La Présidente de l’Assemblée nationale du Québec, élue en novembre dernier, a bouclé, cette semaine, un séjour de quatre jours au Sénégal. Pour cette avocate de formation de 58 ans, ancienne journaliste de télévision et ex-Ministre de la Culture et des Communications de la Province du Québec, cette visite fructueuse va permettre de renforcer davantage la coopération parlementaire entre le Sénégal et le Québec.
Quel bilan tirez-vous de votre séjour au Sénégal ?
C’est une excellente mission, très productive. J’ai beaucoup appris au Sénégal. La délégation parlementaire du Québec a beaucoup appris de vos politiques, de vos lois et de votre hospitalité. Nous avons rencontré les parlementaires sénégalais. Nous avons discuté. Il y avait quelques sujets à l’ordre du jour, mais celui qui a retenu le plus mon attention, c’est celui de la place des femmes en politique. Ce sujet me touche beaucoup parce que je suis nouvellement élue Présidente de l’Assemblée nationale du Québec. Je suis la deuxième femme à occuper cette fonction et je souhaite que ma présidence soit marquée par l’importance de la place accordée aux femmes dans la politique. Je peux encourager, échanger avec toutes les femmes sur nos enjeux respectifs pour que nous puissions inciter d’autres femmes à avoir confiance en elles. Il faut aider les femmes à avoir confiance en elles afin qu’elles se joignent aux hommes pour créer une société égalitaire. J’ai découvert que la représentation des femmes à l’Assemblée nationale du Sénégal est de 46%. C’est comme chez nous au Québec. Cela m’a beaucoup touchée.
Comment comptez-vous renforcer, aujourd’hui, la coopération parlementaire entre le Sénégal et le Québec ?
Le Québec et le Sénégal ont signé une entente bilatérale en 2016. Elle n’a jamais été mise en œuvre à cause de la Covid-19. C’est la première fois que nous rencontrons physiquement le Président de l’Assemblée nationale du Sénégal pour concrétiser cette entente. Et, c’est très important pour moi de venir ici parce que, à mes yeux, l’Afrique est une terre d’émergence avec des populations résilientes et fortes. L’Afrique est le berceau de l’humanité. Je suis venue ici pour comprendre et apprendre des Africains. C’est un devoir pour nous. Maintenant pour répondre à votre question, je m’en vais vous informer que l’Assemblée nationale du Québec a créé un programme de leadership féminin. Nous travaillons déjà avec des femmes parlementaires issues d’autres pays. Ainsi, nous souhaiterions avoir des Sénégalaises dans le groupe. D’ailleurs, au mois de juin prochain, de concert avec le Sénégal, nous allons lancer un programme pour former les cadres parlementaires. Parce que, en plus des élus, le Sénégal a des cadres qui tiennent et ce programme sera pour eux. La formation va se dérouler au Sénégal.
Les échanges économiques entre le Sénégal et le Canada ne sont pas à la hauteur des relations politiques entre les deux États. Comment booster ces échanges ?
Je suis la Présidente de l’Assemblée nationale du Québec, je ne peux pas m’immiscer dans l’agenda politique du Gouvernement, bien qu’étant du Parti au pouvoir. Cependant, il faut dire que nous avons, à Dakar, la Délégation générale du Québec pour toute l’Afrique et notre pays a choisi le Sénégal pour avoir des échanges économiques. Nous avons des spécialistes qui échangent avec les autorités publiques du pays, mais également avec les entreprises pour voir dans quelle mesure on peut booster ces échanges économiques. À certains égards, le Sénégal a tout. Le Sénégal a des richesses naturelles, il a la main-d’œuvre, car sa population est jeune. Votre démographie est beaucoup plus jeune que celle du Québec et vous avez beaucoup de travailleurs qualifiés. Nous avons beaucoup d’emplois à donner. Nous avons des échanges à faire pour favoriser ce maillage pour que la main-d’œuvre puisse venir chez nous. Les jeunes Sénégalais qui veulent renforcer leur formation peuvent également aller étudier au Québec pour après revenir servir leur pays. Il y a donc plusieurs possibilités pour renforcer nos échanges. Nous avons en commun la langue française qui facilite beaucoup les échanges et consolide les relations d’affaires, culturelles et économiques.
Comment appréciez-vous l’évolution politique et démocratique du pays ?
Vous comprendrez que mon poste fait en sorte que je dois demeurer neutre et ne pas analyser les différentes forces en présence. J’ai un devoir de réserve et je laisse aux Sénégalais le soin de faire leur choix.
Nous, en tant que parlementaires, devons nous entraider pour continuer à avoir des démocraties fortes. Cela est très important pour la stabilité d’un pays. Le Sénégal est une grande et belle démocratie. Vous avez obtenu votre indépendance en 1960 et vous avez eu votre femme députée (Ndlr : Caroline Faye Diop) avant nous.
Permettez-moi, sur un tout autre registre, de souligner que j’ai visité le Musée des Civilisations noires. J’y aurais passé la journée, car c’est important pour nous de revenir aux racines, d’apprendre et de comprendre les dynamiques, les enjeux et de regarder vers l’avant. On oublie souvent que l’Afrique a été le berceau de l’humanité. Avec l’histoire de l’Ile de Gorée, j’ai été extrêmement émue face aux atrocités que les Africains ont vécues. Même si, pour nous, au Canada, nous n’avons pas été beaucoup confrontés à l’esclavagisme, qui est, en passant, inacceptable.
Cependant, dans mes fonctions antérieures de Ministre de la Culture, j’avais procédé à la désignation d’Olivier Le Jeune, à titre de personnage historique en vertu de la Loi sur le patrimoine culturel du Québec. Olivier Le Jeune est reconnu comme étant le premier esclave et résident africain en Nouvelle-France. L’intérêt de cette désignation ministérielle, faite en 2020, est de reconnaître la forte importance symbolique de la présence des Noirs sur le territoire québécois depuis près de quatre siècles. Une plaque commémorative dédiée à Olivier Le Jeune a d’ailleurs été inaugurée en 2021 à Québec.
Vous avez été reçu par le Président de la République…
J’en profite pour remercier votre Président de la République, Son Excellence, Monsieur Macky Sall, qui m’a décorée du titre de Commandeur de l’Ordre national du Lion. J’ai été très touchée par cette distinction. C’est un immense honneur. Je l’accepte en toute humilité. Je pense que cela ne fait que solidifier davantage nos relations.
Propos recueillis par Aliou DIOUF (Texte) et Pape SEYDI
Source : https://lesoleil.sn/nathalie-roy-presidente-de-las...