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Économie sénégalaise: Que révèle, véritablement la note de l'agence de notation financière Moody's ?

Rédigé par leral.net le Mercredi 19 Avril 2017 à 23:59 | | 0 commentaire(s)|

Par publication en date du jeudi 13 avril 2017, effectuée par l'agence internationale de notation financière Moody's, le Sénégal a vu sa note sur le crédit souverain passer de B1+ à Ba3. Depuis lors, plein de questions taraude l'esprit, de bon nombre de nos concitoyens, du genre : Que signifie réellement cette notation souveraine, notamment son origine ? ; Peut-on accorder du crédit à l'agence Moody's ? ; Quels sont les critères de notation ? ; Quelles sont les valeurs des notes B1+ et Ba3 ? ; Et le Sénégal dans tout ça ?...etc....etc.

Alors, par cette contribution, nous essayons modestement d'analyser la situation et de répondre à quelques-unes d'entre elles :
 
De l'Antiquité, à l'époque des cités-États à nos jours, avec les États, en passant par les États-nations, il a été factuellement démontré que ces derniers ont toujours eu du mal à rembourser convenablement, leurs dettes. Ainsi, cette situation tendancielle du risque des défauts, a eu à entraîner vers le début du XVIIe siècle, la chute de plusieurs régimes, doublée d'une faillite, au fur et à mesure, de plusieurs banques et banquiers prêteurs (celle de la fameuse maison FUGGER, en est une parfaite illustration).

Au cours de son siècle d'or (XVIe au XVIIe siècle), l'Espagne, pourtant première puissance européenne de l'époque, en a fait les frais. Ensuite arrivèrent le tour de la France et celui des autres grandes nations européennes (XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles). Durant 3 longs siècles (XVIIe au XXe), l'instabilité des États, accentuée par la spéculation boulimique de certaines banques prêteuses (cas de Rothschild et le roi de Prusse en 1810), était devenue une "psychose" chez les dirigeants. Ce qui a conduit, à la fin du XIXe siècle, le Crédit Lyonnais à initier, la toute première méthode de notation souveraine, à usage interne et basée sur le service de la dette de l’État. Ensuite,  apparaîtront, en 1910 et pour la première fois, des analyses, indépendamment des Banques sur le risque souverain de l'État. Ces dites publications étaient l'œuvre de l'agence Moody's Investors Service, communément appelée MOODY’S.
 
Créée en 1909, par un journaliste financier américain, John MOODY, l'agence qui porte son nom, MOODY’S, spécialisée, entre autres, dans la notation des titres obligataires souverains, est l'actrice des tous premiers ratings  (notes) publiés sous forme de fiches de renseignements économiques et financiers sur les entreprises avec mention d'une note évaluative, mesurant le niveau de défaut de risque de chaque obligation émise par ces dernières. Ces fiches étaient, par la suite, vendues aux différents fonds d'investissement, établissements de crédits et investisseurs particuliers, pour leur permettre de mieux analyser les risques afférents à chaque investissement sur une entreprise donnée.

Au fil du temps, ces notes, initialement utilisées sur les entreprises notamment industrielles, sont adaptées sur les États pour une meilleure régulation du marché financier mondial, obligataire, en particulier. Ainsi, elle régna en maître jusqu'à l'apparition de 3 nouveaux concurrents : Standard Statistics, Poor’s (qui fusionneront en 1941 pour former Standard & Poor’s) et Fitch. Actuellement, MOODY’S constitue, avec ces deux dernières, les 3 principales agences de notation souveraine au monde. 
 
Pour déterminer la notation souveraine d'un État donné, les agences considèrent habituellement un grand nombre d’indicateurs économiques, financiers et politiques. Depuis 1920, période des premières notations destinées aux États, il convient de rappeler que les principaux déterminants des notes sont quasiment restés invariables. Néanmoins, cinq grands critères « incontournables » sont toujours dégagés : le produit intérieur brut (PIB) par habitant, la stabilité politique et institutionnelle, le niveau d’endettement, le respect par l’État de ses obligations financières au cours des années passées et le taux d’inflation. Pourquoi ces critères :
- Le PIB par Habitant : pour essentiellement  déterminer la capacité d'épargne de la population pour son éventuelle participation dans le remboursement des dettes ;
- La Stabilité politique et institutionnelle : pour faire explicitement référence aux indicateurs de gouvernance de la Banque Mondiale ;
- Le niveau d'endettement : pour examiner, surtout, le degré de soutenabilité de la dette publique ;
- Le respect des obligations financières : pour établir la réputation financière du pays ;
- l'Inflation : pour déterminer le pouvoir d'achat des ménages.

Par ailleurs, pour les pays dits Émergents ou en Développement,  deux autres critères supplémentaires sont, souvent rajoutés à savoir : les réserves de change d’une part et les envois de fonds effectués par les travailleurs immigrés vers leur pays d’origine (workers’ remittances) d’autre part. En résumé, tout ce qui fait un État modèle est pris en compte dans les méthodes de calcul de la notation souveraine.
 
Après prise en compte de chaque critère, deux outils statistiques sont traditionnellement utilisés : les taux de défaut (default rates) et les ratios d’efficacité (accuracy ratios) pour finalement  attribuer des notes à chaque pays, en fonction de son degré de solvabilité à rembourser correctement ses dettes envers ses investisseurs. Ces notes, ou ratings, vont de Aaa (pour les obligations d’État jugées les plus sûres) à C (pour celles qui sont en défaut de paiement). En l'espèce, le Sénégal est passé de niveau B1+ (très spéculatif) à Ba3 (spéculatif) et tend vers la qualité moyenne inférieure.
 
Ces avancées notoires, sur le plan économique, nous crédibilisent  davantage auprès des différents et probables investisseurs. Alors, être noté positivement par la plus grande agence de notation souveraine au monde, constitue une aubaine pour le Sénégal, dans la réalisation, sans équivoque, de ses projets devant nous mener vers l'Émergence, tant vantée par le régime en place.

"Le risque souverain est inhérent à l’existence même des États", ainsi parlait, Norbert Gaillard, Docteur en économie, consultant indépendant dans son  ouvrage A Century of Sovereign Ratings (New York, Springer, 2011). D'où l'importance d'avoir de crédibles baromètres de solvabilité.

Qu'Allah SWT veille sur notre cher Sénégal … Amen 

Par Elhadji Daniel SO 
Homme Politique