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Moustapha Tall (Importateur de riz) : ‘Bocar Samba Dièye a perdu 19 milliards en 2009’

Tous les opérateurs qui sont dans le riz, ont connu des difficultés financières en 2009. Ainsi, Bocar Samba Dièye a perdu 19 milliards de francs Cfa. La révélation est de l’opérateur économique Moustapha Tall qui explique, dans l’entretien qu’il nous a accordé, le pourquoi des difficultés des importateurs de riz. Il en a également profité pour réclamer que le monopole de la Css sur le sucre soit cassé et insister sur la nécessité de revoir le Code des douanes.


Rédigé par leral.net le Mercredi 13 Janvier 2010 à 15:17 | | 2 commentaire(s)|

Moustapha Tall (Importateur de riz) : ‘Bocar Samba Dièye a perdu 19 milliards en 2009’
Wal Fadjri : Dans son discours à la nation du 31 décembre dernier, le président de la République a affirmé que le prix du kg de riz est de 250 francs. Est-ce la réalité ?
Moustapha Tall : Ils n’émettent pas sur la même longueur d’onde. Le président Wade parle du riz blanchi non parfumé qui se vend à 250 francs et Moubarak Lô, lui, parle du riz parfumé. Le président a donc raison de dire que le prix du riz a baissé.

Wal Fadjri : Qu’est-ce qui s’est passé pour que cette baisse soit effective ?

Moustapha Tall : L’année dernière, avec la crise alimentaire qui avait touché beaucoup de pays, l’Etat nous avait demandé d’augmenter nos importations de riz pour faire face à la demande. Tout en mettant en place des subventions. Au même moment, il nous avait demandé de ne pas dépasser les 280 francs. Et comme il y avait une forte demande en 2008, les producteurs ont produit en quantité. Mais en produisant plus et avec le cours du pétrole qui allait crescendo, l’offre était supérieure à la demande. L’abondance de la production et la crise financière ont fait que les prix ont chuté. Quand les prix ont chuté, les producteurs ont perdu de l’argent en ce sens que le prix de revient est élevé.

Wal Fadjri : Et quel est son impact sur les importateurs ?

Moustapha Tall : Les importateurs ont perdu énormément d’argent en 2009. Certains ont perdu jusqu’à 3 milliards de francs Cfa sur le financement. Ce qui fait que tous les opérateurs qui sont dans le riz, sont dans des difficultés financières. Par exemple, Bocar Samba Dièye a perdu, à lui seul, 19 milliards de francs Cfa.

Wal Fadjri : Qu’est-ce qui explique cela ?

Moustapha Tall : L’Etat avait demandé aux opérateurs d’importer en quantité. A la faveur de la suspension des droits de douane et de la mise en place de subvention, les importateurs avaient passé d’importantes commandes de riz. Entre-temps, les droits de douane ont été remis en place et les subventions levées. Par conséquent, toutes ces quantités arrivent à un prix cher, car ne bénéficiant plus de subvention et payant les droits de douane intégralement. Ce qui a provoqué un surenchérissement.

Wal Fadjri : Le problème n’est-il pas d’ordre structurel ?

Moustapha Tall : Cette situation découle d’une désorganisation du secteur. L’Etat a libéralisé sans pour autant mettre des garde-fous. Il a laissé libres l’importation et la commercialisation. Le marché n’est pas organisé. Et l’on sait que trop de liberté crée l’anarchie. C’est cette anarchie qui nous porte préjudice.

Wal Fadjri : Plaidez-vous pour une réorganisation du marché ?

Moustapha Tall : Effectivement. On veut que l’Etat réorganise le marché du riz. Nous proposons à l’Etat d’agréer les importateurs qui se sont déjà illustrés dans ce secteur qui est leur principale activité. Ce qui ne fera pas de place à des ‘francs-tireurs’ qui ne viennent que pour tirer profit. Ils auront aussi des engagements à respecter vis-à-vis de l’Etat. Il faut que ces opérateurs aient une surface financière assez importante pour pouvoir faire face à ces engagements. Dans ce cas, on vous attribue un pourcentage qui correspond à votre taille. Et ce pourcentage est valorisé en fonction des besoins du marché.

Wal Fadjri : C’est-à-dire ?

Moustapha Tall : Que les opérateurs privilégient d’abord la production locale. Et c’est une fois cette production locale écoulée, qu’ils devront se rabattre sur les importations. Les besoins du Sénégal sont estimés à 600 mille tonnes par exemple. Et une fois le riz local écoulé, ils auront une idée du gap à combler pour satisfaire la demande nationale. A partir de ce moment, les importateurs auront la possibilité de contourner les traders basés à Genève pour aller négocier directement avec les exportateurs asiatiques. Avec des contrats dûment signés, ils éviteront les éventuelles fluctuations qui pourraient se répercuter sur le portefeuille des Sénégalais. Et à partir de ce moment, le prix du riz sera très abordable au Sénégal.

Wal Fadjri : Mais les conditions sont-elles réunies pour y arriver ?

Moustapha Tall : Pour y arriver, il faut que les importateurs s’organisent pour être ensemble. Il faut qu’ils tirent tous dans la même direction. Ce qui leur permettra non seulement de gagner de l’argent, mais aussi de fournir aux Sénégalais un riz de qualité et à un prix abordable. Le fait de gagner de l’argent leur permettra de mieux assurer la commercialisation de cette stratégique denrée. Ainsi, il n’y aura plus de mévente de la production locale parce que toutes les conditions sont mises pour son bon écoulement. Cela va aussi permettre aux riziculteurs de produire davantage, en sachant à l’avance que l’intégralité de leur production sera écoulée.

Wal Fadjri : Le président Wade a fixé pour 2012 l’échéance pour atteindre l’autosuffisance en riz. Est-ce possible ?

Moustapha Tall : Certes l’idée est noble, mais le délai est assez court pour atteindre cet objectif. Les pouvoirs publics doivent, d’abord, assurer aux producteurs la commercialisation de leurs récoltes, avant de leur demander de produire davantage. Sinon, leurs productions vont rester en souffrance, comme on en voit actuellement dans la vallée.

Wal Fadjri : En quoi faisant ?

Moustapha Tall : Il faut protéger le marché, sinon il sera très difficile d’écouler la production locale. Il faut de la finance pour que les producteurs prennent le risque de s’endetter pour augmenter leurs productions. L’Etat peut utiliser sa puissance publique pour organiser le marché. Mettre des garde-fous, professionnaliser le milieu etc. En gros, il faut réorganiser l’économie en général pour créer les conditions de travail.

‘Quelle est la valeur ajoutée que les (commerçants) Chinois apportent ? Au contraire, ils sont en train de tuer des secteurs comme l’artisanat avec leurs produits de bas étage.’

Wal Fadjri : Le marché sénégalais est caractérisé par des hausses illicites des prix des denrées de grande consommation. Quelle est la solution pour une modération des prix ?

Moustapha Tall : Il est très dangereux de dépendre de l’extérieur pour assurer son alimentation. La solution réside dans la promotion de la production locale. Non seulement, elle va régler le problème de la sécurité alimentaire, mais il n’y aura pas de fuite de devises, car l’argent restera dans le pays. Dans ce sens, l’Etat peut mettre sur pied un observatoire des prix pour mieux contrôler le marché. Cet observatoire servira aussi de système de veille pour anticiper sur de probables fluctuations.

Wal Fadjri : Il y a aussi la présence des commerçants chinois à Dakar qui est source de tension. Quelle attitude adopter vis-à-vis de ces opérateurs économiques ?

Moustapha Tall : Ma position sur la question est toute tranchée. On ne doit pas accepter n’importe quoi dans notre pays. Pour être plus précis, on n’a pas besoin de commerçants au Sénégal. Les Sénégalais sont suffisamment outillés en la matière. La preuve, ils font le tour du monde pour mener une telle activité. Nous avons surtout besoin d’investisseurs pour créer de la valeur ajoutée, pour permettre aux jeunes de travailler et de gagner honnêtement leur vie. Quelle est la valeur ajoutée que ces Chinois apportent ? Au contraire, ils sont en train de tuer des secteurs comme l’artisanat avec leurs produits de bas étage qu’ils proposent aux consommateurs. L’importation de leurs chaussures a presque anéanti la cordonnerie locale. Il faut aller à la Médina pour s’en convaincre. Et si l’on n’y prend garde, ils vont finir par contrôler tout le secteur du commerce. En ce moment, ils contrôleront toute l’économie du pays.

Wal Fadjri : La question des marchands ambulants préoccupe également les autorités. N’est-elle pas liée à la présence des Chinois ?

Moustapha Tall : Elles sont intimement liées. Les marchands ambulants s’approvisionnent, pour la plupart, chez les commerçants chinois. Il faut faire d’une pierre deux coups : déguerpir les Chinois et trouver du travail aux jeunes. Mais tant qu’ils sont sur place, le phénomène des marchands ambulants va demeurer. Certes, la mairie de Dakar compte fixer les marchands ambulants. Mais je me demande si les gens vont les trouver sur place. Est-ce que les petits articles qu’ils ont l’habitude d’acheter chez ces marchands ambulants valent la peine de faire ce déplacement ?

Wal Fadjri : Mais comment l’Etat peut-il donner du travail aux jeunes avec l’étroitesse du marché de l’emploi au Sénégal ?

Moustapha Tall : Par exemple, il faut valoriser l’agriculture et permettre aux acteurs de ce secteur de gagner honnêtement leur vie. S’ils prennent le risque de ne pas demander de l’emploi, mais plutôt d’en créer, il faut les protéger et les encourager. Et naturellement, cela va attirer les investisseurs au Sénégal. Heureusement que les bases d’une telle mutation sont jetées avec le Plan Reva et la Goana. Il faut que l’Etat encourage davantage les Sénégalais à retourner vers la terre.

‘Il est anormal de laisser le monopole du marché national du sucre à une seule société. Ce qui me pousse à dire que l’Etat (…) doit casser le monopole de la Compagnie sucrière’.

Wal Fadjri : Il y avait pénurie de sucre ces derniers temps. Comment expliquez-vous une telle situation avec la présence de la Compagnie sucrière sénégalaise (Css) ?

Moustapha Tall : C’est une situation anormale. C’est vous dire que la Compagnie sucrière sénégalaise constitue un véritable problème pour le Sénégal. Avec toute la protection dont elle bénéficie, cette entreprise ne devrait pas avoir de problème de ce genre. Pire, le sucre est vendu 3 fois plus cher que son prix réel. Ce qui explique le recours des populations au sucre frauduleux, notamment celui en provenance de la Mauritanie, de la Gambie et du Mali. Des pays où ce sucre a déjà payé les droits de douane et autres taxes et qui revient beaucoup moins cher que le produit de la Css.

Pourtant, l’entreprise est hyper protégée. Entre autres avantages, l’Etat permet à l’entreprise d’utiliser gratuitement l’eau du lac de Guiers et de la Taouey pour les besoins domestiques, agricoles et industriels. Il lui assure aussi le monopole du marché du sucre avec péréquation selon la bourse de Paris. La Css va ainsi importer du sucre au Sénégal jusqu’à ce que sa production puisse couvrir tous les besoins du pays. Financièrement, l’Etat gagne aussi dans ces accords, grâce aux impôts, qui lui seraient payés à la fois par la Css et ses employés. En retour, la société, elle, gagne autant que l’Etat, sinon plus. En effet, les accords lui permettent non seulement de ne pas avoir de concurrents sur le territoire national, mais de faire d’énormes bénéfices (exonérations sur son chiffre d’affaires) et de ne pas enregistrer de pertes grâce à la possibilité qui lui est offerte de réévaluer le prix du sucre. Cependant, il est anormal de laisser le monopole du marché national du sucre à une seule société. Ce qui me pousse à dire que l’Etat devrait revoir sa position par rapport à la Compagnie sucrière. Il doit casser le monopole de la Compagnie sucrière.

Wal Fadjri : Plaidez-vous toujours pour une révision du Code des douanes ?

Moustapha Tall : Nous ne cessons de le réclamer. La révision, le toilettage et la réadaptation de ce vieux code s’imposent. L’actuel code place une véritable épée de Damoclès sur la tête de tous les importateurs et commerçants sénégalais. Non seulement, il est vétuste, mais on veut aussi éviter son caractère de chantage et de répression sur les importateurs. Avec un simple procès-verbal (Pv) d’un agent de douane, tout importateur ou commerçant peut être envoyé en prison sans même avoir la possibilité de bénéficier d’un quelconque recours. Car, ni le procureur, ni les magistrats ne peuvent faire quelque chose contre cette mesure. Il faut un code moderne et adapté à l'environnement juridique et judiciaire des entreprises.

Propos recueillis par Ibrahima DIAW walf fadjri

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1.Posté par Poivre de Kampot le 14/01/2010 07:04 | Alerter
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Je ne sais plus s'il avait acheté du riz au Cambodge ou tout provenait de Chine?!

2.Posté par bounacamara le 21/09/2011 19:19 | Alerter
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bonjour ,cest pour vous dire que on a du riz qui vient de pakistan cest la meullier qualite .
si ca vous intersse ont peut cest connet par mail.

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