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JOURNÉE D’HOMMAGE AUX TIRAILLEURS SÉNÉGALAIS : À la mémoire de Serigne Fallou Fall et des fils de Cheikhs de la Grande Guerre

Rédigé par leral.net le Vendredi 2 Mai 2025 à 15:53 | | 0 commentaire(s)|

Le mardi 6 mai 2025, le calme apparent des lieux …

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JOURNÉE D’HOMMAGE AUX TIRAILLEURS SÉNÉGALAIS :
À la mémoire de Serigne Fallou Fall et des fils de Cheikhs de la Grande Guerre
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Le mardi 6 mai 2025, le calme apparent des lieux saints et des maisons de savoir religieux cédera la place à une mémoire rugissante. De 9h à 17h, une journée d’hommage exceptionnelle se tiendra à l’initiative de Serigne Djily Fall, pour honorer la mémoire de Serigne Fallou Fall et de ces fils de Cheikhs sénégalais qui, dans l’ombre de l’Histoire, ont porté l’uniforme militaire durant la Première Guerre mondiale.


Cette rencontre, placée sous le thème « Armée, liberté, citoyenneté et religions », ne se contentera pas de dresser des portraits figés. Elle convoquera les silences, les deuils tus, les prières chuchotées et les sacrifices tus des talibés qui ont répondu à l’appel de la guerre, sans renier leur foi.
Il y a des figures qui ne se laissent pas facilement archiver. Serigne Fallou Fall est de celles-là. Fils d’une noble lignée religieuse, il aurait pu se contenter du silence des khassidas et de l’enseignement des textes. Mais l’Histoire coloniale, brutale et inattendue, l’a conduit ailleurs : vers les tranchées de Verdun, les vents froids du front de la Somme, ou les camps d’entraînement de Thiès ou de Fréjus.
Le récit de Serigne Fallou Fall, encore méconnu, résonne comme une énigme : qu’est-ce qui pousse un marabout à répondre à l’appel de l’armée coloniale ? Était-ce un choix personnel ? Une contrainte ? Un acte de protection de sa communauté ? Une stratégie silencieuse d’infiltration ou de résistance spirituelle ? Ou simplement un sacrifice accepté au nom d’un destin collectif ?

À ses côtés, des dizaines d’autres fils de guides religieux, disciples engagés, ont rejoint l’armée. Beaucoup n’ont jamais eu droit à une plaque commémorative, un livre d’histoire, ou une simple reconnaissance de leur combat. Et pourtant, ils ont vécu l’humiliation du casque, la peur du sang, l’exil, les lettres jamais revenues, les prières murmurées dans la boue.
Les récits oraux transmis dans certaines familles de Touba, Kaolack, Ndiassane, Pire ou Tivaouane parlent de jeunes partis « faire la guerre du Blanc » et jamais revenus. D’autres ont survécu, sont revenus marqués, silencieux, pieux jusqu’au mutisme, refusant parfois de raconter ce qu’ils avaient vu.
Le choix du thème « Armée, liberté, citoyenneté et religions » ne doit rien au hasard. Il interroge un triangle de tensions : comment conjuguer l’appartenance religieuse avec le statut d’indigène mobilisé par la force ? Quelle liberté pour ces hommes qui ne sont ni pleinement citoyens français, ni entièrement sujets obéissants ? Quelle posture adopter face à une guerre qui n’est pas la leur, mais dans laquelle leur loyauté familiale, confrérique ou territoriale est engagée ?


Certains chefs religieux avaient compris l’importance symbolique de cette mobilisation. En envoyant un fils, un neveu, un disciple, ils établissaient un acte de présence stratégique. Ils montraient qu’ils étaient des interlocuteurs de la puissance coloniale, sans pour autant renier leur enracinement spirituel. D’autres y voyaient une épreuve divine, un moyen de tester la foi dans l’adversité.
Cette journée du 6 mai 2025 ne sera pas qu’une cérémonie de plus. Elle ambitionne de créer un espace de vérité, d’écoute et de reconnaissance. Autour de Serigne Djily Fall, initiateur du projet, historiens, descendants de tirailleurs, membres de familles religieuses, jeunes chercheurs et fidèles se réuniront pour mettre des mots sur des silences.
Pour éclairer ces questions complexes, un Comité Scientifique de haut niveau, dirigé par le Professeur Mor Ndao, a été mis en place. Ce comité pilotera une série de conférences historiques, prévues durant la journée, avec pour objectifs de :
Retracer l’histoire des Tirailleurs sénégalais de la Grande Guerre,
Analyser le rôle des familles religieuses dans le contexte colonial et militaire,
Revenir en profondeur sur l’engagement personnel et spirituel de Serigne Fallou Fall.
Ces conférences permettront de croiser les regards d’historiens, d’islamologues, de sociologues, mais aussi de descendants directs des tirailleurs ou de témoins de mémoire. Le tout, dans une volonté de rigueur scientifique et d’ouverture vers une lecture plurielle du passé.

Vers une nouvelle conscience historique
Ce travail de mémoire n’a pas pour but de glorifier la guerre. Il vise à réconcilier le passé avec le présent, à aider les jeunes générations à comprendre que le patriotisme sénégalais ne s’est pas bâti uniquement dans les discours d’indépendance ou les luttes politiques, mais aussi dans des gestes silencieux de soumission ou de résistance, dans les larmes de mères de marabouts, dans les courriers jamais ouverts, dans les prières faites face au vent.
L’hommage à Serigne Fallou Fall et à ses compagnons religieux est une leçon de complexité, d’humilité et de dignité. En eux se croisent l’autorité spirituelle et l’humain vulnérable, le croyant fidèle et le soldat résigné. À travers eux, c’est tout un pan de l’identité sénégalaise qui se redessine.
Ce 6 mai, la mémoire ne sera pas figée dans une plaque. Elle respirera à travers les voix, les regards, les récits. Elle rappellera que derrière chaque uniforme de tirailleur, il y avait un cœur qui battait, un nom qui priait, un marabout qui veillait, et un peuple qui n’a jamais cessé d’aimer, même dans l’exil.

Babacar Korjo Ndiaye

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Source : https://letemoin.sn/2025/05/02/journee-dhommage-au...