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DE BAMAKO À LA GRAND-COMBE, L'ESPOIR ASSASSINÉ

Rédigé par leral.net le Samedi 3 Mai 2025 à 00:41 | | 0 commentaire(s)|

Aboubakar Cissé avait 16 ans quand il a traversé désert la mer pour rejoindre l'Europe. Sept ans plus tard, ce jeune Malien a été tué en France de dizaines de coups de couteau dans une mosquée, victime d'un crime islamophobe

(SenePlus) - Le 25 avril dernier, Aboubakar Cissé, un jeune Malien de 23 ans, était sauvagement assassiné dans la mosquée Khadidja de La Grand-Combe, petite commune du Gard. Ce crime, dont le caractère islamophobe a été retenu par la justice, a bouleversé la France et le Mali. Retour sur le parcours d'un jeune homme dont le rêve européen s'est transformé en tragédie.

Originaire de la région de Kayes, à l'ouest du Mali, Aboubakar Cissé est né à Abidjan, où s'était installée sa mère, Fatoumata Diagouraga. Son enfance se déroule entre la Côte d'Ivoire et Bamako, où vit son père Babiny Cissé. C'est dans la capitale malienne qu'il est scolarisé, fréquentant une école franco-arabe comme de nombreux jeunes Bamakois.

En 2017, poussé par "l'ombre grandissante de l'insécurité au Mali et par l'espoir d'une vie meilleure", selon Jeune Afrique, il entreprend le périlleux voyage vers l'Europe. À seulement 16 ans, il traverse l'Algérie puis la Libye, avant d'embarquer sur une embarcation de fortune à destination de l'Italie. De là, il gagne la France.

Considéré comme mineur non accompagné à son arrivée à Paris, Aboubakar est pris en charge par les services sociaux. Après deux années dans diverses structures d'accueil, il est orienté vers La Grand-Combe, cette petite ville du sud de la France où il allait trouver ses repères et construire son avenir.

Loin de l'image parfois véhiculée des jeunes migrants, Aboubakar s'intègre parfaitement dans sa ville d'adoption. "C'était un brave garçon. On le voyait souvent en ville, il se baladait beaucoup. Il avait obtenu son CAP de maçonnerie au lycée Pasteur", témoigne Patrick Malavieille, vice-président du département du Gard, cité par JA.

Son frère, Yoro Cissé, rencontré à Paris par le magazine panafricain, dresse un portrait émouvant : "Aboubakar n'était ni un voyou ni un radical. C'était un jeune homme doux, calme, apprécié de tous". Et d'ajouter : "Il me disait à chaque fois qu'il venait me voir à Paris qu'il aimait bien La Grand-Combe, que c'était une petite ville tranquille où il se sentait chez lui. Il n'a jamais eu de problèmes avec personne là-bas."

Le vendredi 25 avril, fidèle à son habitude, Aboubakar s'est levé tôt pour faire le ménage à la mosquée avant la prière collective. C'est alors qu'un homme prétendant vouloir se convertir à l'islam a pénétré dans le lieu de culte. Avec sa bienveillance habituelle, le jeune Malien l'a accueilli, lui expliquant les gestes de la prière.

L'enquête et les réactions

C'est à ce moment que l'individu a saisi l'opportunité pour l'attaquer sauvagement. Selon le procureur de la République d'Alès, Abdelkrim Grini, cité par Jeune Afrique, l'agresseur "lui aurait asséné au moins plusieurs dizaines de coups de couteau", entre 40 et 50 selon certaines sources.

Le corps d'Aboubakar a été découvert vers 11h30 par les fidèles venus pour la prière du vendredi. Les images de vidéosurveillance de la mosquée ont permis de reconstituer l'horreur de la scène, révélant également que l'assassin a filmé son acte, ajoutant à l'atrocité en lançant : "Je l'ai fait, [...] ton Allah de merde !"

Deux jours après les faits, le suspect, un Français d'origine bosniaque de 21 ans nommé Olivier Hadzovic, s'est rendu aux autorités italiennes près de Florence. Une information judiciaire a été ouverte par le pôle criminel du parquet de Nîmes pour "meurtre avec préméditation et à raison de la race ou de la religion".

En France comme au Mali, l'émotion a été considérable. À La Grand-Combe, une marche blanche a été organisée, tandis que dans plusieurs villes françaises, des manifestations contre l'islamophobie ont rassemblé des centaines de personnes. Le président Emmanuel Macron a exprimé son soutien à la famille et à la communauté musulmane, affirmant que "le racisme et la haine en raison de la religion n'auront jamais leur place en France".

Au Mali, des personnalités ont également rendu hommage au jeune homme. La chanteuse Oumou Sangaré s'est dite "profondément bouleversée par ce qu'il s'est passé", déplorant qu'"aujourd'hui encore, un enfant du Mali, un enfant du monde, tombe à cause de la haine". Le ministre des Maliens de l'Extérieur, Mossa Ag Attaher, a quant à lui appelé à ce que "toute la lumière soit faite sur les circonstances de ce drame".

Ironie cruelle du destin, Aboubakar, qui avait plaisanté avec son frère en lui disant qu'il retournerait un jour au Mali en avion quand il aurait fait fortune, sera bien rapatrié à Bamako, mais dans un cercueil.

Pour ce jeune homme qui avait bravé le désert et la mer, qui avait su s'intégrer et se faire apprécier dans sa nouvelle communauté, le rêve européen s'est transformé en cauchemar, victime d'une haine aveugle contre laquelle aucun parcours migratoire ne pouvait le préparer.

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Farid


Source : https://www.seneplus.com/diaspora/de-bamako-la-gra...