Par leur impardonnable faute, les élites de tous les pays du monde cantonnèrent celles et ceux dont le très lourd fardeau que leur impose l’ignorance ne s’allège pas pour cause de non accès, à l’éducation, l’information et la culture, dénoncé par toutes les déclarations des droits de la personne humaine. C’est que les élites, non enclines, pour cause de sectarisme, à conforter l’universel, en tant qu’allègement de toutes les charges dont l’analphabétisme, n’entreprennent rien ou presque pour éviter que ce qu’elles désignent par populace, hélas nombreuse, ne tombe entre les mains des farouches partisans de l’ochlocratie. Issue de la pathologie dégénérative de la démocratie sous les coups de boutoir d’irréductibles ochlocrates, l’ochocratie, le pouvoir de la foule, chipé à la foule, s’impose alors à tous jusqu’au prochain réveil de l’Histoire.
Le 27 décembre 2024, bientôt un an depuis qu’il court contre les institutions de la République, Ousmane Sonko se décide enfin de prendre la parole à l’Assemblée nationale dans une atmosphère si peu virevoltante qu’on se croirait dans une interminable minute de silence le temps d’un discours de politique générale dont l’analyse, après coup, dit définitivement tout sur l’encore premier ministre de Bassirou D. D. Faye.
Le dendrogramme infaillible
Depuis l’an 2000, correspondant à l’année de notre intérêt appuyé pour la politique qui justifie le choix de cette date plutôt qu’une autre, 11 premiers ministres, de Moustapha Niasse à Ousmane Sonko en passant par Mame Madior Boye, Idrissa Seck, Macky Sall, Cheikh Hadjibou Soumaré, Souleymane Ndéné Ndiaye, Abdoul Mbaye, Aminata Touré, Mahammed Boun Abdallah Dionne (paix à son âme) à deux reprises (2014 et 2017) et Amadou Ba, sacrifièrent au rituel démocratique et républicain en vertu de la Constitution de la République intronisée par la hiérarchie des normes. Chaque discours de politique générale constituant une entité, deux grandes classes de discours se dégagent de la douzaine de textes dans lesquels n’importe qui peut opérer un tri en se faisant aider par un puissant outil d’analyse électronique adéquat qui ne dédouane pas pour autant le lexicométricien - celui qui analyse par le lexique des locuteurs - de la lecture, avant coup, des épreuves écrites. On désigne par dendrogramme le diagramme grâce auquel le spécialiste identifie les classes de textes pour mesurer, à l’intérieur d’une classe, les oppositions et rapprochements entre les entités. C’est aussi le principe du clustering qui permet de faire une classification des entités étudiées par distance ou similarité. En faisant le tri à l’intérieur des deux classes d’entités - Moustapha Niasse d’un côté et Abdoul Mbaye, Ousmane Sonko et Mame Madior Boye de l’autre - distantes ou similaires, le dendrogramme réalisé est celui présenté en illustration de notre tribune. Ousmane Sonko porta son choix sur la partie du diagramme global, constitué des 12 discours, qui fait que le discours de politique général prononcé, le 27 décembre 2024 devant la représentation nationale, n’est ni plus ni moins que le texte du grand oral de l’ancienne première ministre Mame Madior Boye. Ne célébrant que son nombril, Narcisse Sonko ne daigna pas rendre hommage à la grande dame de la République qui fit œuvre utile en s’adressant à son peuple, le lundi 1 janvier 2001, à travers ses honorables représentants élus au suffrage universel. Après avoir lu et/ou fait lire à ses nègres de service les discours de politique générale de Moustapha Niasse et de Mame Madior Boye, Ousmane Sonko adopta la conduite d’écriture dont Mame Madior Boye fit état au début de son discours de politique générale. « Si nous voulons mettre le Sénégal en ordre de bataille et les Sénégalais au travail, nous devons appréhender la réalité sans retard », dit-elle. « Mais, précise-t-elle, il ne s'agit point pour nous de faire l'état des lieux. Mon prédécesseur - [Moustapha Niasse] - s'en est déjà acquitté avec brio en faisant “un inventaire précis, objectif et sans complaisance” de la situation du pays à l'occasion de sa déclaration de politique générale le 20 juillet 2000. Permettez-moi donc de ne pas y revenir. » Ousmane Sonko et/ou ses nègres de service en concluent qu’ils doivent faire comme Niasse avant d’entreprendre de piller le patrimoine immatériel dont Madior Boye gratifia la République après avoir quitté ses fonctions de Garde des sceaux, ministre de la Justice dans le gouvernement dirigé par Moustapha Niasse dont le soutien historique au pape du Sopi (« changement en ouolof ») se solda par le triomphe par lequel commença, le 2 avril 2000, la séquence libérale qui prit fin le 24 mars 2024.
Le générateur du dendrogramme ne s’est pas trompé ! Il ne se trompe d’ailleurs jamais puisque celui qui le manie, en passant au peigne fin les textes de son corpus, peut multiplier les grands et moins grands tests de validation du diagramme généré. Passé l’état des lieux comme dans le discours de politique générale de Moustapha Niasse, Ousmane Sonko prit tout à sa successeure Mame Madior Boye. Quatre lexèmes - mots dans le jargon des lexicométriciens - attestent ce que nous avançons. Il s’agit des mots au singulier et/ou au pluriel « éducation, formation, et emploi » dont les fréquences dans les discours de Mame Madior Boye et d’Ousmane Sonko sont trop voisines pour ne pas dire parfaitement égales. Il ne fait aucun doute qu’on peut juger tout un discours, consacré aux préoccupations de tout un peuple, en le jugeant en fonction des places réservées, dans ledit discours, à l’éducation, la formation et l’emploi. L’emploi quand, bien sûr, l’environnement propice à la création de richesses est établi et entretenu et lorsque les richesses, équitablement réparties dans le pays au travail pour son affranchissement immatériel et matériel, sont au rendez-vous.
Ousmane Sonko est un plagiaire ! Il plagiat Mame Madior Boye. Inutile de comparaître devant un tribunal inquisiteur pour le prouver. La science a établi qu’il a triché pour passer le cap fatidique de la déclaration de politique générale qui requinqua une fois encore l’ochlocrate au pouvoir. Mais pour combien de temps encore à ne jamais travailler et à gagner du temps au contact des foules qui transformèrent la place publique en un immense réceptacle de harangues sans fin. Voilà en tout cas bientôt un an que cela dure.
Un discours de généralités politiques
La présidente de l’unique groupe parlementaire de l’opposition à l’Assemblée nationale, l’avocate et femme politique Aïssata Tal Sall, n’a pas tort d’attirer l’attention des citoyens assis devant leurs écrans de télévisions sur les slogans dans le discours chipé et travesti de M. Sonko. Jusqu’à la fin des temps, la plupart des slogans, exemples parfaits de viol par le langage, figureront dans les discours politiques des ochlocrates d’abord. Le philosophe politique roumain Constantine Salavastru, dont nous avons recommandé l’œuvre de philosophie politique à nos anciens étudiants de l’Institut des sciences de l'information et de la communication (ISSIC) - le journaliste et directeur de Walf, Moustapha Diop, connu pour ses digressions pro-Sonko, est l’un de ceux-là - dit des slogans qu’ils excluent la réflexivité dans une relation de pouvoir reliant son détenteur et sa destination (les foules notamment) pour lui signifier que la réciprocité n’existe pas. Et pour cause ! L’intellectuel camerounais Achille Mbembé parlant du « viol par le langage » dont le slogan est l’une des formes les plus courantes, écrit que « dans tous les rapports où l'une des parties n'est pas assez libre ni égale, le viol souvent commence par le langage - un langage qui, sous prétexte de n'exposer que les convictions intimes de celui qui le profère, s'exempte de tout, refuse d'exposer ses raisons et s'auto-immunise tout en faisant porter tout le poids de la violence au plus faible ». Mbembé répondait au discours controversé prononcé par l’ancien président français Nicolas Sarkozy, le 26 juillet 2007, peu après son élection, à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar.
La lecture des commentaires de profanes sur les réseaux sociaux avant et après la clôture du rituel républicain du vendredi 27 décembre 2024 en dit long sur les stigmates d’un viol par le harangue qui dura dix ans dans l’opposition et qui se poursuit pour on ne sait combien de temps encore.
Dans la septième édition de son ouvrage sur les « libertés publiques » (Dalloz, 1989), Claude-Albert Colliard parle des causes sociales, économiques et techniques de la « crise des libertés publiques ». Selon Colliard, « les causes sociales se résument en l’apparition, (…), du phénomène de masse ». « Les masses, écrit-il, tiennent des foules des sentiments parfois violents ». De sorte que « l’organisation des masses en partis politiques animés par quelques formules simples a abouti à une simplification artificielle et parfois dangereuse des problèmes, à une disparition des nuances ». « Jub-Jubal-Jubanti» (3J) est la dernière-née de ces formules simples qui ont fait tilt au Sénégal au cours du dernier quart de siècle politique. Ousmane Sonko trouve au 3J deux emplacements dans « son » discours de généralités politiques qui font que ses partisans d’abord l’attentent maintenant à la foire non révocable des bons résultats dont rien n’indique l’arrivée prochaine. « Nous avons déjà entrepris de bâtir une Administration publique autour des principes de probité et d’intégrité autour du “Jub, Jubal, Jubanti” », écrit Sonko juste avant de faire cap dans « son » texte sur 2025-2029.
Qui disait qu’Ousmane Sonko est le meilleur premier ministre que le Sénégal s’est donné depuis l’indépendance ? Le président de la République Bassirou D.D. Faye ! Le président de tous les Sénégalais changera-t-il d’avis avant longtemps ? Ses hautes charges ne lui permettent pas de lire les bénévoles du mouvement des idées ou ce qu’il en reste. L’auteur de cette tribune peut néanmoins se satisfaire d’avoir respecté sa promesse : répondre à Diomaye après la lecture et surtout l’analyse lexicométrique du discours de politique générale du premier ministre qu’il programma, pour rien, pour le 13 septembre 2024, dénonçant lui-même sa propre signature déjà entre les mains de l’ancien président de l’Assemblée nationale Amadou Mame Diop.

Source : https://www.seneplus.com/opinions/et-ousmane-sonko...