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Comment bétonner des institutions afin de les mettre à l’abri de toute manipulation : à l’usage de ceux qui veulent servir le peuple

Par le substantif institution, nous comprenons tout détour mis en place afin de permettre aux hommes de ne pas recourir à la violence brute pour résoudre les conflits qui pourraient naitre des divergences qui résultent nécessairement de leurs intérêts antagoniques. Leur objet est de leur permettre de constituer une entité par opposition à la jungle dans laquelle la violence est monnaie courante. Elles constituent les piliers de la civilisation à l’image d’une fondation pour un bâtiment ; la civilisation, quant à elle, est la distance parcourue par les hommes depuis leur acceptation de la nécessité de ne plus laisser libre cours à leurs instincts.


Rédigé par leral.net le Vendredi 2 Avril 2010 à 16:22 | | 0 commentaire(s)|

Ce nouvel état d’esprit qui constitue la ligne Maginot entre celui qui essaie d’être humain et le brut ne se traduit pas par une élimination définitive de la violence mais par sa structuration et sa dématérialisation progressive. Freud dira que le premier à avoir entamé la civilisation est celui qui, au lieu de jeter une pierre à l’ennemi, s’est mis à l’invectiver. Parmi celles que les humains ont pu secréter, la démocratie s’est avérée être la plus judicieuse pour les départager. Toutefois, si dans ses principes elle y parvient, son application nécessite une intégrité de la part des hommes impliqués. Son essence est d’atomiser le pouvoir afin de ne plus permettre à une entité de mener le reste du peuple par le bout du nez. Toutefois, dans un contexte de non intégrité des hommes, il est nécessaire d’y adjoindre des compléments pour surmonter cet obstacle. Pour ce, il faut poursuivre ce processus d’atomisation qui présentement devrait s’orienter vers une limitation des attributs de l’exécutif : aucun pouvoir ne doit plus pouvoir agir sur un autre pouvoir en tant que pouvoir mais qu’en tant que contrepouvoir. Par exemple, l’exécutif ne pourra plus démettre un juge et encore moins le nommer. Toutefois, il pourra diligenter une enquête et apporter les preuves de ses accusations pour faire déchoir ce dernier par une commission indépendante et l’inverse pourra se faire. Un tel cadre institutionnel pourrait avoir six composantes Public-Législatif-Armée-Judiciaire-Exécutif-Medias ; le tout coiffé par une Commission inter institutionnelle composée d’individus issus des différentes institutions dont le rôle est d’arbitrer les différends entre institutions. Par ailleurs, étant donné que le problème majeur réside plus dans les hommes qui sont censés les fortifier, c’est dans leur choix qu’il faudra mettre l’accent. L’exécutif ne devra plus avoir voix au chapitre en dehors de son sillage et même dans celui-ci, des règles de nomination tendant à lutter contre l’arbitraire devront être mises en place. Il reviendra au Président de choisir ses ministres et eux, les membres de leur cabinet. Hormis, tous ceux qui sont dans la sphère publique devront être choisis selon le tandem « mérite+chance » : cela veut dire que s’il doit être pourvu un poste, un profil sera dégagé et tous ceux qui y répondent pourront déposer leur candidature. Les autres institutions, en tant que contrepouvoir, pourront diligenter des enquêtes pour jauger le degré de moralité des aspirants et veiller au respect des règles. Les candidats retenus subiront un tirage au sort public et celui qui sera désigné restera bétonné à son poste jusqu'à la fin de son mandat. Nul ne pourra le démettre à moins qu’il n’y ait preuve de son non intégrité et sa révocation ne pourra être prononcée que par une Commission inter institutionnelle. L’élu à un poste n’aura plus de menace permanente pour le faire remplacer mais à l’autre bout, nul ne pourra voler à son secours en cas de défaillance. Pour plus de transparence, l’Armée pourrait être chargée d’archiver les duplicatas des démembrements de l’Etat. L’opinion publique devra être renforcée en incitant tout un chacun à s’informer sur ce qui se passe dans l’espace public et à militer dans au moins une association à caractère non politique et rendre leurs dons déductibles d’impôt. Les journalistes quant à eux, pour mieux jouer leur rôle, devront être doublement outillés : une meilleure rémunération et un rehaussement de leur niveau de formation. Pour le Professeur Souleymane Bachir Diagne : « Il est temps que nous ayons des institutions au mécanisme bien huilé qui fonctionnent d’une manière prévisible. Si on veut substituer systématiquement au fonctionnement prévisible des institutions les passions individuelles, là nous avons un problème de gouvernance réel. Ce n’est pas un trait culturel. Je pars toujours de cette prémisse que les humains sont les mêmes partout. Il n’y pas plus de désir de pouvoir, de libido du pouvoir ici en Afrique qu’ailleurs. Mais il y a que les institutions marchent ailleurs et sont là surtout pour poser des freins devant des passions ou des volontés de manipulation.

Une société est essentiellement composée de trois axes : les institutions, l’ensemble du système productif et les infrastructures. S’il faut beaucoup d’efforts sans garantie de résultats pour moderniser les appareils de production afin de dégager des surplus pour multiplier les infrastructures, améliorer le fonctionnement des institutions relève d’une volonté politique que ne peut avoir que celui qui détient le pouvoir avec la volonté de servir le peuple car il devra renoncer à des privilèges ; à moins que le peuple ne se dresse comme un seul être et ne l’exige de force ou de gré.

Une démocratie dans un contexte de non intégrité des hommes érige des épées de Damoclès à travers une justice à plusieurs vitesses. L’unique qu’il nous faut devra être en silex et de préférence aiguisée dans les entrailles de l’enfer pour mieux y envoyer ceux qui voudraient nous y précipiter.

Ousmane Thiané Diop Université du Québec à Trois Rivières


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