Choguel Kokalla Maïga, pressenti pour devenir le Premier ministre de la transition malienne sous présidence militaire, a assuré vendredi que son pays tiendrait ses engagements internationaux au moment où se concrétisait sur le terrain la décision française de suspendre la coopération militaire après deux coups d’Etat.
« Nous respecterons nos engagements internationaux qui ne sont pas contraires aux intérêts fondamentaux du peuple malien », a-t-il dit, tout en ajoutant, lors d’un rassemblement à Bamako, qu' »il n’y a pas d’engagements internationaux connus de tous qui soient fondamentalement contre les intérêts du Mali ».
M. Maïga tient la corde pour être nommé par le colonel Assimi Goïta Premier ministre d’un gouvernement censé préparer le retour au pouvoir des civils dans neuf mois après deux putsch. Il pourrait être désigné après l’investiture du colonel Assimi Goïta aux fonctions de président, prévue pour lundi.
M. Maïga, un vétéran de la politique et désormais une figure du mouvement dit du 5-Juin (M5), s’exprimait au lendemain de l’annonce par la France de la suspension de ses opérations communes avec l’armée malienne, après huit ans de coopération étroite contre la propagation du jihadisme.
Le Mali, un pays crucial pour la stabilité du Sahel, vient d’être le théâtre d’un deuxième coup de force en neuf mois de la part d’Assimi Goïta et des colonels. La France réclame à présent des garanties qu’un Premier ministre civil sera nommé et que des élections auront bien lieu en février 2022 en vue d’un retour des civils au pouvoir.
M. Maïga, qui prenait la parole devant plusieurs centaines de personnes autour du monument de l’Indépendance, a rendu hommage aux soldats français tués au Mali.
Mais « nous devons dire à nos amis : notre peuple a besoin qu’on lui tienne la main », a-t-il déclaré, « les invectives, les sanctions, les menaces ne feront que compliquer la situation ».
Le rassemblement à l’appel du M5 visait officiellement à commémorer la contestation qui, un an plus tôt, avait ébranlé la présidence d’Ibrahim Boubacar Keïta jusqu’à ce qu’un groupe de colonels, dont Assimi Goïta, le déposent le 18 août.
La manifestation avait été programmée il y a plusieurs jours. Mais le coup de semonce donné par l’allié stratégique français était dans bien des esprits.
« Le Mali doit chercher d’autres partenaires, la France n’est pas le seul pays au monde », disait Abdoulaye Cissé, un jeune du M5.
« Le peuple malien doit être reconnaissant envers la France », contrait Kalou Sow, fonctionnaire, en invoquant les dizaines de soldats français morts au Sahel, « mais il faut aussi que la France montre sa bonne foi. Huit ans sans résultat, ce n’est pas facile non plus ».
La décision française a commencé à se matérialiser sur le terrain. « Les opérations conjointes Barkhane/FAMa sont arrêtées, les Français continuent seuls », a dit un responsable à l’état-major malien, évoquant la force antijihadiste française et les Forces armées maliennes.
Demandes de « garanties »
Les colonels s’étaient engagés après leur putsch de 2020 et sous la pression internationale à une période de transition limitée à 18 mois et conduite par des civils.
Le 24 mai, le colonel Goïta, resté le véritable homme fort de la transition, a foulé aux pieds cet engagement en faisant arrêter le président et le Premier ministre.
Il s’est depuis fait déclarer président de la transition par la Cour constitutionnelle.
Jeudi soir, la France a tapé du poing sur la table. Les implications paraissent significatives pour une armée malienne notoirement sous-équipée et sous-entraînée. Elle a perdu des centaines de soldats face aux jihadistes.
Barkhane poursuivra son action, avec les autres partenaires régionaux, a indiqué le porte-parole de l’état-major français, le colonel Frédéric Barbry.
Mais les grosses opérations communes avec les Maliens, comme Equinoxe, en cours, sont suspendues.
De facto, Barkhane ne sort plus de ses bases dans le Nord du Mali pour des opérations sur le terrain, dit un diplomate occidental sous le couvert de l’anonymat. Mais elle continuera à frapper, si l’occasion s’en présente, les chefs jihadistes, poursuit-il.
Ces mesures sont « conservatoires et temporaires », a déclaré le ministère français des Armées.
Le rassemblement du Mouvement du 5-Juin comptait au nombre des rendez-vous attentivement observés, avec l’investiture du colonel Goïta lundi. Elle a rassemblé beaucoup moins de monde qu’aux meilleures heures du M5 en 2020, ont rapporté les journalistes qui ont couvert des événements.
Le colonel Goïta a dit son intention de confier le poste de Premier ministre au M5, un mouvement que lui et les colonels s’étaient employés à marginaliser. Le M5 a choisi M. Maïga pour ces fonctions.
Ce choix a suscité des inquiétudes chez les partenaires du Mali. Parmi elles figurent la place qui serait faite à l’influent imam conservateur Mahmoud Dicko, figure tutélaire de la contestation en 2020 qui a pris ses distances depuis et les concessions que les dirigeants maliens seraient tentés de faire aux jihadistes. M. Dicko était absent au rassemblement de vendredi. AFP
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