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LE MASQUE AFRICAIN DE MITTERRAND

Rédigé par leral.net le Dimanche 4 Mai 2025 à 19:54 | | 0 commentaire(s)|

Un ouvrage révèle comment celui qui prônait la démocratisation du continent à La Baule maintenait simultanément une influence paternaliste, dont l'héritage pèse encore sur les relations franco-africaines

(SenePlus) - Un nouvel ouvrage collectif, dirigé par les historiens Pascal Blanchard et Nicolas Bancel, analyse en profondeur la relation complexe entre François Mitterrand et l'Afrique, depuis ses engagements de jeunesse jusqu'à sa politique présidentielle. Intitulé "François Mitterrand, le dernier empereur. De la colonisation à la Françafrique" (éditions Philippe Rey, 928 pages, 29,50 euros), ce livre massif révèle un parcours marqué par l'ambivalence et l'ambiguïté.

L'ouvrage s'appuie sur des archives inédites et les contributions d'une quarantaine de spécialistes pour décortiquer la position de Mitterrand vis-à-vis de la colonisation et de l'Afrique. Loin d'être une simple erreur de parcours, son positionnement en faveur de la guerre d'Algérie s'inscrit dans une trajectoire coloniale et postcoloniale cohérente.

Comme le souligne Le Monde, cette étude biographique décortique sa trajectoire depuis ses engagements de jeunesse dans les années 1930 en faveur de la conquête italienne et fasciste de l'Éthiopie en 1935 puis à Vichy durant les premières années de la guerre jusqu'au génocide des Tutsi au Rwanda en 1994 en passant bien évidemment par la guerre d'Algérie.

Durant la IVe République, François Mitterrand a occupé onze postes ministériels entre 1947 et 1958, dont certains particulièrement exposés : la France d'outre-mer, l'Intérieur (1954-1955) et la Justice (1956-1957). Ces fonctions coïncident avec les guerres d'Indochine, d'Algérie, ainsi qu'avec les mouvements d'indépendance en Tunisie et au Maroc.

Durant cette période, Mitterrand s'était convaincu qu'il valait mieux lâcher l'Indochine pour mieux se concentrer sur une refonte de l'architecture coloniale en Afrique. Sa vision était claire : réformer, donc, afin de tenter de sauver l'empire secoué par les aspirations indépendantistes.

Le bilan de son passage à la chancellerie est particulièrement lourd : quarante-cinq condamnés à mort algériens seront exécutés durant son passage à la chancellerie.

Entre 1958 et 1981, période durant laquelle il a œuvré à rassembler la gauche pour conquérir le pouvoir, François Mitterrand a habilement remanié son récit personnel. Le journal Le Monde évoque ce magicien de la politique [qui] parvint à effacer la tache de la compromission qui lui fit légitimer l'usage de la force en Algérie ; à faire oublier son passé de conservateur nationaliste de l'empire au profit d'une stature d'homme de gauche.

Cette transformation a été facilitée par le contexte de l'époque marqué par le refoulement généralisé de la guerre d'Algérie après les accords d'Évian.

Les deux septennats de Mitterrand (1981-1995) reflètent les mêmes contradictions. D'un côté, il prononce le discours de La Baule en 1990, appelant à la démocratisation de l'Afrique. De l'autre, il défend avec vigueur le pré carré africain.

Comme le souligne Le Monde, il fut tout à la fois l'homme du discours de La Baule, en 1990, appelant à la démocratisation de l'Afrique, celui de l'antiracisme. Au revers de cette médaille, il n'a cessé de défendre le pré carré africain, toujours convaincu que le rayonnement de la France – et de l'Europe – dépend étroitement de l'influence paternaliste française en direction de l'Afrique.

C'est durant cette période que l'armée française s'érige comme jamais en « gendarme » du continent.

L'ouvrage suggère que le reflux actuel de l'influence française en Afrique pourrait être une conséquence de l'héritage mitterrandien. Ce déclin résulterait d'un examen raté du passé colonial et d'une rupture définitive avec le système dévoyé de la « Françafrique » souvent proclamée par les dirigeants français, mais jamais aboutie.

Le bilan est sans appel : Ses héritiers ont tous considéré l'Afrique et l'Empire comme des éléments du domaine réservé et des politiques parallèles. Le bilan est sur ce point désastreux et (…) les relations France-Afrique sont un champ de ruines.

Ce livre, qui se veut objectif plutôt qu'à charge, égratigne sérieusement l'image que cet homme politique majeur du XXe siècle s'était en partie façonnée lui-même. Il offre une perspective essentielle pour comprendre les racines des relations actuelles entre la France et l'Afrique, tout en éclairant d'un jour nouveau l'une des figures politiques françaises les plus marquantes.

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Farid


Source : https://www.seneplus.com/international/le-masque-a...