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LA DIPLOMATIE DE RUPTURE EN QUESTION

Rédigé par leral.net le Jeudi 24 Juillet 2025 à 01:30 | | 0 commentaire(s)|

Suppression d'organismes clés, nominations controversées, isolement des candidats : la gestion de Yassine Fall fait grincer des dents. Dans les couloirs du ministère, on s'interroge sur les compétences de l'ancienne économiste des Nations unies

(SenePlus) - La nouvelle diplomatie sénégalaise peine à convaincre. Depuis l'arrivée au pouvoir du tandem Bassirou Diomaye Faye-Ousmane Sonko, les échecs diplomatiques se multiplient, soulevant des interrogations sur la stratégie de "rupture" menée par la ministre des Affaires étrangères Yassine Fall.

Le bilan diplomatique du nouveau régime sénégalais inquiète. Depuis mars 2024, Dakar a subi plusieurs déconvenues majeures. Les candidats sénégalais Ibrahima Socé Fall (poste de directeur de l'Organisation mondiale de la santé pour l'Afrique), Amadou Hott (présidence de la Banque africaine de développement) et Augustin Senghor (membre exécutif de la Confédération africaine de football) ont tous échoué dans leurs ambitions internationales.

Ces revers diplomatiques tranchent avec la tradition sénégalaise. "Le Sénégal est un petit pays en termes de nombre d'habitants ou de PIB. Mais sur le plan international, il a toujours été respecté. Depuis l'arrivée du nouveau pouvoir, nous constatons que nous perdons les compétitions, parfois par manque de soutien", déplore l'opposant et ancien ministre Modou Diagne Fada, cité par Jeune Afrique.

Au cœur des critiques, les méthodes de la ministre des Affaires étrangères Yassine Fall suscitent de vives interrogations. Selon l'hebdomadaire panafricain, dans le monde diplomatique et l'entourage de certains candidats malheureux, les experts évoquent des "entraves" des autorités sénégalaises, des "négligences" dans le soutien apporté aux candidats, voire un "déficit de professionnalisme et d'efforts".

L'affaire Amadou Hott cristallise particulièrement les reproches. "Les candidatures les plus importantes se sont accompagnées de la création d'un comité interministériel, avec une équipe composée de cadres coordonnée par la ministre des Affaires étrangères qui pouvait activer les réseaux d'influence du Sénégal. Mais dans le cas de celle d'Amadou Hott, Yassine Fall a voulu tout faire seule", confie un diplomate anonyme à Jeune Afrique.

L'une des décisions les plus critiquées concerne la suppression de la Direction des partenariats et de la promotion économique et culturelle (DPPEC), créée en 2014. Cette structure, décrite par Jeune Afrique comme le "bras armé du ministère en matière de diplomatie économique", aurait selon les critiques contribué à affaiblir l'influence extérieure du Sénégal.

Les nominations effectuées par la ministre alimentent également les polémiques. L'hebdomadaire rapporte plusieurs décisions jugées "peu adéquates", comme l'affectation de Sylvain Sambou, directeur Afrique et Union africaine, à l'ambassade du Sénégal en Russie, "loin de sa zone de compétence", ou celle d'Ousmane Diop, directeur Asie et Moyen-Orient, nommé ambassadeur au Congo-Brazzaville.

Les premières semaines de Yassine Fall au ministère ont été marquées par un épisode révélateur. Jeune Afrique rapporte qu'au ministère rebaptisé "de l'Intégration africaine et des Affaires étrangères", les diplomates sénégalais ont été réunis face à "de jeunes militants du parti Pastef venus expliquer à de hauts fonctionnaires parfois en poste depuis plusieurs décennies, ce qu'est le panafricanisme et comment l'incarner dans la politique extérieure du pays".

Cette initiative, bien qu'animée de "bonne foi" selon la publication, a créé "un malaise réel" parmi les diplomates de carrière. "Comment peut-on faire venir des politiciens pour parler de panafricanisme à des diplomates chevronnés ?", s'interroge un ambassadeur anonyme cité par Jeune Afrique, qualifiant cette rencontre de "l'un des premiers faux pas de la ministre".

Ousmane Sonko, de son côté, multiplie les déclarations controversées. En juin, le Premier ministre a "décidé d'annuler 'purement et simplement' un voyage de l'équipe féminine de basket aux États-Unis, alors que certaines joueuses n'avaient pas obtenu de visa", rapporte Jeune Afrique. Il a réaffirmé à cette occasion sa "nouvelle doctrine : une coopération libre, équilibrée, fondée sur le respect mutuel et le bénéfice partagé".

Cette posture divise. "Cette déclaration n'était pas nécessaire", observe un ancien haut responsable des Nations unies cité par l'hebdomadaire. "Il n'a pas forcément tort sur le fond, mais ce genre de sortie ne produit rien. Il y a une façon plus élégante, moins spectaculaire, de faire de la diplomatie."

Face aux critiques, le parti au pouvoir revendique ses choix. "La diplomatie d'apparat n'est pas efficace", défend le député Pastef Amadou Ba dans Jeune Afrique. "Notre parti a toujours dit que cela ne servait qu'à flatter les ego sans conséquence positive. Le changement de paradigme, c'est de privilégier notre entourage immédiat pour des raisons aussi pratiques qu'idéologiques. Nos intérêts sont d'abord en Afrique."

Aminata Touré, conseillère spéciale du chef de l'État, relativise également : "Les candidatures, c'est comme une compétition de football. On ne peut pas gagner tout le temps", balaie-t-elle selon Jeune Afrique.

L'inexpérience du nouveau pouvoir transparaît également. Concernant le président Bassirou Diomaye Faye, "apprécié par ses pairs" mais qui "apprend, sur le tas, la réalité de la diplomatie", un ancien ministre membre de l'APR observe dans Jeune Afrique : "Bassirou Diomaye Faye n'a pas la trempe de Macky Sall. La diplomatie, c'est d'abord une histoire de réseaux, d'entregent. Quoi qu'on en dise, c'est une affaire très personnelle."

Cette diplomatie de "rupture", revendiquée par les dirigeants sénégalais, peine donc à faire ses preuves sur la scène internationale. Entre ambitions panafricanistes et réalités diplomatiques, le nouveau régime devra rapidement ajuster sa stratégie pour retrouver l'influence traditionnelle du Sénégal sur la scène mondiale.

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Farid


Source : https://www.seneplus.com/politique/la-diplomatie-e...