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NOUS NE VOULONS PAS D’UN DIALOGUE NATIONAL AU SERVICE DES ACTEURS POLITIQUES PROFESSIONNELS

Rédigé par leral.net le Lundi 26 Mai 2025 à 00:06 | | 0 commentaire(s)|

EXCLUSIF SENEPLUS - Si l'objectif est de repenser le système politique sénégalais, il faut éviter d'en faire une nouvelle tribune pour des politiciens de métier déconnectés des réalités citoyennes

Pour le 28 mai 2025, le président de la République a appelé à un dialogue national entre l’ensemble des forces vives de la nation pour repenser notre système politique sénégalais. 

Effectivement, le système politique sénégalais mérite d’être analysé, évalué, revu, contextualisé, endogénéisé, souverainisé... Cependant, nous devons éviter d’en faire un dialogue national de plus, au service des acteurs politiques professionnels.

Le débat actuel sur le dialogue est asphyxié par la participation ou non de tel ou tel autre homme politique, de tel ou tel autre parti politique. Le Sénégal compte près de 350 partis politiques, 348 exactement en 2024 pour 18 millions de Sénégalais. Inviter l’ensemble de ces partis (sur un nombre attendu d’environs 250 participants), c’est déjà politisé, voire électoralisé le débat et le centré sur les intérêts des politiciens qui ne représentent qu’une part infime du système politique sénégalais et des Sénégalais en général. Les acteurs politiques professionnels sont les hommes politiques qui ont fait de la politique leur métier. Au Sénégal, ils sont présents dans tous les partis politiques y compris dans les partis au pouvoir.

Les acteurs politiques professionnels sont souvent définis comme des pervers qui ont les cinq caractéristiques suivants : la première caractéristique est qu’ils sont machiavéliques, c’est-à-dire qu’ils sont prêts à utiliser toutes les ruses possibles pour atteindre leur objectif originel qui est celui d’être élu et de garder pouvoir par tous les moyens y compris par des moyens illégaux et illégitimes dépourvus de morale. Ils n’ont aucune loyauté même envers la parole donnée (goor sa wakh dja) et sont adeptes du wakh wakhet, une valeur centrale dans le champ politique sénégalais contemporain.

La seconde caractéristique, c’est qu’ils sont narcissiques :  ils sont dans une rationalité instrumentale, ne pensant qu’à leurs propres intérêts ; les autres, y compris les électeurs et les citoyens ne sont que des objets à instrumentaliser au service de leurs propres intérêts. Ils développement le culte de la personnalité marqué par l’adulation excessive de leur personnalité  par les membres de leurs partis et leurs sympathisants.

La troisième caractéristique de ces acteurs politiques est qu’ils sont également  psychopathiques : ils manquent fondamentalement d’empathie envers les autres. Ils ont du mal à comprendre la souffrance des autres, pensant souvent que ces autres sont responsables de leurs propres souffrances, qu’ils ne veulent pas travailler, qu’ils sont fainéants et pour cela, ils disposent d’une mission presque divine de les « sauver » de leurs propres situations. Ils seraient les messies sans qui les Sénégalais tomberaient dans des abymes à la hauteur de leur espérance pour la politique.

La quatrième caractéristique des acteurs politiques professionnels,  le sadisme, qui consiste en une jubilation à infliger de la souffrance aux autres particulièrement à leurs adversaires politiques soumis aux mêmes logiques. Ils sont prêts à les voir en prison, parfois morts…  car la présence de ces derniers dans le même champ politique constitue selon eux leur destruction, ils ne sont pas ouverts à la co-construction du pays. Soit c’est eux ou les autres qui doivent disparaitre, mais ils ne peuvent ensemble, partager le débat politique.

Une cinquième et dernière caractéristique qui est propre aux acteurs politiques professionnels africains et sénégalais en particulier est qu’ils sont égocentriques ; ils pensent savoir plus que les principaux concernés, c’est-à- dire les citoyens, ce qui est bon pour eux. Ils produisent des visions du monde pour les populations sans les populations. Ils manquent d’altruisme, d’écoute, d’humilité. La colonisation incarnait cette contre-valeur, car l’Africain ne savait pas ce qui était bon pour lui. Nos hommes politiques en ont hérité et pensent que pour décider, il n’y a pas besoin de consulter les populations sur les problèmes qui les concernent.

Ainsi, le dialogue national prévu le 28 mai ne doit pas être un dialogue au service de la promotion de ces acteurs politiques professionnels. Il ne doit pas être un dialogue  centré sur la démocratie électorale et l’organisation des élections pour les élire et leur donner encore plus de pouvoir.

Au contraire, ce dialogue doit redonner le pouvoir aux citoyens. Il doit se centrer sur la démocratie participative. Il doit se décentrer de la démocratie par les urnes. Il doit  avoir pour objectif la démocratie substantive ou substantielle qui permet aux citoyens de pleinement participer à la vie politique et sociale à la fabrique, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques qui visent directement les problèmes auxquels ils sont confrontés. Il doit porter sur la démocratie au quotidien.

Le nouveau référentiel centré sur la souveraineté nationale nous l’exige. Ce référentiel pour un Sénégal juste, prospère et souverain doit être porté par les populations, par l’ensemble des forces vives de la nation. Si l’on veut un financement endogène des politiques publiques, si l’on veut que les Sénégalais soutiennent et participent à l’action publique, il faut leur redonner le pouvoir et les associer à l’action gouvernementale. Cela passe d’abord par une écoute active de leurs avis, de leurs craintes, de leurs préoccupations, de leurs propositions pour un système politique sénégalais renouvelé, plus proche d’eux et moins porté par des acteurs politiques professionnels pervers. En somme, le dialogue sur le système politique sénégalais doit d’abord être un débat citoyen par et pour les citoyens.

Elhadji Mamadou Mbaye est Enseignant-Chercheur en science politique à l’université Gaston Berger de Saint-Louis.

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POUR UN DIALOGUE NATIONAL PARTICIPATIF
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EXCLUSIF SENEPLUS - Si l'objectif est de repenser le système politique sénégalais, il faut éviter d'en faire une nouvelle tribune pour des politiciens de métier déconnectés des réalités citoyennes - PAR ELHADJI MAMADOU MBAYE
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