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Exposition à la Galerie Vema: Le carnet de voyage pictural d’Anouchka Desseilles au Sénégal

Rédigé par leral.net le Dimanche 26 Février 2023 à 17:28 | | 0 commentaire(s)|

Des œuvres de la plasticienne française, Anouchka Desseilles, sont exposées à la galerie Vema, près de l’embarcadère de Gorée, jusqu’au 4 mars. À travers ces tableaux, elle raconte ses pérégrinations picturales au Sénégal, un pays qu’elle a découvert en 2005 et qui, depuis cette date, est devenu une véritable source d’inspiration. Par Modou Mamoune FAYE […]

Des œuvres de la plasticienne française, Anouchka Desseilles, sont exposées à la galerie Vema, près de l’embarcadère de Gorée, jusqu’au 4 mars. À travers ces tableaux, elle raconte ses pérégrinations picturales au Sénégal, un pays qu’elle a découvert en 2005 et qui, depuis cette date, est devenu une véritable source d’inspiration.

Par Modou Mamoune FAYE

Il fait froid dehors. Un vent fort et frisquet souffle aux abords de la galerie Vema, tout près de l’embarcadère de Gorée, en plein cœur de Dakar. Une semi-pénombre crépusculaire enveloppe les lieux, mais à l’intérieur de cet espace culturel entièrement rénové, règnent une lumière, une ambiance chaleureuse et conviviale. Entre notes langoureuses distillées par un fringant guitariste et chanteur de variétés, petits fours, thé réchauffant et sourire accueillant de la maîtresse de lieux, Binette, et de son époux l’architecte et cinéaste Nicolas Sawalo Cissé, les invités contemplent les œuvres accrochées aux murs immaculés. Un éclairage cru accentue les couleurs des tableaux de l’exposition de la plasticienne française, Anouchka Desseilles, dont le vernissage a lieu en ce mardi 21 février 2023. Le thème choisi, «Deux petites vagues pour se noyer», est empreint de poésie. Un clin d’œil à ces milliers de migrants qui quittent leur pays en affrontant les océans pour rejoindre l’Occident considéré comme un Eldorado. L’année dernière, elle avait participé à La Rochelle à une expo sur le thème du «Radeau de la Méduse» du peintre français Théodore Géricault. «J’ai réinterprété ce célèbre tableau car, pour moi, il est important de le remettre en scène par rapport à l’actualité», nous explique Anouchka Desseilles. L’événement avait regroupé 34 artistes contemporains autour d’une exposition intitulée «Le Radeau des Médusés».

À travers ses tableaux, elle raconte ses pérégrinations picturales au Sénégal, un pays qu’elle a découvert en 2005 et qui, depuis cette date, est devenu une véritable source d’inspiration. «Quand j’arrive dans ce pays, je suis éblouie par l’éclat de la vie et l’hospitalité des gens. Ma première démarche est de prendre mon crayon pour croquer tout ce que je peux voir, tout ce que je peux capter d’une manière naïve», confiait-elle récemment. Cette artiste visuelle originaire de Boulogne-sur-Mer, dans le nord de la France, affirme avoir un rapport traditionnel avec la peinture sur laquelle elle jette un regard figuratif. Son exposition à l’espace Vema, visible jusqu’au 4 mars, est organisée en partenariat avec la galerie parisienne Frédéric Roulette, dont l’initiateur était présent au vernissage.

DIMENSION POLITIQUE DE LA PEINTURE

La peintre française entretient des liens quasi fusionnels avec la Casamance, cette région du sud du Sénégal qu’elle a visitée pour la première fois il y a presque une vingtaine d’années. Elle l’avait ralliée en… camion frigorifique et, depuis, y retourne régulièrement. «J’y ai développé des sentiments affectifs avec des amis qui sont devenus presque une famille. Je me suis donc inspirée de la lumière, de l’éclat et de l’humanité des gens que j’y ai rencontrés», se souvient-elle. Selon Anouchka Desseilles, la peinture est comme une façon de partager des émotions, mais aussi de jeter un regard politique sur le monde qui l’entoure. «Pour moi, la peinture n’a du sens que si elle a une dimension politique, même si elle n’est pas clairement exprimée dans les tableaux. Il y a un regard et des interrogations qui sont mis en scène dans les œuvres que je peins. C’est une manière de s’interroger sur le monde dans lequel on vit et sur la politique détestable de l’Occident envers les migrants», raconte-t-elle.

Une autre partie du Sénégal qui l’a marquée, c’est la Petite Côte sur laquelle elle projette un regard d’ethnologue. Elle se souvient avoir été particulièrement éblouie lorsqu’elle a découvert cette zone pour la première fois, avec ses pêcheurs qui affrontent inlassablement les vagues à la recherche du poisson devenu rare ; ces jeunes et leurs rapports à la mer, la manière dont ils maîtrisent les éléments… «Tout cela constitue une dichotomie et tranche net avec les rapports que les sociétés occidentales modernes entretiennent avec la nature. Nous sommes tous conscients des problèmes écologiques auxquels la planète est confrontée. Après avoir réalisé cette série de tableaux sur les pêcheurs et les jeunes du village de Yenne, j’ai appris que leur zone de pêche traditionnelle risque de disparaître avec le projet d’agrandissement du port de Dakar jusqu’à Toubab Dialao. C’est toute une mémoire villageoise qui risque de disparaître», regrette-t-elle. Il était donc important, pour Anouchka Desseilles, d’avoir ce regard et d’immortaliser tout cela avant que ce mode de vie ne disparaisse. Une situation qui pousse au pessimisme, mais elle souhaite transformer son rêve en espoir grâce à la peinture afin qu’une trace subsiste de ce patrimoine pour que les générations futures s’en souviennent.

Dans certains de ses tableaux, elle met en scène les surfeurs et footballeurs de la plage de Yenne, les adolescents qui promènent leur mouton au bord de l’océan, le portrait d’une jeune femme appelée Thérèse posant devant un mur de briques ocres et toutes ces scènes rythmant la vie quotidienne des paisibles contrées qu’elle prend du plaisir à… croquer. Ses thèmes de prédilection sont la migration, l’écologie et les rapports de domination. «Ce qui m’intéresse dans ma pratique de plasticienne, c’est d’interroger ces rapports dans nos sociétés, quels que soient les continents. Une manière de renverser l’ordre hiérarchique, de défaire les codes de l’histoire de l’art du 18ème siècle : représentation de l’autre, classes sociales, genres…», disait, dans une interview, cette artiste qui affirme que «l’Afrique rend la vie plus belle», en référence à une autre exposition confectionnée comme une sorte de «doux carnet de voyage» au retour d’une de ses expéditions en Casamance. Sa technique, expliquait Anouchka Dessailles, c’est la peinture traditionnelle, avec une certaine lourdeur et une volonté de pousser à découvrir, au fur et à mesure, les détails avec des aspects graphiques. L’exposition à la galerie Vema n’est pas sa première au Sénégal. Lors de la Biennale de Dakar 2022, elle avait montré ses tableaux dans un événement Off au Bureau africain des arts et techniques (Baat) de Yenne. Dans une série intitulée «Soleil noir», elle mettait en scène le quotidien des Sénégalais à travers ses populations urbaines, ses villageois, ses pêcheurs, agriculteurs et transporteurs de déchets. «Via le prisme des éléments premiers (le feu, la terre, l’eau et l’air), j’ai peint la frugalité et la luminosité des villages, les violences urbaines du printemps 2021 (les fameuses émeutes de mars, ndr), mais aussi la fièvre du football de la Petite Côte et de Casamance. La plénitude et le vide, les sentiments retenus et les comportements exacerbés mettent à vif mon regard sur la complexité de cette société contemporaine», expliquait-elle. Son exposition à la galerie Vema entre en droite ligne de ce voyage initiatique qu’elle poursuit au Sénégal à travers des œuvres pleines de réalisme et empreintes d’une certaine philosophie, d’un art de vivre…

 

 

 

 



Source : https://lesoleil.sn/exposition-a-la-galerie-vema-l...