités villageois de vigilance pour la protection de la forêt. « Depuis plusieurs années, les jeunes de Bourofaye et de Toubacouta sont à couteaux tirés. A cause de la gestion d’une forêt de Teck que les populations de Bourofaye voulaient exploiter. Les populations de Toubacouta se sont opposées à l’exploitation de cette forêt, aujourd’hui, décimée. Et des bagarres avaient même conduit à mort d’homme. » Rappelle une source villageoise.

Aussi, lors de la tuerie de la foret de Diagnon,  « plusieurs jeunes de Toubacouta avaient trouvé la mort, tués, disait-on, par des rebelles dont de nombreux jeunes originaires de Bourofaye. » Et la gendarmerie nationale qui avait ouvert une enquête sur ce drame, n’a jamais bouclé le dossier. Dans cette partie de la Casamance, même si la présence des militaires dissuade les partisans de la loi du Talion, les deux villages voisins se guettent du coin de l’œil. Et, tout le monde est impatient d’en découdre dès lors que le signal de la solution finale aura sonné.

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C’est Malick Diarra qui a été le déclencheur de ce signal macabre. Alors que tous les charretiers qui rentraient dans cette forêt des Bayottes devaient s’acquitter d’une amende payée auprès du comité villageois, le businessman malien a refusé de s’y conformer. « Et tout naturellement, les jeunes ont saisi son matériel. Comme il disait qu’il avait des relations hauts-placées dans l’administration de Ziguinchor, il s’est rebellé. Et, il s’est battu avec les villageois », a déclaré une source proche du MFDC.

Sorti de cette bagarre avec une fracture du bras, Malick Diarra muni d’un certificat médical (de 60 jours d’IIT) comme un de ses employés, dépose une plainte auprès du procureur de la République à Ziguinchor. Ce dernier transmet le dossier à la brigade de gendarmerie d’Escale. Entendus par les pandores, les jeunes de Bourofaye ont reconnu les faits. Ils ont, aussitôt, été condamnés à de la peine de prison. « Dans un esprit d’apaisement, nous les avions condamnés à un mois de prison« , avait déclaré le procureur de Ziguinchor, Alioune Abdoulaye Sylla.


L’emprisonnement des quatre membres du comité de vigilance a été perçu, à Bourofaye Diola, comme « la provocation de trop de cette mafia » qui décime les forêts de Casamance. Aussitôt élargis de prison, en fin décembre 2017, ces quatre individus -tous membres du comité villageois- auraient été dans des réunions avec le journaliste, René Capain Bassène, en vue de poser « un acte majeur tendant à dissuader les coupeurs de bois » de rentrer dans la forêt. C’est dans l’exécution de « cet acte majeur » que, le 6 janvier 2018, l’opération de Boffa Bayottes a été montée. Heureusement, pour lui, Malick Diarra n’était pas venu ce jour-là en brousse. « C’est lui que tout le monde visait », ont déclaré de nombreuses sources villageoises.

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«Quand ils nous ont rassemblés, ils nous ont demandé si nous étions les personnes qui avaient eu des problèmes avec les jeunes de Bourofaye. Nous avons répondu «Non. » Ensuite, ils ont tiré sur nous », avaient déclaré les premiers survivants interrogés par Kewoulo. Aussi, au lendemain de cette tuerie de Bourofaye, une dame répondant au nom de Yama Diédhiou aurait appelé Malick Diarra pour s’assurer qu’il était bien mort. « Et quand elle m’a eu, au téléphone, elle m’a dit : « toi, tu es encore vivant ?», a rapporté Malick Diarra aux gendarmes. Pour ces accusations, Yama Diédhiou, habitante de Toubacouta, a été entendue, il y a quelques jours, par un juge d’instruction à Ziguinchor.

Lorsqu’il a rapporté ces faits à sa famille, son oncle –Pa Traoré- aurait conseillé à Malick Diarra de quitter le Sénégal. «Il a disparu, un temps. Mais, peut-être, à cause de son épouse qui est enceinte. Ou bien parce que, légalement, il n’a rien fait, il est réapparu à Ziguinchor quelques semaines après le drame », informe une source judicaire. Alors que le choc de la tuerie de la forêt des Bayottes est encore dans les mémoires, Malick Diarra, revenu à Ziguinchor, a renoué avec ses vieux démons. « Il ne va plus en brousse, c’est à Ziguinchor qu’il achète, transporte et transforme les troncs d’arbre », ont soufflé des agents de renseignements à la direction des Eaux et Forêts.

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Fort de ce renseignement, le capitaine Goudiaby instruit ses hommes de mettre fin aux activités illégales de l’homme. Recherché pendant plusieurs jours, Malick Diarra a été arrêté dans le courant mars. Gardé-à vue au commissariat de police, il a été acheminé à la Maison d’arrêt et de correction de Ziguinchor au moment où ceux qui sont susceptibles de porter atteinte à sa vie, ont été ventilés à travers les prisons de Dakar. Dans la capitale du sud, personne ne veut parler de cette gênante affaire. En mars déjà, quand nous avions, pour la première fois, évoqué le sujet, l’inspecteur régional des Eaux et Forets s’est offusqué que nous évoquions "cette affaire qui ne devait pas être connue des journalistes".

« Si ce sont des questions de développement, je n’ai pas besoin d’ordre pour en parler avec les journalistes. Mais, en matière de répression, je ne pourrais pas parler sans un ordre de mes chefs », a répété le capitaine Goudiaby, agacé de nous voir déterminés à tracer le parcours de Malick Diarra.  Pour cet officier des Eaux et Forets, les journalistes ne sont, tout juste, que de simples canaux de sa communication ; ils ne doivent pas traiter de «sujets sensibles ».

Après plusieurs semaines de tentatives pour percer le mystère Malick Diarra, nous nous sommes rendus à Ziguinchor, sur les traces de cet homme si emblématique au point que son interpellation soit gérée comme un secret d’Etat. Au bureau du directeur régional des Eaux et Forêts, le capitaine Goudiaby ne veut toujours pas entendre parler du sujet, sans «une autorisation expresse » de son patron, le directeur général des Eaux et Forêts. Après plusieurs jours d’enquête et des heures d’attente de cette hypothétique autorisation, le colonel Baïdy Ba nous a envoyés ce gentil mot : « nous sommes un corps paramilitaire. J’attends aussi l’aval de la hiérarchie. Je compte sur votre compréhension ».  Depuis le 10 avril nous attendons la réaction de sa hiérarchie.


Mame Fatou Kébé






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