Il est venu, il a vécu et il a convaincu. Ces trois phrases peuvent résumer l’immense existence de Mame Abdou Aziz Sy Dabakh. Alors que le pays s’enlise progressivement dans une crise politique, l’anniversaire de la disparition de cet érudit doit sonner comme une piqûre de rappel. Né en 1904, El Hadj Abdou Aziz Sy était le quatrième fils de Seydi El Hadj Malick Sy (RTA) et de Sokhna Safiétou Niang.
Dès sa tendre enfance, Dabakh fut confié à Serigne Hady Touré auprès de qui il a appris et maîtrisé le Coran entre Fass Touré et Diacksao. Celui qui osait affirmer à la radio qu’ «il n’a pas d’ennemi au Sénégal», était un éminent érudit doublé d’un fin lettré. Apôtre de la paix, il a su prôner l’unité dans les différentes familles religieuses du Sénégal. Au-delà de la communauté musulmane, Dabakh incarnait à merveille le dialogue islamo chrétien, en atteste son amitié avec le défunt Cardinal Hyacinthe Thiandoum. Mais, c’est dans ses rapports avec les hommes de pouvoir que le petit fils de Hadji Malick Sy, n’a pas eu pas d’égale. «Dabakh» comme l’appelaient affectueusement les Sénégalais, usaient de son influence pour jouer le rôle de catalyseur à l’occasion de certains évènements importants de la vie politique comme les élections présidentielles où lorsque l’intégrité du territoire était menacée. Ce qui ne l’empêchait pas d’être à équidistance des leaders politiques et de les rappeler à l’ordre à chaque fois que l’occasion se présentait.
L’oncle de Serigne Cheikh Tidiane Sy Al Makhtoum qui était un chantre de la paix, a continué de jouer un rôle important dans l’espace politique sénégalais bien qu’il ne soit plus là et en guise d’illustration, on peut citer la fameuse date du 23 juin où le pays a failli voler en éclats à cause d’un projet de loi contesté par la population. Ce jour-là, c’est sa voix véridique qui a ramené certains à de meilleurs sentiments. Cette influence se justifie par son attachement viscéral à la paix et à la concorde qui se vérifiait à chacune de ses sorties à travers les médias où il profitait de l’occasion pour prêcher la bonne parole.
Et sa modestie légendaire faisait oublier parfois que ‘’Mame Abdou‘’ était le khalife général des tidianes, titre qu’il a acquis le vendredi 29 mars 1957 suite aux disparitions successives de ces deux frères Serigne Babacar Sy le lundi 25 mars et Elhadj Mansour Sy trois jours après. Il fera au sommet du Khalifat 40 ans, durant lesquels il aura marqué l’histoire de la nation sénégalaise. Chantre du «Tappé xol yi», Mame Abdou Sy était un poète exemplaire et un véritable régulateur social. Il a su, tout au long de son khalifat, s’impliquer pour éviter que le Sénégal bascule dans le chaos.
Mame Abdou Aziz Sy qui repose depuis le 14 septembre 1997 à Tivaouane, se serait dans ces périodes préélectorales très agitées, emparé de son bâton de pèlerin pour appeler les uns et les autres au retour à Dieu. C’est cet homme hors pair à tout point de vue que le Sénégal et la Umma islamique continuent de pleurer. Des larmes qui ne sècheront jamais surtout dans un pays qui a un manque notoire de référents de sa trempe.