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OPNION : Et demain ? Par Mabingué Ngom, Directeur régional sortant du Bureau de l’Unfpa en Afrique de l’ouest et du centre

Rédigé par leral.net le Mardi 31 Août 2021 à 21:34 | | 0 commentaire(s)|

Nombreux sont les réflexions sur les perspectives à long terme de l’Afrique qui trouvent que l’avenir du continent se présente comme largement ouvert. Des divers scenarios envisageables, celui qui recueille la faveur du plus grand nombre consiste en un système dans lequel croissance économique, justice sociale et durabilité environnementale iraient de pair. Un des prérequis […]

Nombreux sont les réflexions sur les perspectives à long terme de l’Afrique qui trouvent que l’avenir du continent se présente comme largement ouvert. Des divers scenarios envisageables, celui qui recueille la faveur du plus grand nombre consiste en un système dans lequel croissance économique, justice sociale et durabilité environnementale iraient de pair.

Un des prérequis de ce scénario est un investissement massif dans le dividende démographique. Le défi est de taille en raison du poids démographique de la jeunesse dans la population africaine – les moins de 25 ans représentent 65% de la population-et des coûts élevés de la formation même si ces derniers doivent être relativises en cette ère où la science et la technologie sont, avec la santé, déterminants dans la productivité totale des facteurs. Une autre condition de taille à la réalisation d’un tel scenario consiste en une accélération de la decentralisation, rompant d’avec un certain jacobinisme élitiste. Grace au rapprochement de l’administration et des administrés, qui en est une des finalités, et à la redevabilité renforcée dont elle devrait être synonyme, la décentralisation devrait se traduire par une amélioration de la gouvernance locale, un renforcement du contrôle citoyen sur les ressources publiques, une adhésion plus forte de la majorité des groupes sociaux à une vision du futur plus largement partagée.

Par rapport à ces deux impératifs, WCARO – le Bureau Régionale l’UNFPA pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre –dispose d’avantages comparatifs non négligeables car il a développé une expertise à même de contribuer à leur réalisation ainsi que des outils et méthodes novateurs. S’agissant de l’investissement dans le dividende démographique, le bureau régional se doit de rester sur la ligne qu’il s’est donné, à savoir renforcer les capacités des Etats à exercer leur leadership intellectuel sur cette problématique centrale dans le programme de Libreville que j’ai évoqué dans mon précèdent article. Loin de nous cependant l’idée qu’il faille s’interdire de remettre l’ouvrage sur le métier, de dialoguer avec les dirigeants africains et tous les autres acteurs et décideurs pour faire émerger des consensus dynamiques sur cette question difficile. Bien au contraire, un tel dialogue devra se poursuivre, et, pour être fécond, se tenir éloigné du laxisme tout autant que du dogmatisme. Parce que placé sous le signe de la rigueur intellectuelle et de l’éthique professionnelle, il aura obligation de conférer un caractère sacré aux données et aux evidences mises à jour et traitées par des recherches théoriques et empiriques. A cette fin, le partenariat avec les instituts de recherche nationaux et internationaux doit devenir de plus en plus une dimension transversale de l’action de WCARO. Même si l’interprétation qu’on fait de ces donnée et évidences issues de la recherche doit rester libre, on ne saurait prendre des libertés ou emprunter des raccourcis dans leur production. Telle a été la ligne de conduite du bureau régional au cours des dernières années ; son profil s’en est trouvé rehaussé et son plaidoyer facilité.

S’agissant de l’accélération de la décentralisation, l’urgence porte un nom : passage à l’échelle. A cet égard, FassE ne devrait pas rester une monade isolée car le Sénégal et la région ont besoin de milliers de FassE. En effet, ainsi que l’a souligné le Président Macky Sall dans sa préface à l’ouvrage qui lui a été consacré , FassE procède d’une volonté d’amélioration de la gouvernance locale. L’appel qu’il lançait à valoriser tout le potentiel de transformation dont est porteuse cette initiative a rencontré un écho des plus favorables au Sénégal et ailleurs. En attestent les nombreuses requêtes d’autorités communales, de mouvements associatifs, d’organisations du secteur privé qui, au Sénégal, en Guinée, au Mali, expriment aujourd’hui leur désir de voir fleurir sur leurs terres, leurs terroirs et leurs territoires d’autres FassE. Il est du devoir de WCARO de s’organiser pour répondre à de telles demandes.

Sur ces deux chantiers majeurs, le bureau régional dispose d’importants acquis : il s’agit, en l’occurrence, des stratégies développées en matière de communication, d’une part, et de celles qui servent d’assise à la démarche partenariale.

En vue de faire connaitre les défis et enjeux du dividende démographique et d’autres problématiques connexes, WCARO s’est investi de façon stratégique dans la communication. Aux supports traditionnels que sont les publications sont venus s’ajouter des programmes de coopération avec des chaines de télévision à forte audience en Afrique et une présence sur les réseaux sociaux. Ces efforts doivent être amplifiés car il ne suffit pas à WCARO de s’acquitter de sa mission, ni même de bien s’en acquitter ; il faut encore le faire savoir. En d’autres termes, savoir, savoir-faire et faire savoir forment un triptyque dont chaque volet est essentiel. Plus que jamais donc, il faut poursuivre ce remarquable travail de communication car il exerce sur les normes, valeurs et mentalités une influence que résume la notion de « soft power » compris comme un dispositif visant à convaincre plutôt qu’à contraindre, préférant le débat au combat et créant le terreau sur lequel vont éclore les germes des ruptures fécondes par lesquelles le développement se donne à voir

L’expérience de la démarche partenariale, magistralement synthétisée dans l’ouvrage Goal 17, constitue un autre avantage pour le bureau régional. Dans la pratique, WCARO a fait sien et érigé au rang d’axiome le postulat selon lequel, en matière de partenariat, le processus compte encore plus que le produit. L’expérience lui a enseigné que ce processus ne prend forme que s’il repose sur des plages de convergence entre les diverses parties prenantes quant aux défis à relever, et aux meilleures approches pour y parvenir. Mais le partenariat suppose par-dessus tout l’établissement de relations de confiance entre les acteurs concernés. S’adosser sur ce capital de confiance serait non seulement justifié mais encore judicieux car, s’il est bien pratiqué, le partenariat permet à tous d’être plus forts. Comme l’enseignent l’Ubuntu sud-africain et ses nombreuses équivalences en Afrique de l’Ouest et du Centre, « si l’on veut aller vite on peut aller seul mais si l’on veut aller loin, il faut aller ensemble » ; « faire humanité » dirait mon compatriote le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne.

Les avantages comparatifs que voilà ne sont pas immuables et, pour mérités qu’ils soient, ils ne sauraient en aucun cas fournir à WCARO un prétexte pour dormir sur ses lauriers. En effet dans un environnement incertain, où les ordres de priorités sont remis en cause quotidiennement sous l’effet combiné des aléas socio- politiques et sanitaires, la vigilance s’impose pour conjurer le risque de tomber dans les vieilles lubies et les erreurs passées. Ce risque n’est pas négligeable qui, s’il venait à se matérialiser, se traduirait par une dispersion des efforts, une atomisation de l’action alors que l’heure devrait être à la consolidation des acquis et leur expansion. Mais l’heure est également à l’anticipation. L’Afrique de l’Ouest et du Centre connait des évolutions contrastées, et les pays qui la composent suivent des trajectoires tout aussi contrastées. Il faut plus que jamais prêter une attention soutenue à tous les signes annonciateurs de ces lendemains que l’on souhaite conjurer ou, au contraire, faire advenir. A cet égard, l’on fera observer que, quelle que soit leur position sur l ’échiquier politique ou économique, les Etats ont une préoccupation commune : mettre les citoyens à l’abri d’une insécurité qui se manifeste sur les plan économique, social, politique, environnemental, culturel et technologique. Il s’agit, d’un mot, de garantir la sécurité humaine : un cadre conceptuel dans lequel l’être humain est certes appréhendé comme moyen, vecteur de croissance mais il est, en même temps, finalité, raison d’être du développement.

Parce que nombre d’initiatives novatrices de l’Union Africaine et de la communauté internationale s’en inspirent ,même si elles n’y font pas toujours référence explicitement, il est à tout à fait possible que le concept de Sécurité Humaine serve demain de colonne vertébrale à un agenda continental nouveau et intégrateur, susceptible d’accélérer l’atteinte des ODD .WCARO doit y travailler de manière proactive ; il en a les moyens en raison de son expérience sur les plans analytique et opérationnel dans la région Afrique

C’est à ce prix que l’espoir élira domicile dans notre région.

Par Mabingué Ngom, Directeur régional sortant du Bureau régional de l’UNFPA en Afrique de l’ouest et du centre



Source : http://lesoleil.sn/opnion-et-demain-par-mabingue-n...