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Oumuamua : "Si j'ai raison, c'est l'une des plus grandes découvertes de l'Histoire"

Rédigé par leral.net le Lundi 21 Janvier 2019 à 14:14 | | 0 commentaire(s)|

L’astrophysicien Avi Loeb explique dans une interview au journal israélien "Al Haaretz" pourquoi il est estime que l’étrange astéroïde Oumuamua pourrait être un vaisseau d’origine extraterrestre.


Oumuamua : "Si j'ai raison, c'est l'une des plus grandes découvertes de l'Histoire"
«Je me moque de ce que pensent les gens» : Avi Loeb, directeur du département d’astronomie de l’université de Harvard n’a pas la langue dans sa poche. Ni les idées : dans un article publié par «The Astrophysical Journal Letters», revue de référence de la discipline, Avi Loeb émet l’hypothèse que l’astéroïde Oumuamua, premier objet observé dans notre Système solaire sans en être originaire, pourrait avoir été fabriqué par une civilisation extraterrestre.

Dans une grande interview accordée au journal israélien Al Haaretz, l’astrophysicien, nommé par le magazine Time parmi les 25 personnes les plus influentes des études spatiales, persiste et signe : «J’ai écrit en partie cet article en me fondant sur des discussions que j’ai eues avec des collègues que je respecte d’un point de vue scientifique. Ces personnalités de haut niveau disent elles-mêmes que cet objet présente des caractéristiques très particulières. Mais ils n’osent pas en faire état publiquement. Je ne comprends pas cette attitude.»
Avi Loeb
 
      Avi Loeb Avi Loeb © Reuters


Déplorant l’autocensure des scientifiques qui craignent de mettre en péril leur réputation et leur poste, Avi Loeb préfère tenter un pari presque pascalien : «Il se peut que je commette un suicide professionnel si je me trompe. Ça me laissera plus de temps pour faire de la science. Mais, si j’ai raison, c’est l’une des plus grandes découvertes de l’histoire de l’humanité.»

Soit, l’objet a la forme d’un cigare, soit il est plat comme une crêpe

Et les arguments qu’avance l’astrophysicien à l’appui de son hypothèse pèsent lourd : «Au départ, tout le monde s’est dit ‘’OK, c’est une comète’’. Mais les comètes sont faites de glace qui s’évapore à mesure qu’elles approchent du soleil. Or Oumuamua ne laissait derrière lui aucune trainée de poussière ou de gaz. Il devait donc s’agir d’un astéroïde, un simple morceau de roche. Mais l’objet a été en rotation sur son axe pendant huit heures. Et, durant ce laps de temps, sa luminosité s’est modifiée selon un facteur 10 alors que les changements de luminosité des astéroïdes ne dépassent pas un facteur 3. Cela signifie que sa longueur est dix fois supérieure à son épaisseur.»

«Cette géométrie extrême, poursuit Avi Loeb, ne peut se traduire que de deux façons : soit, l’objet a la forme d’un cigare, soit il est plat comme une crêpe».
 

Oumuamua photographié par téléscope.
      Oumuamua photographié par téléscope.© ESO


Mais la surprise la plus stupéfiante est survenue en juin dernier quand de nouvelles données collectées par le télescope en orbite Hubble ont montré qu’Oumuamua avait accéléré lors de son entrée dans le Système solaire, une accélération qui ne peut être expliquée par la seule force gravitationnelle du Soleil. «L’autre possibilité serait l’effet fusée qui concerne les comètes : quand l’une d’elle s’approche du soleil, sa glace fond et s’échappe dans l’espace sous forme de gaz, ce qui fait accélérer la comète comme une fusée. Mais aucune émission de cette sorte n’a été repérée. De plus, cette perte de matériau aurait affecté la taille et la forme de l’objet, ce qui n’a pas été constaté.»

J’en suis donc arrivé à la conclusion qu’il pouvait s’agir d’une voile solaire

Pour Avi Loeb, il ne reste qu’une seule explication : Oumuamua a subi une poussée extérieure : «C’est une impulsion provoquée par les radiations solaires. Mais pour que cela fonctionne, il faut que l’objet soit très fin, moins d’un millimètre d’épaisseur, en d’autres termes qu’il ait une forme de crêpe. De plus, on sait aussi qu’il est dix fois plus lumineux qu’un astéroïde classique. Nous avons donc un objet fin, plat et brillant. J’en suis donc arrivé à la conclusion qu’il pouvait s’agir d’une voile solaire, un vaisseau qui utilise les radiations du soleil pour se propulser au lieu de carburant. Et c’est une technologie que notre civilisation commence tout juste à développer.»
 

Un prototype de voile solaire imaginé par la Nasa.
      Un prototype de voile solaire imaginé par la Nasa. © Nasa

Il s’agit d’un domaine qu’Avi Loeb connaît bien puisque il a travaillé sur ce type de vaisseaux avec, Stephen Hawking, Mark Zuckerberg et l’investisseur Yuri Milner au sein de l’initiative Breakthrough Starshot, visant à créer des voiles solaires capables de voguer à 1/5 de la vitesse de la lumière et d’atteindre le Système solaire le plus proche du nôtre, Alpha du Centaure, en moins de 20 ans. Selon les recherches de l’astrophysicien, l’accélération d’une telle voile solaire serait tout a fait comparable à celle d’Oumuamua à l’approche du Soleil.

Le visiteur a disparu dans l’obscurité

Avi Loeb est convaincu que ce vaisseau a pu dériver, intact, pendant des millions d’années à travers l’espace. L’hypothèse la plus vraisemblable, selon lui, est qu’Oumuamua est une sonde, envoyée au hasard dans la galaxie ou à dessein vers notre système solaire. Mais «nous n’avons aucun moyen de savoir s’il dispose encore d’une technologie active», « les écoutes par radio-télescope menées en novembre 2017 n’ayant pas donné de résultat» et « nos systèmes de propulsion actuels ne nous permettant pas de l’intercepter».

«Le visiteur est venu dîner, s’est engouffré dans la rue et a disparu dans l’obscurité, nous ne saurons jamais qui il est» résume Avi Loeb. Toutefois, rien n’est perdu : «Dans trois ans, la construction du telescope LSST sera achevée». Ce «Grand Télescope d’étude synoptique», installé à une altitude de 2680 mètres sur le Cerro Pachón au Chili, disposera de capacités d'observation sans équivalent dans le monde. « Dès lors, nous pourrons observer bien d’autres objets qui ne seront pas originaires de notre système solaire. Et nous saurons si Oumuamua est une anomalie ou pas.»







Paris Match