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Du franc CFA à l'Eco: Les réactions à l'annonce de la réforme

Rédigé par leral.net le Lundi 23 Décembre 2019 à 09:22 | | 0 commentaire(s)|

Après l'annonce «historique», terme employé par Emmanuel Macron et Alassane Ouattara, les réactions des Africains, de l'ouest, du centre, anonymes, économistes ou anciens leaders politiques, à cette réforme ne tarissent pas. Florilège.


Pour Mamadou Koulibaly, candidat du parti Lider à l'élection présidentielle de 2020, il s'agit de la fin d'un tabou autour du franc CFA. Cependant, l'éco dont il avait rêvé pour la zone Cédéao ne ressemble pas à celui qui est en train de se mettre en place. Il voit dans l'annonce d'Abidjan une décision très politique, qui n'a pas été assez préparée.

Autre réaction, au Burkina Faso cette fois, celle d'Ablassé Ouedraogo, ex-ministre des Affaires étrangères, économiste et ancien directeur général adjoint de l’Organisation mondiale du commerce. Pour lui, il s'agit d'une décision politique certes, mais qui a été prise au moment opportun. L'accompagnement par la France de la transition vers l'éco, selon lui, est une bonne chose pour les économies africaines.

«Bonne nouvelle», «précipitation» : qu'en pensent les Burkinabè ?

Dans les rues d'Ouagadougou, le débat sur la nouvelle monnaie est en cours, et parfois vif. Depuis l’annonce de la création de l’éco par le président ivoirien et les décisions prises par les chefs d’État de la zone Uemoa, pour certains Burkinabè, c’est un premier pas vers la création d’une monnaie commune ouest-africaine. « C'est un grand pas, mais je sais que beaucoup de chemin reste à faire », estime cet habitant quand un autre salue « une bonne nouvelle », en espérant que tout a été pris en compte.

Ce chemin encore long inquiète justement Youlouka Damiba. Cette annonce pourrait entraîner une division au sein de la communauté ouest-africaine estime-t-il : « La France ne fait que transvaser le CFA dans l'éco. Beaucoup de gens sont inquiets sur cet aspect qui divise tout de suite le groupe de la Cédéao, qui avait commencé cette réflexion de monnaie unique. Avec une précipitation comme celle-là, on arrive à l'inverse. »

«Un test pour les Africains»

Inspecteur du travail et des lois sociales, Joël Santouma préfère attendre avant tout la mise en œuvre des premières mesures annoncées. « On ne sait pas sur quelle organisation, économique, monétaire, les États vont véritablement assurer la qualité de fonctionnement de cette nouvelle monnaie. »

« En tout cas, l’annonce de la création de l’éco est un test pour les Africains », souligne Juvénal Somé, pour quoi cela devrait imposer de la rigueur dans la gestion de leur économie : « Ceux qui réclament aujourd'hui cette nouvelle monnaie doivent aussi derrière faire des efforts importants. »

Même si de nombreux Ouagalais saluent ce premier pas, ils estiment que leur combat demeure la rupture totale.

Au Sénégal, l’économiste Felwine Sarr estime qu’il y a encore beaucoup chemin à faire avant le véritable changement espéré. « La variable qui nous intéresse n’a pas changé. Là où on voulait qu’il y ait une vraie évolution pour que la politique moderne soit plus souple et flexible, qu’on puisse avoir l’instrument du taux de change pour ajuster nos chocs, nos balances commerciales sont déficitaires. Rien ne change de ce point de vue-là. Donc ce qui a changé, ce sont les aspects les plus symboliques et les plus controversés. Mais les principaux fondamentaux de politique monétaire n’ont pas changé ».

Son compatriote économiste, Demba Moussa Dembélé, animateur au sein du Forum social africain, pense qu’il n’y a rien d’historique, car pas de vraie rupture avec la France.« Pour nous, ce n’est pas un jour historique parce que tout simplement il n’y a pas de rupture. (…) La Banque centrale de l’Afrique de l’Ouest va continuer à conduire les mêmes politiques monétaires en donnant la priorité à la lutte contre l’inflation, en calquant cette politique monétaire sur celle de la Banque centrale européenne pour garder cette parité fixe. Pour nous, c’est une façon de torpiller le projet de la Cédéao [Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest] parce que, aussi longtemps que ces liens existent avec la France, le Nigeria et d’autres pays n’accepteront jamais de rejoindre cette monnaie ».

Enfin au Bénin,Albin Feliho le président de la Confédération national des employeurs du Bénin (Coneb) pense que l’annonce faite par les présidents Emmanuel Macron et Alassane Ouattara obéit à des pressions du moment et ne prend pas totalement en compte les exigences des grands pays anglophones de la Cédéao comme le Ghana et le Nigeria, les pays hors l’UEMOA [Union économique et monétaire ouest-africaine]. « S’il était utopique de satisfaire aux conditions du courant de pensée porté par le Nigeria et le Ghana, compte tenu des délais trop courts, nous notons que cette annonce fait quand même preuve de réalisme et de pragmatisme », note-t-il.







RFI