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DJIM OUSMANE DRAMÉ, AMBASSADEUR DU SPIRITUEL

Rédigé par leral.net le Samedi 9 Août 2025 à 01:38 | | 0 commentaire(s)|

Dans son bureau, entre le Coran ouvert et le portrait présidentiel, il symbolise la synthèse réussie entre foi et République. Ce directeur des Affaires religieuses a brisé les barrières linguistiques pour hisser l'arabophonie au sommet de l'État

Directeur des Affaires religieuses et de l’Insertion des diplômés en langue arabe, Dr Djim Ousmane Dramé est un pur produit de l’école coranique. Issu d’une lignée de maîtres coraniques du Saloum, cet arabisant a déjoué tous les pronostics, de Passy à l’université, en gravissant avec constance les échelons du savoir et de l’État. Maître de recherches titulaire à l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan), ce diplomate du religieux au sein de la République, incarne la réussite d’un arabophone dans un système largement façonné par les lettres françaises.

Dans son bureau sis en centre-ville, Dr Djim Ousmane Dramé est assis face à un Coran ouvert, plongé dans le silence d’une méditation intérieure. Au-dessus de lui, le portrait officiel du président surplombe la pièce. Toute une symbolique. Un double symbole, entre foi et République. Cette image, loin d’être anodine, semble être un retour aux sources, comme s’il revisitait un destin qu’il aurait pu pleinement embrasser : celui de maître coranique. Issu d’une lignée de grands érudits de l’islam, il a grandi dans l’univers des daaras et l’écho des versets coraniques récités à voix basse. Dr Djim Ousmane Dramé, aujourd’hui Directeur des Affaires religieuses et de l’Insertion des diplômés en langue arabe, a su briser les barrières sociales et linguistiques pour devenir l’une des figures majeures de l’arabophonie dans l’administration sénégalaise. Et dans un pays où le français demeure la langue officielle de l’État, son parcours fait figure d’exception.

Né à Passy, dans le département de Foundiougne, Dr Dramé grandit dans une famille profondément ancrée dans la tradition islamique. Très tôt, il intègre l’école coranique familiale, fondée vers 1830, alors dirigée par son oncle Abdou Dramé. Après la perte de son père, alors qu’il n’a que cinq ans, sa mère, veuve courageuse et résolue, veille à ce que ses enfants suivent le chemin tracé par son défunt époux : étudier et exceller. Une mission qu’elle accomplit avec rigueur, car durant son adolescence, le jeune Djim rêve d’un tout autre avenir : il veut devenir mécanicien à Dakar. Mais sa mère tient bon. Elle refuse de céder aux caprices d’un enfant qui commence à s’égarer, influencé par des fréquentations peu studieuses.

« N’eût été la détermination de ma mère, sur qui pesait le poids de l’éducation de ses enfants suite au décès de notre père, j’aurais abandonné les daaras pour devenir mécanicien automobile », relate Dr Djim Dramé, reconnaissant.

Un parcours de résilience

Ainsi, pour le remettre sur la voie, sa mère, avec l’aide de son oncle, l’envoie en immersion à Keur Madiabel, dans un daara plus strict. Cette étape sera décisive : impressionné par l’assiduité du jeune garçon, son maître et cousin lui conseille de rejoindre Coki, le prestigieux daara fondé en 1939 par Cheikh Ahmed Sakhir Lô. Après bien des hésitations de sa mère, effrayée par les récits sur la rigueur de l’établissement, Djim Dial, comme l’appellent affectueusement ses proches, y est finalement admis le 9 mai 1982. Il y reste jusqu’en 1987.

« À l’époque, quand on entendait parler du daara de Coki, les gens pensaient qu’il était impossible d’y survivre. Mais Coki m’avait accueilli avec vraiment à bras ouverts. C’est une école où tout était gratuit. Coki m’a tout donné. Si l’école avait été payante, je ne serais peut-être pas là aujourd’hui », confie-t-il, la voix empreinte de gratitude. Surtout envers Cheikh Ahmed Lô, dont la disparition reste un choc et l’un de ses pires souvenirs : « Il est décédé six mois après mon départ de Coki, or en quittant, il n’était pas malade. Cela m’a beaucoup affecté », confie le Saloum-Saloum, féru de mafé. Sa consolation après la perte de son maître, c’est cette formation coranique rigoureuse qui a forgé chez lui une discipline intellectuelle et une rigueur morale qui l’accompagneront tout au long de sa vie.

Guidé par la soif de connaissance et une résilience à toute épreuve, Djim Dramé quitte l’école de Coki à Louga pour poursuivre ses études à l’école franco-arabe Fadilou Mbacké, au Point E à Dakar. Là, il approfondit ses connaissances en arabe et continue à enseigner le Coran jusqu’à l’obtention de son brevet de fin d’études moyennes (Bfem). Parallèlement, l’élève tente de se perfectionner en français grâce à un instituteur qui, chaque mercredi, lui dispense des cours pour renforcer son niveau. En plus de son brevet, il réussit haut la main le très sélectif concours national. Sur les cinq candidats retenus à l’échelle nationale, il est classé premier ex æquo.

L’excellence en bandoulière

Mais Djim Ousmane Dramé voit plus loin. Il veut décrocher le baccalauréat et intégrer une université arabe. Sans bourse ni soutien particulier, il entame alors une quête obstinée : il frappe à toutes les portes, rédige des lettres, visite des ambassades. Certains établissements lui répondent, parfois en anglais. « Je faisais du porte-à-porte. J’écrivais des demandes. J’allais dans les ambassades, je déposais partout. Des universités m’ont répondu, parfois en anglais. Imaginez pour un jeune Sénégalais qui n’a appris que l’arabe, avec juste quelques notions en français. C’était déroutant », raconte-t-il, le sourire aux lèvres. Sa détermination finit par payer. En octobre 1990, il intègre l’université Al-Azhar du Caire, l’un des centres les plus prestigieux de l’enseignement islamique au monde. Il en sort avec une licence en littérature en langue arabe. L’accomplissement d’un rêve pour cet étudiant qui dévorait les œuvres de littéraires égyptiens comme Taha Hussein.

Un début de rêve, plutôt, car de retour au Sénégal en 1995, il enchaîne les diplômes entre le département d’arabe et la Fastef. Mais 2013 fut l’année de la consécration, et reste l’un de ses meilleurs souvenirs. « En tant que premier diplômé en langue arabe, j’étais le premier à soutenir une thèse de doctorat à l’Ucad », s’enorgueillit l’ancien chef du laboratoire d’islamologie de l’Ifan. À l’Institut fondamental d’Afrique noire, Dr Djim Ousmane Dramé s’illustre grâce à ses recherches sur l’éducation, les foyers et acteurs de l’enseignement arabo-islamique au Sénégal et en Gambie, les méthodes d’enseignement dans les daaras traditionnels, la littérature sénégalaise d’expression arabe, les poètes sénégalais, la production scientifique des marabouts lettrés sénégalais, la collecte des manuscrits, etc.

Une manière de contribuer à faire connaître la vie et l’œuvre de ces guides religieux — enseignants, éducateurs, formateurs de haute qualité – qui ont considérablement participé à la construction nationale et à la vulgarisation de l’enseignement arabo-islamique dans la Sénégambie. « Ces régulateurs sociaux, garants de nos valeurs religieuses, culturelles, cultuelles, spirituelles et sociales restent très peu connus du grand public », se désole le maître de recherches titulaire. Pour Souleymane Gaye, conservateur des centres de documentation à l’Ifan, Dr Dramé a considérablement enrichi la collection de manuscrits arabo-islamiques de l’institut. Selon lui, l’universitaire arabisant est un travailleur infatigable, un chercheur pétri de qualités : « Sur le plan professionnel, il s’investit pleinement dans ses missions en mobilisant toutes ses compétences. Sa curiosité intellectuelle et son désir d’avoir des résultats positifs le poussent à travailler au-delà des horaires, pendant ses missions de terrain dans les différentes régions du Sénégal », a-t-il témoigné. Et d’ajouter : « Sur le plan humain, il est sympa, honnête, modeste, altruiste et très sincère. Il respecte tout le monde et est ouvert d’esprit. C’est quelqu’un qui s’est beaucoup sacrifié pour sa famille. Il aime atteindre le plus haut niveau, non pour se servir, mais plutôt pour servir les autres ».

Un trait d’union

Aujourd’hui, sa trajectoire impressionne autant qu’elle inspire. Dans un pays où le français reste la langue dominante dans l’administration, Dr Djim Ousmane Dramé fait figure d’exception. Mieux : sa proximité avec les cercles religieux et son expertise reconnue l’ont conduit jusqu’au cabinet présidentiel, où il a été nommé conseiller. Un choix qui l’a surpris le jour où il a reçu l’appel de la Présidence : « Je ne suis ni de Pastef, ni d’aucune autre formation politique, et je n’ai jamais rencontré le président de la République. Je crois que s’il m’a nommé, c’est qu’il a eu confiance en moi », tente-t-il de se convaincre.

Cependant, ce choix n’est pas anodin. Dr Djim Dramé est perçu comme un pont entre deux mondes : celui des oulémas formés en arabe et celui de l’élite francophone. En tant que directeur des Affaires religieuses, il incarne un trait d’union entre les sphères religieuses et l’État. Un diplomate du religieux au cœur de la République. Sa réussite est un signal fort pour des milliers de jeunes talibés et d’arabisants, leur prouvant que l’arabe peut aussi mener aux sommets de la République.

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Farid


Source : https://www.seneplus.com/education/djim-ousmane-dr...